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Contexte

Dix ans après le début de la guerre, 1,5 million de personnes ont trouvé refuge dans la région d’Idlib, dans le nord-ouest du pays, souvent au gré de déplacements répétés. Dans cette enclave, dernier bastion de la rébellion syrienne, les populations sont exposées aux bombardements aériens menés par les forces du régime de Bachar-el-Assad et leurs alliés – notamment russes – pour reprendre le contrôle des zones rebelles. La situation économique dans la région continue de se détériorer. Les déplacés vivent pour la plupart dans des camps ou des logements de fortune, dans des conditions précaires : manque d'eau potable, de nourriture, mauvais assainissement, accès très limité aux services de santé.

Toujours dans le nord du pays, les tensions entre la Turquie et les forces kurdes se sont traduites ces dernières années par des offensives régulières turques, entraînant des déplacements de population. Le système de santé syrien, relativement performant avant la guerre, s’est effondré. Dans les zones échappant au contrôle du gouvernement de Damas, les structures sanitaires ont été prises pour cible, le personnel médical visé et persécuté, l’approvisionnement en médicaments et matériel médical systématiquement rationné voire empêché. Les populations civiles ont payé le prix fort de la guerre et dépendent souvent d’une aide extérieure pour accéder aux soins. 

Tout au long de la guerre, l’assistance aux populations a été soumise à une multitude de contraintes, liées à la nature du conflit (évolution rapide des lignes de fronts, bombardements indifférenciés, …), ainsi qu’à l’extrême difficulté de négocier un espace de travail (criminalisation de l’aide humanitaire en zone d’opposition de la part du régime syrien, impossibilité d’accéder aux zones tenues par l'État islamique (EI), etc.). 

Dès les premières années du conflit, Médecins Sans Frontières (MSF) a décidé de soutenir – de manière clandestine et par le biais d'autres acteurs sur place – de nombreuses structures de santé dans le pays, en plus de son intervention directe auprès des populations, notamment dans les camps de déplacés. 
MSF intervient également dans les camps où sont retenues des dizaines de milliers de personnes considérées comme membres ou soutiens du groupe Etat Islamique, y compris des ressortissants de pays étrangers. 

 

Principaux gouvernorats des interventions de MSF. Source : rapport international d'activités 2019
Principaux gouvernorats des interventions de MSF. Source : rapport international d'activités 2019

Jean Pletinckx, chef de mission MSF en Syrie, revient sur la situation humanitaire dramatique dans le nord-ouest du pays, où près de 1,5 million de personnes vivent dans des camps surpeuplés. 

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Situation humanitaire dramatique dans le nord-ouest

Depuis le début du conflit et des nombreuses offensives menées contre les forces de l'opposition sur le territoire syrien, la province d'Idlib a toujours été une terre d'accueil pour une part importante des personnes obligées de fuir les combats et de se déplacer à l'intérieur du pays. De nombreuses familles s'y sont ainsi installées au fil des années, au gré des attaques dans la région. 

 

© Hélène Aldeguer

Idlib, le dernier chapitre sans fin de la guerre en Syrie

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De décembre 2019 à mars 2020, une opération militaire est lancée dans les provinces d'Idlib et d'Alep par les forces syriennes et leurs alliés russes. Les bombardements aériens ont des conséquences dramatiques pour les populations, obligées de fuir toujours plus au nord de ces provinces, vers la frontière turque, considérée comme plus sûre. C'est le déplacement de population le plus important depuis le début du conflit : un million de personnes prennent la fuite. 

MSF, qui intervient à Atmeh, une ville de la province d’Idlib, ainsi que dans les camps de la région depuis 2012,  est témoin de cette situation catastrophique : plus d’un millier de camps informels se développent dans le nord-ouest de la Syrie, surpeuplés et où l’accès aux services de base est quasi inexistant, les conditions de vie insalubres, l'assistance humanitaire insuffisante. Une situation qui s'est aggravée avec la pandémie de Covid-19. 

Les équipes MSF sont entre autres présentes dans le camp Deir Hassan dans le nord de la province d'Idlib pour distribuer des biens de première nécessité (kits d'hygiène, nourriture, produits essentiels) et prodiguer des consultations médicales. 

 

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Criminalisation de l’aide humanitaire et territoires inaccessibles

Lorsque la révolte éclate en Syrie au printemps 2011, la répression brutale s’associe à une politique de la terreur, menant les forces loyales à Bachar el-Assad à persécuter les manifestants blessés jusque dans les espaces de soins et à mener des représailles contre les médecins qui tentent de les soigner. Des réseaux de médecins s'organisent alors en cachette, mais manquent de tout. En l’absence d'autorisation officielle pour intervenir en Syrie, MSF entre dans le pays de manière clandestine dès le début du conflit pour assurer l'approvisionnement en médicaments et en matériel médical, avant d'ouvrir un hôpital spécialisé en soins traumatologiques à Atmeh, dans le nord du pays. À cette époque, les équipes MSF travaillent également aux frontières des pays limitrophes – comme au Liban et en Jordanie – pour apporter une assistance aux nombreux réfugiés qui fuient la Syrie. 

En 2013, le conflit entre le régime de Bachar el-Assad et les oppositions s’enlise. Le système de santé s'effondre dans les zones contrôlées par l'opposition, toujours privées d'assistance humanitaire et victimes des représailles armées du gouvernement, alors que le groupe État islamique (EI) gagne du terrain (Rakka, Kobané, Palmyre, Baghouz). MSF est contrainte de se retirer de toutes les zones sous contrôle de l'EI après le kidnapping et la détention de cinq de ses volontaires en janvier 2014. Les années suivantes, l’association poursuit ses activités médicales en s’appuyant sur les personnels syriens et continue de soutenir les structures de santé dans le pays.

 

© Anas Al Kharboutli

« Sans issue - Syrie, 10 ans de guerre »

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Structures médicales sans cesse bombardées et assistance humanitaire empêchée

Avec l’internationalisation du conflit en 2014 et 2015 et le déploiement d'une coalition internationale menée par les États-Unis contre l'EI, les violences sur les civils s’intensifient. Assiégée, bombardée, attaquée, déplacée, la population syrienne est exsangue et largement coupée d’accès aux soins de santé. L’aide humanitaire et les infrastructures hospitalières sont ciblées par l’aviation syrienne et ses alliés, principalement russes. Pour la seule année 2015, MSF a répertorié 101 attaques sur les structures de santé qu’elle soutenait en Syrie. Souvent, les bombardements ont lieu en deux temps : la deuxième frappe a lieu après l'arrivée des personnels médicaux et de secours sur les lieux de la première.

Les stratégies de siège mises en place par les forces loyalistes, comme cela a été le cas dans la Ghouta orientale (banlieue de Damas) ou dans la ville d'Alep, coupent les populations civiles de toute aide humanitaire, même la plus essentielle, en bloquant également l’acheminement de nourriture ou des médicaments. Les évacuations pour transférer des patients vers d'autres structures de santé mieux équipées ne sont pas autorisées. 

L’offensive sur Alep en 2016 est une illustration dramatique de ces politiques. Les pénuries de nourriture, d'électricité, d'eau, de médicaments sont le quotidien de la population d’Alep-Est. Alors qu'un corridor humanitaire avait été négocié, un convoi humanitaire est pris pour cible par un bombardement aérien attribué au gouvernement syrien et à son allié russe. La reprise de la ville par les forces loyalistes en décembre 2016 survient après une série de bombardements meurtriers tout au long de l'automne. 
 

© Karolina Mikos/Upian

Corps en Guerre, à la croisée des destins et des guerres du Moyen-Orient

Découvrez l’expérience multimédia Corps en Guerre qui raconte les histoires de quatre familles, marquées par les guerres qui secouent le Moyen-Orient depuis des années et toutes passées par l’hôpital de chirurgie reconstructrice de MSF à Amman, en Jordanie.

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Nord-est de la Syrie : dans les camps de prisonniers affiliés à l'EI

La plupart des résidents du camp d'Al-Hol, situé dans le nord-est de la Syrie, sont arrivés entre décembre 2018 et mars 2019, après avoir été arrêtés ou ayant fui les combats au sol et les bombardements aériens dans le gouvernorat de Deir-ez-Zor, théâtre de l’ultime affrontement entre l'EI et les Forces démocratiques syriennes (FDS). Parmi les 65 000 personnes détenues dans ce camp, plus de 90% sont des femmes et des enfants dont l’accès aux soins de santé est très limité. Une partie du camp, appelée l'Annexe, regroupe également quelques 10 000 personnes, ressortissantes de pays étrangers. MSF est présente sur place pour soigner les nombreux cas de malnutrition et de diarrhées et assurer un accès minimum aux soins de santé.