Gaza : une mobilisation d’urgence est nécessaire pour soigner les blessés de la Marche du retour

Des patients attendent d'être pris en charge dans un centre de soins post-opératoires MSF. 16 mai 2018. Gaza.
Palestine, Gaza © Laurence Geai

Victimes des tirs à balle réelle de l’armée israélienne lors de la « Marche du retour », les nombreux patients présentant des blessures graves et complexes surchargent le système de santé à Gaza ; des milliers d’entre eux risquent des infections et des handicaps à vie.

Une véritable urgence sanitaire prend lentement forme à Gaza, alors que les besoins des patients grièvement blessés par les tirs de l’armée israélienne lors des manifestations sont en augmentation. La grande majorité des 3117 patients que MSF a traités pour des blessures par balles du 30 mars au 31 octobre – sur un total de 5866 blessés par arme à feu, répertoriés par le ministère de Santé – ont été blessés aux jambes, entraînant pour la moitié des fractures ouvertes, et pour l’autre moitié des lésions graves des tissus.

Ce sont des blessures complexes et graves, difficiles à soigner. La gravité de ces blessures, combinée à l’absence de traitement adéquat au sein d’un système de santé extrêmement précaire, signifie que le risque d’infection est très élevé, en particulier pour les patients avec des fractures ouvertes. Il n’y a pas actuellement à Gaza la possibilité de diagnostiquer des infections osseuses, mais les estimations les plus conservatrices de MSF, basées sur son expérience, indiquent qu’au moins 25 % des patients avec fractures ouvertes souffrent d’infections. Avec un total d’environ 3000 fractures ouvertes, plus de 1000 personnes seront probablement infectées.

Sur la base d’une analyse préliminaire des patients de MSF à Gaza, au moins 60 % des blessés totaux - soit 3520 personnes -  auront besoin de soins chirurgicaux supplémentaires, de physiothérapie et de rééducation. De plus, une proportion significative de ces patients aura besoin de chirurgie reconstructrice, mais des infections non soignées empêcheront toute possibilité de traitement. Cette  charge est trop lourde à supporter pour le système de santé tel qu’il existe à Gaza, affaibli par plus d’une décennie de blocus.

Les conséquences de ces blessures, en particulier non traitées, peuvent aller jusqu’au handicap permanent pour certains ; et jusqu’à l’amputation ou au décès en cas d’infections non soignées.

Bien que MSF et d’autres acteurs travaillent au mieux pour fournir des traitements à ces patients, l’échelle des besoins devient ingérable. La situation se dégrade d’autant plus vite que des personnes blessées par balle continuent d’arriver dans les centres de santé, présentant des nécroses des tissus et des os, et que les risques d’infection ne cessent d’augmenter. Une réponse adéquate coûtera des dizaines de millions d’euros - une somme qui doit être trouvée d’urgence.

« MSF a déjà triplé sa capacité à Gaza mais le volume nécessaire de chirurgie, d’antibiotiques rigoureusement gérés, de soins intensifs infirmiers et de physiothérapie de long terme est sidérant, détaille Marie-Elisabeth Ingres, cheffe de mission de MSF en Palestine. Un tel nombre de patients mettrait les meilleurs systèmes de soins au monde sous pression. À Gaza, c’est dévastateur. »

« Ce qui s’impose maintenant c’est que les autorités israéliennes et palestiniennes fassent leur possible pour faciliter l’accès et le travail de tous les acteurs de santé qui essayent de renforcer les capacités de prise en charge sur place ; les autres pays de la région et du monde doivent se porter volontaires et offrir des financements et/ou de l’espace dans les hôpitaux où existent des capacités chirurgicales avancées. Enfin les autorités en Palestine et en Israël doivent faciliter le transfert de ces patients à l’étranger, explique Marie-Elisabeth Ingres. On ne peut pas concevoir d’abandonner des milliers de patients à leur sort, avec des blessures si terribles qu’un grand nombre risquent d’être handicapés à vie, quand un traitement adéquat est à portée de main. »

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