Méditerranée centrale : plus de cent morts en moins d’une semaine

Le 29 mars, 113 personnes présentes à bord d'un bateau pneumatique en détresse ont été secourues par l'équipe MSF présente à bord du Geo Barents.
Le 29 mars, 113 personnes présentes à bord d'un bateau pneumatique en détresse ont été secourues par l'équipe MSF présente à bord du Geo Barents. © Anna Pantelia/MSF

Au moins 130 autres personnes ont été interceptées et renvoyées de force en Libye. L’Union européenne fait preuve d’une inacceptable indifférence face à ces drames, qui sont pourtant la conséquence de ses politiques migratoires.

Plus de 100 personnes ont perdu la vie au cours de la seule semaine dernière lors de deux incidents distincts en Méditerranée centrale, en raison des politiques de l'UE et de ses États membres à l'égard des réfugiés et des migrants.

Au cours de cette même semaine, au moins 130 personnes ont été interceptées et renvoyées de force en Libye, où elles risquent d’être confrontées aux mauvais traitements, abus et tortures, qui ont été largement documentés, dans les centres de détention libyens.

Pour Médecins Sans Frontières (MSF) la négligence de l'Italie et de Malte dans l’assistance aux bateaux en détresse, et l'indifférence de l'UE et de ses Etats membres face au nombre croissant de morts et à la violation continue des droits de l'homme en mer Méditerranée sont inacceptables. Alors même que ces mêmes dirigeants et institutions européennes expriment leur plus profonde solidarité avec les réfugiés fuyant l’Ukraine, on ne peut que s’étonner du traitement réservé par l’Union européenne à ces personnes fuyant des situations de violence dans leur pays d’origine et/ou tout au long de leur parcours migratoire.

L'équipe à bord du Geo Barents, le navire de recherche et de sauvetage de MSF, a réalisé une opération de sauvetage dans les eaux internationales l'après-midi du 29 mars, en secourant 113 personnes présentes à bord d'un bateau pneumatique en détresse. De nombreuses personnes à bord du bateau à la dérive sont tombées à l'eau pendant l'opération de sauvetage, et d'autres ont perdu connaissance à cause de l'inhalation de carburant. Après près de deux heures, les 113 survivants ont été transférés en toute sécurité sur le Geo Barents et ont reçu des soins médicaux.

« La majorité des survivants sont psychologiquement traumatisés en raison du temps passé en mer, de l'état du bateau et des conditions dramatiques du sauvetage. Un tiers des survivants sont des mineurs non accompagnés, dont plusieurs ont moins de 15 ans » explique Caroline Willemen, coordinatrice de projet MSF à bord du Geo Barents. Le Geo Barents attend actuellement l’attribution d’un port sûr pour débarquer les rescapés.

Deux jours après ce sauvetage, le 31 mars, quatre enfants et sept femmes ont été retrouvés morts dans un bateau pneumatique surpeuplé après avoir passé plusieurs heures à dériver au large des côtes libyennes. Les 126 autres passagers ont été interceptés par les garde-côtes libyens six heures après le lancement de l'appel de détresse. Tous les survivants ont ensuite été renvoyés de force en Libye, d'où ils avaient tenté de s'enfuir et où ils sont très probablement détenus.

Le 2 avril, plus de 90 personnes sont mortes après avoir passé au moins quatre jours en mer en tentant d’aller vers l'Europe. Les causes exactes de leur décès sont encore inconnues. Quatre personnes ont survécu et ont été secourues par le pétrolier commercial Alegria 1.

L'équipe MSF à bord du Geo Barents, qui surveille la région à la recherche de bateaux en détresse, a entendu une conversation radio dans laquelle un avion SAR donnait des instructions de sauvetage au pétrolier. L'équipe MSF a immédiatement contacté l'Alegria 1 pour offrir une assistance médicale aux survivants et pour demander au pétrolier de se conformer aux obligations légales et maritimes et de transporter les survivants vers le lieu sûr le plus proche. L'Alegria 1 a ignoré les demandes de MSF et poursuivi sa route vers la Libye.

« Ces personnes ont fui l'enfer de la Libye et ont ensuite assisté à la mort de dizaines de leurs compagnons en dérivant pendant plusieurs jours en mer. Après cette épreuve inimaginable, ils ont été renvoyés en Libye, entrant à nouveau dans le cercle vicieux de la violence auquel ils tentaient d’échapper » déplore Caroline Willemen. « Nous demandons instamment à Frontex et aux autres avions et navires européens présents dans la zone de fournir des informations sur les circonstances de ces événements tragiques. Le retrait de l'UE et de ses États membres des opérations de recherche et de sauvetage en mer Méditerranée et leur soutien aux garde-côtes libyens sont à l'origine des décès et des violations des droits de l'homme qui se produisent en Méditerranée centrale. Quand l'Europe assumera-t-elle ses responsabilités en protégeant des vies plutôt que des frontières ? »

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