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Contexte

Depuis 1979, les populations afghanes subissent au quotidien les conséquences de la guerre. L’invasion soviétique a été suivie par une longue phase d'instabilité et de combats, dont l'issue a été la prise de pouvoir par l'Émirat islamique d'Afghanistan, plus connu sous le nom de Talibans, dans les années 1990. Suite aux attentats du 11 Septembre 2001, une autre guerre a commencé, menée par les États-Unis et appuyée par l’OTAN, dans le cadre de leur intervention militaire contre les talibans. A partir du printemps 2021, le départ des forces de la coalition internationale a déclenché une nouvelle phase de combats, brève mais intense, faisant de nombreuses victimes parmi la population.

La crise en Afghanistan se caractérise par une grande violence, des conflits récurrents, des attentats meurtriers, des catastrophes naturelles fréquentes, des déplacements de populations généralisés à l'intérieur du pays et des besoins de santé publique majeurs. Le pays se classe au 169e rang (sur 189) dans le rapport 2020 du Programme des Nations-unies pour le développement (PNUD), relatif à l'indice de développement humain ; les populations afghanes étant ainsi en grande partie dépendantes de l'aide internationale.

Au cours de la dernière décennie, le conflit armé a tué plus de 32 000 civils et en a blessé jusqu'à 60 000 autres (ONU, 2019). Parallèlement, la prévalence de l'extrême pauvreté a également augmenté, avec 80 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté. Les coûts médicaux limitent de fait l'accès aux soins et les taux de morbidité et de mortalité sont par conséquent élevés

Pendant des années, malgré les financements provenant des institutions et bailleurs internationaux, l’accès aux soins dans le pays est resté  très difficile, aussi bien dans les provinces afghanes, que dans la capitale Kaboul, qui connaît ces dernières années une importante croissance démographique. Cette situation touche durement les femmes – davantage encore les femmes enceintes – et les autres populations marginalisées, comme les plus de quatre millions de personnes déplacées dans le pays (Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU - OCHA, 2020) ou encore la minorité chiite Hazara qui est régulièrement prise pour cible dans des attentats, notamment à Kaboul. Depuis la reprise du pouvoir par l’Emirat Islamique de l’Afghanistan, en août 2021, la majorité de l’aide internationale a été bloquée par les bailleurs de fonds, amenant le système sanitaire au bord de l’effondrement.

Médecins Sans Frontières (MSF) reste mobilisée en Afghanistan auprès de ces populations exclues des soins, malgré les graves attaques dont elle et ses patients ont été l’objet ces dernières années comme celle contre l'hôpital de traumatologie de Kunduz en 2015, ou celle contre la maternité de Dasht-e-Barchi de Kaboul en 2020. Aujourd’hui, nos opérations continuent dans plusieurs provinces du pays. Nos équipes répondent aux besoins de la population dans les domaines de la traumatologie, de la santé maternelle et infantile, de la malnutrition, de la réponse à l’épidémie de Covid-19, mais aussi aux maladies chroniques comme la tuberculose, et offrent également des soins de santé primaire.

En 2018, quelque 150 000 personnes ont fui leurs villages touchés par le conflits pour se réfugier dans la ville d'Hérat, dans le nord-ouest de l'Afghanistan. MSF a ouvert une clinique en périphérie de la ville pour répondre à leurs besoins et rétablir leur accès aux soins de santé.

Afghanistan : des conditions de vie difficiles pour les familles déplacées à Herat

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Attaques ciblées contre les structures de santé

En 2018, l'Afghanistan se classait au troisième rang mondial du plus grand nombre d'attaques contre les structures de santé, avec 91 attaques signalées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Les attaques se sont poursuivies en 2019, avec 119 incidents signalés dans 23 provinces du pays. Résultat : encore davantage de personnes se sont vus refuser l'accès aux services de santé. MSF est régulièrement témoin de ces attaques, voire est directement visée par celles-ci. Le 3 octobre 2015, dans la ville de Kunduz, dans le nord de l'Afghanistan, l’hôpital de traumatologie de MSF est la cible d'un bombardement aérien imputé à la coalition américaine. Cette attaque a entraîné le décès de 42 personnes (24 patients, 4 accompagnateurs et 14 membres du personnel de MSF), et 37 autres ont été blessés. La destruction de l'hôpital a eu des répercussions énormes sur les populations de la province et des provinces voisines, privées d'accès aux soins que proposaient les équipes MSF à Kunduz.

En juillet 2017, MSF décide de rouvrir un projet à Kunduz, en installant un dispensaire pour effectuer des consultations médicales, offrir des soins aux patients présentant des brûlures légères, assurer un suivi post- opérations chirurgicales et soigner les patients atteints de maladies chroniques.

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Le massacre de Dasht-e-Barchi

Les femmes afghanes sont particulièrement exposées au risque de mourir de causes évitables liées à la grossesse et à l'accouchement. Depuis dix ans, les complications liées à l'accouchement ainsi que le taux de mortalité maternelle et néonatale restent à des niveaux élevés, principalement en raison de problèmes persistants de manque d'accès aux soins. L'Afghanistan possède ainsi l’un des taux de mortalité maternelle et infantile les plus élevés au monde : le taux de mortinatalité atteignant 28,4 pour 1 000 naissances (OMS, 2019), avec de fortes disparités régionales. De nombreuses femmes afghanes ne font pas le voyage jusqu’aux structures sanitaires. Lorsqu'elles parviennent enfin à se rendre à l'hôpital pour accoucher, il est souvent déjà trop tard. 

Entre 2016 et 2019, les équipes MSF ont assisté 271 000 naissances en Afghanistan.

Si Kaboul, la capitale afghane est mieux dotée en structures de santé que le reste du pays, la plupart de ces structures sont privées et payantes, et l’accès aux soins de santé maternelle y est également restreint car le prix d’un accouchement ou d’une césarienne est inaccessible pour de nombreuses familles. En 2014, MSF a ainsi ouvert un service d’urgence spécialisé en soins obstétriques et néonatals au sein de l’hôpital public de Dasht-e-Barchi, dans l’ouest de Kaboul, à proximité de là où vit majoritairement la minorité chiite Hazara discriminée, notamment dans l'accès aux soins. Le 12 mai 2020, la maternité du quartier de Dasht-e-Barchi à Kaboul, ouverte par MSF en 2014 en collaboration avec le ministère de la Santé, est attaquée. Les assaillants assassinent dans leurs lits, chambre après chambre, 16 mères en couche dont cinq étaient sur le point de mettre leur bébé au monde. Plusieurs autres personnes sont également tuées, dont une sage-femme employée par MSF et deux enfants de 7 et 8 ans. Non revendiqué, ce massacre a selon toute vraisemblance été commis par des membres affiliés à l’État islamique, et s’inscrit dans une suite d’attaques contre la minorité chiite Hazara, contre les civils et contre les organisations humanitaires en Afghanistan. Face à cette intolérable violence, MSF décide de ne pas rouvrir la maternité et de cesser ses activités à Dasht-e-Barshi. En 2019, près de 16 000 femmes y avaient donné la vie.

 

© Sandra Calligaro

C’était Dasht-e-Barchi

Reportage au cœur de la maternité avant l’attaque du 12 mai 2020

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Aider les populations déplacées, en marge de l'accès aux soins

En Afghanistan, les violences permanentes perpétrées par les différents groupes armés sur les nombreux territoires qu'ils contrôlent, poussent des millions de personnes à fuir leurs foyers. 

Source : Enquête MSF dans la région d'Hérat, 2018.
Source : Enquête MSF dans la région d'Hérat, 2018.

Depuis 2018, les équipes MSF offrent des consultations médicales, des traitements contre la malnutrition, des vaccinations de routine, des soins pré- et postnatals et un service de planning familial à Hérat, où de nombreuses personnes déplacées sont venues se réfugier en raison du conflit en cours dans le pays. MSF a également mis en place un centre de nutrition thérapeutique au sein du service de pédiatrie de l'hôpital de la ville. Selon une enquête menée sur le terrain par MSF, dans plus de 80 % des cas, le coût des soins représente le principal obstacle d'accès aux services médicaux. Les familles de déplacées n'ont ainsi pas les moyens de se faire soigner, alors qu'elles vivent dans des camps dans des conditions de vie déplorables. La pandémie de Covid-19 a davantage aggravé leur situation, la région d'Hérat ayant été le deuxième foyer de contaminations le plus important du pays au mois de juillet 2020. MSF est ainsi intervenue en ouvrant un centre de traitement dédié au coronavirus à Hérat.