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Contexte

Créé en 1974 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans le but de rendre les vaccins accessibles à tous les enfants dans le monde, le Programme élargi de vaccination (PEV) a permis d’importants progrès en termes d’accès à la vaccination dans les pays en voie de développement. Aujourd'hui, au moins 20 maladies – dont la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la grippe et la rougeole – peuvent être prévenues par les vaccins à disposition, permettant ainsi de sauver jusqu’à 3 millions de vies chaque année (OMS, 2020). Dans le cas du vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche (DTC) par exemple, le pourcentage d’enfants ayant reçu les trois doses du vaccin est passé d’environ 10 % à 86 % en 40 ans (OMS, 2018). L’accès à la vaccination a ainsi considérablement participé à la réduction de la mortalité infantile au cours des dernières décennies.

Parvenir à fournir un plus grand nombre de vaccins nécessite cependant d’importants progrès sur plusieurs plans : politique, financier, technique et logistique (approvisionnement et stockage). Les contraintes pour obtenir l’autorisation d’importer ou d’utiliser certains vaccins par les autorités sanitaires nationales, les coûts liés à l’achat de certains vaccins – notamment dans les pays qui ne bénéficient pas de prix subventionnés –, ainsi que les obstacles liés à la conservation des vaccins (respect de la chaîne du froid), représentent entre autres des difficultés considérables. 

Dans les pays où la couverture vaccinale est faible, Médecins Sans Frontières (MSF) offre des vaccinations de routine aux enfants de moins de cinq ans dans le cadre de ses programmes de soins de santé primaires. La vaccination est également un élément clé de la réponse de MSF aux épidémies de rougeole, de choléra, de fièvre jaune et de méningite. Dans les contextes de crise, qui entraînent souvent des déplacements de populations et la dégradation rapide des conditions de vie et de santé, MSF organise des campagnes de vaccination de masse pour réduire la charge des maladies évitables par la vaccination et diminuer les risques d’épidémies, notamment de rougeole ou de choléra.

MSF réalise trois types d'activités en termes de vaccination : la vaccination de routine, des campagnes de vaccination préventive des risques épidémiques et des campagnes de vaccination réactive une fois l'épidémie déclarée.

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La vaccination de routine

La nécessité d’administrer plusieurs doses d’un même vaccin rend nécessaires plusieurs déplacements vers une structure de soins ou un centre de santé au cours de la première année de vie de l’enfant. Ce dispositif contraignant ne permet pas aujourd’hui d’atteindre un pourcentage satisfaisant d’enfants vaccinés. Les activités de vaccination de routine peuvent également être défaillantes pour des raisons structurelles (faiblesse du système de santé, infrastructures insuffisantes, détournement de moyens, etc.) ou contingentes (conflits, instabilité politique, catastrophe naturelle). Si le nombre de vaccins a doublé (passant de 6 à 13) depuis 2001, le coût minimum de la vaccination de routine a lui été multiplié par 68. En particulier, trois nouveaux vaccins – le vaccin conjugué contre le pneumocoque (PCV), le vaccin contre le rotavirus et le vaccin contre le papillomavirus (HPV) – représentent 86 % du coût du PEV, dont 45 % pour le seul vaccin PCV, comme le soulignait la Campagne d’accès aux médicaments essentiels (CAME, créee par MSF) dans son rapport The right Shot publié en 2015.

Entre 2016 et 2019, les équipes ont réalisé plus de 3,5 millions de vaccinations de routine.

La pneumonie tue près d'un million d'enfants chaque année dans le monde. Le PCV peut prévenir de nombreux cas de pneumonie, mais il a été pendant vingt ans uniquement fabriqué par les laboratoires Pfizer et GlaxoSmithKline (GSK). En raison d'un manque de concurrence, le prix du PCV est resté hors de portée et environ un tiers des pays du monde n’ont pas été en mesure de l'introduire dans leurs politiques sanitaires. Selon les estimations de l'OMS, 60 % des nourrissons dans le monde ne recevaient pas de PCV en 2015. En 2016, après des années de mobilisation, MSF obtient de la part de Pfizer et GSK une baisse du prix du vaccin contre les pneumocoques à 9 dollars (les 3 doses) pour les organisations humanitaires dans les contextes d’urgence sanitaire. Fin 2019, l'espoir de rendre accessible le PCV à un plus grand nombre s'est profilé avec l'annonce par l’OMS de la préqualification d'un vaccin générique contre le pneumocoque produit par le laboratoire pharmaceutique indien Serum Institute of India. Ce vaccin pourrait ainsi être vendu à 6 dollars (2 dollars la dose) dans les pays à faible revenu et à 11 dollars dans les pays à revenu intermédiaire. 

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Les campagnes de vaccination préventives

Plusieurs facteurs peuvent entraîner une augmentation des risques d’épidémies (rougeole, diphtérie, choléra, méningite, etc.) ou des décès liés à des maladies évitables par la vaccination (tétanos, pneumonies, etc.). On peut noter d’un côté, la diminution du pourcentage d’enfants vaccinés dans le cadre du PEV. De l’autre, l’augmentation de la vulnérabilité liée à certaines crises humanitaires : par exemple, la précarité des conditions de vie dans un camp de réfugiés. Ces campagnes préventives demandent des négociations au cas par cas avec les ministères de la Santé et leurs partenaires. En 2013, l’OMS a adopté de nouvelles recommandations qui prévoient d’élargir le nombre de vaccins proposés, en fonction du contexte et des risques identifiés. Mais dans de nombreux pays, la méconnaissance de ces nouvelles recommandations ralentit considérablement les négociations en vue de l’organisation de campagnes de vaccination au moment où elles sont le plus nécessaires. 

Depuis 2013, la crise politique et militaire qui secoue la République centrafricaine a provoqué l’effondrement des taux de couverture vaccinale dans le pays. Au vu des risques épidémiques encourus en raison des déplacements massifs de populations et leurs mauvaises conditions de vie dans les camps, les équipes MSF sont intervenues dans le pays en menant une campagne de vaccination préventive sans précédent. Au total, près de 250 000 enfants ont été vaccinés contre la polio, le tétanos, la diphtérie, la coqueluche, l’hépatite B, la rougeole, des souches de pneumonie et de méningite pour la seule année 2016.

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Les campagnes de vaccination réactive

MSF mène également, seule ou en partenariat avec les autorités des pays concernés, des campagnes de vaccination en réponse à des épidémies. Cela a été le cas en République démocratique du Congo (RDC) en 2015 puis en 2018, lors d’épidémies de rougeole. En 2019, la RDC devient le foyer de la plus grande épidémie de rougeole au monde et pour cette seule année, les équipes MSF ont traité plus de 50 000 patients et vacciné plus de 810 000 enfants contre la rougeole dans le pays.

Toujours en RDC, la lutte contre le virus Ebola continue (dans la province d'Équateur en 2018, dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri de 2018 à 2020, de nouveau en Équateur en 2020). L'introduction des vaccins, développés par les laboratoires Merck et Jonhson&Johnson, a cependant permis d'améliorer la situation épidémique dans le pays. En 2019, MSF a ainsi participé dans le cadre d'essais cliniques à la mise en place d'une campagne de vaccination en RDC, visant à réduire le nombre de nouveaux cas signalés et prévenir du risque de contamination les populations vivant à proximité des zones de forte prévalence, afin de réduire la transmission du virus. Combinée à des soins curatifs, cette stratégie vaccinale semble porter ses fruits et rend désormais la maladie évitable.