Migrants au Brésil : « le coronavirus n'a fait qu'aggraver notre situation »

Des membres de la famille de Baudilio Centeno dans leur logement. Au Brésil, la situation des migrants vénézuéliens s'est aggravée à cause du coronavirus.
Des membres de la famille de Baudilio Centeno dans leur logement. © DiegoBaravelli

Dans l'État de Roraima, au Brésil, les équipes MSF prennent en charge les migrants et demandeurs d'asile vénézuéliens, dont les conditions de vie déjà précaires se sont dégradées avec la pandémie de coronavirus. Témoignages de patients recueillis à Boa Vista où MSF intervient.

Plus de 4 millions de vénézuéliens ont fui la crise économique et politique dans leur pays au cours des trois dernières années. Le nord du Brésil, et plus particulièrement l'État de Roraima, accueille une partie de ces exilés. Certains ont trouvé refuge dans des camps ou des centres d'accueil, mais l'arrivée du coronavirus complique un quotidien déjà éprouvant.

La mise en place des gestes barrières relève du défi lorsque la distanciation est impossible et l'accès à l'eau quasiment inexistant. Trouver un travail est encore plus difficile qu'avant et la fermeture de la frontière isole les migrants de leur famille, restée au pays. 

A Boa Vista, capitale de l'État, la gare routière est l'un des sites où les équipes MSF dispensent des soins de santé mentale à la population migrante, grâce à ses cliniques mobiles. 

Portrait de Miraida Guevara.
 © DiegoBaravelli
Portrait de Miraida Guevara. © DiegoBaravelli

Miraida s'est rendue à la gare routière pour recevoir des soins à la suite d'une blessure au cou. « Je suis venue ici en février, avant la pandémie. J’étais à court d’argent. En arrivant à Boa Vista, j'ai dormi dans la rue pendant quatre jours et je mangeais à la cantine de la gare routière. J'étais vraiment déprimée et je pleurais beaucoup, mais j'ai pu parler avec un psychologue qui travaille chez MSF. Je suis venue au Brésil parce qu’il n’y a ni travail ni nourriture au Venezuela. Il n’y a rien. Au moins, ici, il y a de l'aide. Et j'ai trouvé du travail, même avec la pandémie : je nettoie des maisons et m'occupe des jardins. J'ai six enfants qui sont restés au Venezuela, j'aimerais les faire venir ici. Impossible pour moi de retourner au Venezuela. »

Les équipes MSF proposent également un soutien en santé mentale au refuge Jardim Floresta, qui s'adresse principalement aux enfants et adolescents. Rebeca Laya y habite avec sa famille.

Portrait de Rebeca Laya et sa famille.
 © DiegoBaravelli
Portrait de Rebeca Laya et sa famille. © DiegoBaravelli

Elle vit avec ses enfants et petits-enfants dans une tente et travaille pour une organisation médicale. « La situation était tenable jusqu'à la pandémie. Au début, c'était très difficile. On entendait en boucle que la maladie était mortelle. Finalement, j'ai compris que de nombreux facteurs entraient en jeu. Nous avons mis sur pied des groupes de soutien pour aider les personnes les plus vulnérables et celles en situation de handicap. Ce n’est pas facile de travailler en ce moment, mais cela fait du bien de se sentir utile auprès des autres. Etre dans notre situation en pleine pandémie n'est pas simple, il y a beaucoup de gens dans la rue, sans toit, sans nourriture. Au moins, ici nous sommes protégés. »

Près de 900 personnes vivent dans le camp de Kaubanoko, où les équipes MSF réalisent des consultations médicales et un accompagnement en santé mentale. Elles ont mis en place des activités de promotion de la santé et aident à améliorer l'approvisionnement en eau potable et l'assainissement dans le camp. Avec la promiscuité, les mesures barrières comme la distanciation physique sont difficiles à mettre en place.

Dans le camp de Kaubanoko vivent des autochtones des ethnies Warao, Kariña et Eñepa.
 © DiegoBaravelli
Dans le camp de Kaubanoko vivent des autochtones des ethnies Warao, Kariña et Eñepa. © DiegoBaravelli

Lorsque Deirys est arrivée au Brésil avec son compagnon, elle était enceinte de son second enfant. Un an après, elle a pu faire venir sa fille aînée restée chez ses grands-parents au Venezuela.

« Je n’avais pas prévu de venir au Brésil. Nous nous sommes finalement décidés à cause de la situation économique. Nous ne parlions pas la langue, nous ne connaissions personne, c'était très étrange. Nous ne savions pas où était Kaubanoko, alors nous avons dormi sur des cartons dans la rue la première nuit. Je suis aujourd'hui responsable de près de 30 familles dans le camp : tout est fait collectivement. Il y a des problèmes de santé et d’éducation, mais petit à petit, on y arrive. 

Denis, le mari de Deirys Ramos et Eva, leur fille.
 © DiegoBaravelli
Denis, le mari de Deirys Ramos et Eva, leur fille. © DiegoBaravelli

Mon compagnon avait l'habitude de sortir le matin pour ramasser des canettes et des vêtements, et les revendre. Mais lorsque le virus a commencé à circuler, nous avons arrêté par peur de contracter la maladie. Beaucoup ont perdu leur travail. Les personnes âgées n'osent plus sortir dehors se balader. J'ai peur aussi. »

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