Tuberculose multirésistante : des traitements prometteurs grâce à un essai clinique MSF

Une patiente atteinte de tuberculose multirésistante montre sa dose quotidienne de médicaments dans le cadre d'un traitement de courte durée. Karakalpakstan, Ouzbékistan.
Une patiente atteinte de tuberculose multirésistante montre sa dose quotidienne de médicaments dans le cadre d'un traitement de courte durée. Karakalpakstan, Ouzbékistan. © Anna Usova/MSF

TB-PRACTECAL, un essai clinique mené par MSF, évalue de nouvelles approches pour lutter contre la tuberculose  multirésistante (TB-MR) – une souche de la maladie qui ne répond pas aux antibiotiques de première intention et peut nécessiter un traitement complexe de deux ans. Le chercheur britanno-malawite Bern-Thomas Nyang'wa a piloté ce projet. Il en détaille les avancées majeures. 

Pourquoi lancer un tel essai clinique ? 

Au début des années 2000, aucun traitement contre la TB-MR n'existait. On croyait qu'en traitant la tuberculose pharmacosensible de manière adéquate, la tuberculose multirésistante disparaîtrait d'elle-même. Nous utilisions des médicaments des années 1950 - des traitements incroyablement toxiques avec des effets secondaires terribles, parmi lesquels la dépression et le suicide. Mais il n'existait que cela. 

Les patients prenaient jusqu'à 20 comprimés par jour, en plus de douloureuses injections, sur une durée pouvant aller jusqu'à deux ans. Au cours de leur traitement, certains patients mettaient leur vie entre parenthèses. Ils étaient incapables d'aller travailler, de socialiser ou même de se déplacer. 

En gérant mieux les effets secondaires et en fournissant un soutien adéquat lors de l'observation, nous pensions que les choses s'amélioreraient. Malgré les investissements consentis, les résultats étaient encore médiocres : seule une personne sur deux guérissait.

Face à ce constat, MSF lance, en 2017, TB-PRACTECAL. Aujourd'hui, l'essai fait émerger une nouvelle combinaison de médicaments, entièrement oraux, sur une durée de six mois qui est plus facile à prendre, plus sûre et beaucoup plus efficace contre la maladie.

Les résultats de l'essai sont-ils concluants ?

L'essai s'est déroulé sur sept sites dans trois pays : Biélorussie, Afrique du Sud et Ouzbékistan. Le premier patient a pris sa première pilule en janvier 2017. Nous avons essayé trois combinaisons différentes. Selon les retours de nos patients, nous ajustions la dose de l'un des médicaments utilisés pour traiter la TB-MR, le linézolide, à un niveau que nous pensions efficace mais non toxique pour les patients.

Olga, 42 ans, participante à l'essai clinique TB-PRACTECAL à Minsk, Biélorussie.

« J'ai été l'une des premières participantes à l'essai clinique TB-PRACTECAL. D'une certaine manière, nous apprenions comment et quoi faire avec nos médecins et nos infirmières. Ce fut une expérience de collaboration très particulière. »

La démarche était risquée car les combinaisons auraient pu ne pas fonctionner suffisamment bien. Mais nous avons pu trouver le bon équilibre entre les différentes molécules. Le traitement le plus efficace que nous avons trouvé est une combinaison de bédaquiline, prétomanide, linézolide et moxifloxacine (BPaLM), administrés par voie orale pendant six mois.

89% des patients qui ont pris cette combinaison ont été guéris, contre 52% dans le groupe témoin qui a reçu le traitement standard sur les sites d'essai. 

De nombreux patients ont accepté de participer parce qu'ils voulaient aider d'autres personnes atteintes de TB-MR. C'est grâce à eux et grâce à la collaboration des partenaires - plus de 200 personnes au total - que l'essai est un succès. 

Anastasia, 26 ans, participante à l'essai clinique TB-PRACTECAL à Minsk, Biélorussie.

« J'ai probablement eu beaucoup de chance de participer à cet essai. Ce traitement est plus court que les régimes standards et je l'ai très bien toléré. »

MSF doit-elle mener des essais cliniques ?

Il y a encore des gens qui se demandent si les essais cliniques devraient faire partie du travail de MSF. Bien sûr. C'est important de sortir de notre zone de confort et d'utiliser les ressources de l'association lorsque cela peut faire une réelle différence. Nos patients le méritent.

C’est encore plus évident en période de pandémie de Covid-19. Le coronavirus a été contré de manière étonnante avec des vaccins et des traitements dans un délai très court.

Pourquoi cela n'a pas été mis en œuvre pour soigner la tuberculose ? Parce que la maladie n'affecte pas les personnes qui ont les ressources pour y faire face. En tant que MSF, nous devons combler cette lacune ; c'est impératif pour nos patients.

Y a-t-il d’autres résultats à attendre de l’essai clinique ?

TB PRACTECAL n'est pas terminé. Nous réalisons des sous-études liées à l'essai et continuerons à fournir des soins et des bilans de santé aux patients qui terminent leur traitement. Le dernier suivi des patients est prévu pour l'été 2022.

En attendant, nous espérons que ces résultats serviront de contribution majeure aux données probantes pour les recommandations de traitement de la tuberculose qui seront mises à jour par l'Organisation mondiale de la santé. 

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