Tuberculose : MSF demande à Johnson & Johnson de renoncer aux brevets sur la bédaquiline et permettre ainsi la production de médicaments génériques

Un patient prend ses médicaments contre la tuberculose dans le village de Chudniv, dans la région de Zhytomyr, en Ukraine. 
Un patient prend ses médicaments contre la tuberculose dans le village de Chudniv, dans la région de Zhytomyr, en Ukraine.  © Oksana Parafeniuk/MSF

Après un monopole de vingt ans sur la bédaquiline, un médicament vital aujourd’hui utilisé dans la lutte contre la tuberculose multirésistante, le brevet de Johnson & Johnson a expiré hier dans la majorité des pays où il avait été déposé. Médecins Sans Frontières (MSF) réitère son appel au groupe pharmaceutique américain pour qu'il renonce à prolonger son brevet sur la bédaquiline et ce, avant le sommet de l'ONU sur la tuberculose qui se tiendra à New York en septembre prochain. Dans les pays où une extension du brevet a déjà été obtenue, MSF demande au groupe de renoncer à toute action en justice contre les fabricants qui exportent des versions génériques plus abordables de la bédaquiline dans les zones fortement touchées par la tuberculose multirésistante. Ces annonces doivent être faites publiquement et avec transparence.

Le partenariat « Stop TB - Global Drug Facility » (GDF) a annoncé la semaine dernière un accord avec Johnson & Johnson pour améliorer l’accès à des génériques abordables. En excluant de nombreux pays à forte prévalence de tuberculose, principalement en Europe de l’Est et en Asie centrale, cet accord n’est qu’une solution partielle au problème.

« Le fait de pouvoir proposer la bédaquiline aux personnes atteintes de tuberculose multirésistante a constitué une révolution dans le traitement de cette maladie mortelle, en réduisant la durée du traitement, le nombre de comprimés et les effets secondaires, ainsi qu’en améliorant l’adhésion et la réponse des patients au traitement », explique le Dr Zulfiya Dusmatova, qui soigne les personnes atteintes de tuberculose pour MSF au Tadjikistan. « Il serait révoltant que les pays d'Europe de l'Est et d'Asie centrale, qui sont parmi les plus touchés par la tuberculose multirésistante, soient injustement exclus de cet accord, privant ainsi d'accès aux génériques des personnes qui ont urgemment besoin d'un traitement. Nous demandons à Johnson & Johnson d'abandonner toute demande d’extension de brevet et de renoncer à faire valoir les brevets secondaires déjà accordés dans tous les pays fortement touchés par la tuberculose. »

Johnson & Johnson détient des brevets secondaires dans au moins 34 des 49 pays fortement touchés par la tuberculose pour lesquels la bédaquiline est un élément essentiel des protocoles thérapeutiques. Le groupe pharmaceutique a tenté de prolonger son brevet de quatre ans en Inde, mais sa demande a été rejetée par l'Office indien des brevets en mars 2023. Le brevet initial ayant expiré hier, les fabricants en Inde pourront désormais produire et vendre librement des versions génériques du médicament mais aussi les exporter, sauf vers les pays exclus de l’accord GDF où un brevet secondaire est appliqué, les privant pendant au moins quatre ans d’un accès à ces versions plus abordables de la bédaquiline.

Les comprimés de bédaquiline sont un pilier du protocole de traitement de la tuberculose recommandé par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Entièrement administré par voie orale, le traitement dure six mois et permet d’atteindre 89% de taux de guérison, une amélioration considérable par rapport aux anciens traitements qui duraient 18 mois et nécessitaient des injections quotidiennes douloureuses. Johnson & Johnson fixe actuellement le prix de la bédaquiline à 1,50 dollar américain par jour pour un adulte, soit 272 dollars pour six mois. La production de génériques sans restriction devrait faire baisser son prix pour le rapprocher du prix cible de 0,50 dollar par jour.

« Je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi l'ancien traitement de la tuberculose que j'ai dû suivre », déclare Phumeza Tisile, une militant survivante de la tuberculose originaire d’Afrique du Sud, qui a, avec Nandita Venkatesan, une autre survivante originaire d'Inde, gagné en mars un procès contre la tentative de Johnson & Johnson d'étendre son monopole sur la bédaquiline en Inde. Phumeza Tisile est désormais sourde, un effet secondaire du traitement qu’elle a suivi.

MSF demande également à tout pays exclu de l’accord GDF où Johnson & Johnson détient des brevets secondaires sur la bédaquiline d'exercer ses droits en vertu des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour surmonter les obstacles à la production de génériques.  

« Si Johnson & Johnson ne fait pas ce qu'il faut, nous exhortons les gouvernements de tous les pays fortement touchés par la tuberculose à prendre les choses en main afin de sauver davantage de vies », a déclaré Christophe Perrin, pharmacien chargé du plaidoyer sur la tuberculose au sein de la Campagne d'accès aux médicaments de MSF. « Patienter des années après l'expiration du brevet initial pour pouvoir enfin accéder à un générique de bédaquiline abordable ne devrait pas être une option. »

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