Coronavirus en RDC : la double peine à Kinshasa

Covid-19 response in Kinshasa
Séance d'habillage pour les infirmières MSF avant d'entrer dans l'unité de traitement Covid-19 mise en place à l'hôpital Saint-Joseph de Kinshasa en avril 2020.  © MSF/Anne Boher

En trois mois, la République démocratique du Congo (RDC) a dépassé la barre des 4 500 cas confirmés de Covid-19. Kinshasa, sa capitale, comptabilise plus de 90 % des cas. Au sein du centre de traitement Covid-19 de l’hôpital Saint-Joseph, MSF prend en charge des dizaines de patients, dont un nombre de plus en plus important de cas sévères en oxygénothérapie et s'inquiète des effets collatéraux de la pandémie sur l'accès aux soins.

Déjà aux prises avec des épidémies de rougeole et d’Ebola, la RDC fait face depuis le 10 mars à la pandémie de Covid-19, qui s’étend progressivement sur tout le territoire. Pour réduire la propagation du nouveau coronavirus, notamment dans sa capitale de 13 millions d’habitants, les autorités ont rapidement mis en place des mesures de prévention telles que la limitation des mouvements, le confinement partiel de certains quartiers, le port obligatoire du masque et la sensibilisation de masse aux gestes barrières. 

Pourtant, les cas n’ont cessé de se multiplier et plus de 4 500 personnes ont été confirmées positives au virus en l’espace de trois mois – un chiffre probablement sous-estimé au vu de la disponibilité des tests encore limitée dans le pays. 

Dans ce contexte, MSF a initié des interventions spécifiques dans toutes ses zones d’intervention, à Kinshasa comme ailleurs dans le pays : renforcement des mesures de prévention, installation d'espaces d’isolement et lancement d'activités de sensibilisation communautaire. 

« À Kinshasa, nous avons organisé des équipes mobiles pour soutenir 50 structures de santé de la ville, explique Karel Janssens, chef de mission de MSF en RDC. Nos équipes y ont renforcé les mesures d’hygiène, ont fourni des masques et des kits de lavage de mains, et ont formé le personnel médical ainsi que les relais communautaires sur la prévention et le contrôle des infections. La protection du personnel et des patients a tout de suite été la priorité absolue. » 

De plus en plus de cas graves

Quelques semaines après le début de la pandémie dans le pays, MSF a mis en place une unité de 40 lits de prise en charge des patients présentant des symptômes simples à modérés dans l’hôpital Saint-Joseph, dans la zone de santé de Limete. Au cours du mois de mai, le centre a enregistré une moyenne de 30 patients hospitalisés par jour. 

Un personnel MSF apporte des lits pour installer l'unité de traitement Covid dans l'hôpital Saint-Joseph. Mai 2020. 
 © MSF/Anne Boher
Un personnel MSF apporte des lits pour installer l'unité de traitement Covid dans l'hôpital Saint-Joseph. Mai 2020.  © MSF/Anne Boher

« Au début de l’intervention, la majorité des patients reçus souffraient de formes bénignes du virus, explique Karel Janssens. Mais depuis mi-mai, nous recevons de plus en plus de patients dans un état grave. Au 11 juin, 14 des 29 patients hospitalisés étaient placés sous oxygénothérapie. » 

Un seul laboratoire effectue les tests Covid-19 dans tout le pays, obligeant les patients à attendre longtemps les résultats avant de pouvoir sortir des structures de santé. Or ils occupent des lits d'hospitalisation alors que d'autres patients ont besoin de de soins, parfois vitaux. 

L’effet caché de la Covid-19 sur l'offre de soins

La faible disponibilité des tests et les délais d'obtention des résultats ne sont pas les seuls défis à relever dans la riposte au coronavirus dans la capitale congolaise. Depuis la déclaration de la pandémie, MSF constate en effet une baisse marquée du nombre d’admissions et de consultations dans les structures de santé qu’elle appuie à Kinshasa. 

« Au Centre Hospitalier Kabinda, le nombre de consultations VIH a baissé de 30% entre janvier et mai, note Gisèle Mucinya, coordinatrice médicale du projet VIH/Sida de MSF à Kinshasa. Et au Centre Mère et Enfants de Ngaba que nous appuyons, une baisse de 44% des consultations générales a été enregistrée entre janvier et avril. C’est très inquiétant. » 

Le Dr Rany Mbayabu, médecin directeur du centre hospitalier privé Mudishi Liboke, tire le même constat. « Depuis mars, les consultations ont chuté de plus de moitié ici, passant d’environ 250 à 100 patients par mois. Les gens ont peur de se faire contaminer par la Covid-19 en venant consulter. D’autres évoquent les difficultés de mouvement ou l’impact économique des mesures de prévention. »

« Face à une pandémie comme la Covid-19, et au vu de l’augmentation des infections respiratoires qui accompagnent la saison sèche, il est vital d’assurer un bon fonctionnement des structures de santé de première ligne. Cette pandémie ne doit pas réduire davantage l’accès aux soins des patients. »

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