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Contexte

Depuis 2009, le conflit entre des groupes armés, dont le Groupe sunnite pour la prédication et le djihad – couramment appelé Boko Haram – et les armées du Nigeria et de la sous-région a causé la mort d’un nombre considérable de civils. Les quelque 2,9 millions de déplacés et réfugiés de la région du lac Tchad (ONU 2020), et particulièrement du nord-est du Nigeria (plus de 2 millions de déplacés), sont nombreux à vivre dans des villes, des camps ou des enclaves contrôlées par les militaires, dans des conditions extrêmement précaires.

La guerre entre la mouvance Boko Haram et le gouvernement s’est intensifiée en  2015 avec l’offensive de l'armée nigériane avec l’aide de pays frontaliers pour chasser Boko Haram des principales villes de l’État du Borno, dont Maiduguri sa capitale, a entraîné des bombardements, des déplacements forcés de populations et des violences contre les civils et a généré des situations sanitaires extrêmes dans plusieurs zones enclavées de l’Etat. Tandis que l’armée nigériane continue ses opérations contre les insurgés, les groupes armés affiliés à Boko Haram poursuivent leur stratégie de terreur, en multipliant les attaques et les massacres dans la région du lac Tchad, dont de nombreuses zones sont inaccessibles aux acteurs humanitaires. Lorsqu'elles le sont, les travailleurs humanitaires sont pris pour cible et sont de plus en plus régulièrement victimes d'enlèvements, de prises d'otages et d'assassinats. Les interventions d’assistance aux populations menées par Médecins Sans Frontières (MSF) se concentrent donc dans les villes-garnison tenues par l'armée et dans les camps de déplacés et de réfugiés, comme ceux de Maiduguri ou de Rann. Lorsque cela est possible, des visites sont organisées dans des zones davantage reculées.

Les conséquences du conflit sur les populations sont immenses. Sur place, MSF gère des services d’urgences, des blocs opératoires, des maternités et  des unités de pédiatrie. Les équipes fournissent ainsi des soins nutritionnels, mènent des campagnes de vaccination et prennent en charge le traitement du paludisme, de la tuberculose et du VIH. Elles soutiennent également les victimes de violences sexuelles, assurent des programmes de santé mentale et approvisionnent certaines zones en eau et assainissement.

Source : Rapport d'activités international de MSF, 2019
Source : Rapport d'activités international de MSF, 2019

En juin 2016, MSF se rend dans la ville de Bama, dans l’État de Borno dans le nord du Nigeria, ville contrôlée par l’armée dans une enclave en plein cœur d’une zone d’affrontements avec Boko Haram. Les équipes y découvrent une situation sanitaire désastreuse pour des milliers de personnes et des taux de malnutrition aiguë extrêmement élevés. 

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Des populations exclusivement dépendantes de l'aide humanitaire

Les conséquences de la guerre entre les groupes armés communément regroupés sous le nom de Boko Haram et l’armée nigériane sont dramatiques pour les habitants du nord-est du Nigeria, qui concentre la plus grande partie des populations déplacées par le conflit. Pour échapper aux attaques et aux combats, elles ont fui leurs villages par milliers ou ont été regroupées par l’armée vers des villes ou des camps contrôlés par le gouvernement. En 2015, la population de Maiduguri, la capitale de l’État du Borno, a plus que doublé avec l’arrivée massive de personnes déplacées en raison des affrontements. Une grande partie d’entre elles dépendent de l’aide humanitaire pour leur survie.

En 2016, les équipes MSF ont découvert et révélé des situations sanitaires catastrophiques dans plusieurs villes-garnisons contrôlées par l'armée, telles que Bama ou Banki, privées de toute assistance pendant de long mois, puis des taux de malnutrition alarmants (autour de 25 %) chez les populations déplacées dans des camps à l’intérieur même de Maiduguri. Entre octobre 2016 et janvier 2017, MSF a ainsi distribué 810 tonnes de nourriture à Maiduguri et les villes alentour.

Dans l'État du Borno, l’accès aux services de base est limité et les services de santé sont inexistants. Il s’agit d’un problème structurel à la région, qui a été aggravé par le conflit. Or, les populations sont par exemple particulièrement exposées au paludisme pendant la saison des pluies – mais aussi de plus en plus durant les saisons sèches –, une des principales causes de décès chez les jeunes enfants. MSF prévient de la maladie en menant entre autres des campagnes de chimio-prévention, notamment auprès des enfants et des femmes enceintes. D'autres épidémies sont également récurrentes dans ces zones : depuis 2017, MSF est intervenue pour faire face à des épidémies de méningite, d’hépatite E, de choléra et plus récemment de rougeole.
 

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Des villes enclavées, exposées à la violence

Si la situation sanitaire dans des villes comme Maiduguri semble se stabiliser, grâce à une forte mobilisation de l’assistance humanitaire, elle reste précaire dans de nombreuses villes enclavées de la région. Pulka n’est par exemple qu’à une centaine de kilomètres de Maiduguri, mais elle n’est accessible que par hélicoptère, à cause de l’insécurité permanente. En janvier 2017, quand MSF a commencé ses opérations d’assistance à Rann, une ville proche de la frontière avec le Cameroun, les déplacés ne disposaient que d’un seul litre d’eau par jour et par personne. Quelques jours après leur arrivée, les équipes de l’association ont été témoins du bombardement de la ville par l’armée nigériane, qui a causé la mort d’au moins 90 personnes. Les groupes armés groupes armés affiliés à Boko Haram, contrôlent des territoires immenses et les axes routiers dans le nord-est du Nigeria, et il est pratiquement impossible de mener des évaluations sur la situation sanitaire et nutritionnelle dans ces zones.