Épidémie de rougeole au Soudan : au Darfour, MSF intensifie ses activités vaccinales des enfants malgré le conflit en cours dans la région

Salah Aldeen, infirmier de MSF, pose une perfusion intraveineuse à Marwa, 3 ans, admise car elle présentait les symptômes de la rougeole. Nord du Jebel Marra, Soudan, mai 2025.
Salah Aldeen, infirmier de MSF, pose une perfusion intraveineuse à Marwa, 3 ans, admise car elle présentait les symptômes de la rougeole. Nord du Jebel Marra, Soudan, mai 2025. © Thibault Fendler/MSF

Depuis un an, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) sont témoins d'épidémies de rougeole dans les quatre États du Darfour où elles travaillent au Soudan. Même si des campagnes de vaccination massives sont en cours dans plusieurs zones de la région, MSF insiste sur la nécessité d'intensifier les efforts pour rattraper le retard en matière de vaccination des enfants. 

Depuis le mois de juin 2024 plus de 9 950 patients atteints de la rougeole ont été pris en charge dans les structures de santé gérées ou soutenues par MSF dans la région du Darfour. Parmi eux, 2 700 cas complexes ont nécessité une hospitalisation et 35 décès ont été enregistrés. Pour faire face à cet afflux de patients, les équipes de MSF ont dû renforcer les capacités pédiatriques en augmentant le nombre de lits dans trois hôpitaux.  

Début 2025, des cas ont également été signalés dans l'est du Jebel Marra, dans le Darfour du sud et à Forbrenga dans le Darfour occidental. Récemment, de nouvelles flambées ont également été observées à Zalengei, Sortony et à Tiné, dans l'est du Tchad, où MSF mène des activités. 

Carte des interventions de MSF au Darfour, Soudan 
 © MSF
Carte des interventions de MSF au Darfour, Soudan  © MSF

L'une des raisons principales de cette flambée épidémique est la faible couverture vaccinale dans la région. « À Foro Baranga, au Darfour Occidental, 30 % des patients atteints de rougeole que nous recevons ont plus de cinq ans et seulement 5 % d'entre eux sont vaccinés. Le manque de vaccination remonte à bien avant le conflit actuel », explique Sue Bucknell, chef de mission adjointe de MSF au Darfour occidental. Le Soudan est le théâtre d'une guerre depuis avril 2023 entre les forces armées soudanaises et les forces de support rapide, avec des conséquences dramatiques pour les civils. Violences, déplacement forcés, crise nutritionnelle allant par endroits jusqu'à une situation de famine : la situation humanitaire est particulièrement catastrophique dans la région du Darfour. 

À la suite des signalements de flambées épidémiques par MSF, plusieurs mois ont été nécessaires pour que les vaccins puissent être disponibilisés depuis les stocks du ministère de la Santé et de l’UNICEF à Port Soudan, à environ 2 000 kilomètres du Darfour, rendant possible le lancement des campagnes. « Le conflit en cours limite la capacité des acteurs médicaux à prévenir et à répondre aux épidémies de maladies contagieuses », ajoute le Dr Cecilia Greco, coordinatrice médicale de MSF pour le Darfour central. Depuis le début de la guerre, les obstacles administratifs constants et les blocages réguliers des principales routes d'approvisionnement par les belligérants ont entraîné des pénuries de vaccins dans tout le Darfour. Cela a perturbé les programmes de vaccination de routine dans plusieurs endroits, parfois pendant des mois. « De plus, les déplacements massifs de population ont accéléré la propagation de la maladie dans toute la région, compliquant encore davantage la situation », explique le Dr Cecilia Greco. Par exemple à Sortony, un camp de déplacés de plus de 55 000 personnes au nord du Darfour, les activités de vaccination ont été entièrement suspendues de mai 2024 à février 2025. 

C’est en juin 2024 que MSF avait traité la première vague de cas de rougeole, à Rokero, une ville située au nord des montagnes du Jebel Marra, dans le centre du Darfour. La même année, MSF avait mené plusieurs campagnes de vaccination, notamment en novembre dans le nord du Jebel Marra, où 9 600 enfants ont été vaccinés. Cependant, en raison de l'approvisionnement limité en vaccins, les équipes de MSF ont été contraintes de réduire leurs activités et la tranche d’âge ciblée, en ne vaccinant que les enfants de moins de cinq ans, malgré des besoins évidents chez ceux plus âgés également. Alors que la campagne de vaccination avait initialement ralenti l'épidémie, les cas ont recommencé à augmenter à partir de février. 

Aujourd’hui les campagnes de vaccinations menées par le ministère de la Santé avec le soutien de MSF ont repris. Au début du mois de juin, 55 800 enfants âgés de 9 mois à 15 ans ont été vaccinés à Forbrenga, au Darfour Occidental. Et une campagne similaire se déroule pour vacciner 93 000 autres enfants dans le nord du Jebel Marra et à Sortony dans le cadre d’une campagne similaire. 

La rougeole n'est pas la seule maladie contagieuse présente actuellement au Darfour et susceptible de se transformer en épidémie. « Début juin, environ 200 cas suspects de choléra ont été signalés dans des centres de santé soutenus par MSF dans deux États différents du Darfour. Cela fait suite à une importante épidémie de choléra en cours dans l'État de Khartoum et dans d'autres régions du Soudan », explique Sue Bucknell. 

Notes

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