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Fichage des enfants et adolescent∙e∙s non accompagné∙e∙s : le gouvernement français doit renoncer à son projet de décret

Centre MSF de Pantin en France
Centre MSF de Pantin, France. © Augustin Le Gall / Haytham pictures

Deux mois après la création d’un fichier national biométrique des mineur⋅e⋅s non accompagné⋅e⋅s (MNA) par la loi « Asile et Immigration », 10 organisations rendent public le projet de décret d’application préparé par le Ministère de l’Intérieur. Ce texte confirme nos craintes et en suscite de nouvelles. Au motif annoncé dans ce projet de décret de « mieux garantir la protection de l’enfance et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers », le ministère de l’Intérieur propose un texte qui permettra aux départements de remettre en cause encore plus aisément la minorité des enfants qui sollicitent une protection et facilitera leur éloignement du territoire, sans égard pour le respect de leur vie privée et leur droit à une protection. Ces mineur∙e∙s sont ainsi considéré∙e∙s d’abord comme des migrant∙e∙s à expulser plutôt que comme des enfants à protéger.

Un nouveau fichier d’« Appui à l’Évaluation de la Minorité »

Alors même que nos organisations dénoncent le « non accueil » dont ils font l’objet et demandent que soit garantie une mise à l'abri immédiate, un temps de répit, de protection et de mise en confiance avant l’évaluation de leur situation, le projet de décret prévoit une première phase strictement administrative, pendant laquelle les mineur∙e∙s isolées devront se soumettre à une prise d’empreintes, de photographie et répondre aux questions d’agents des préfectures, formulées dans une langue « dont il est raisonnable de penser » qu’ils ou elles la comprennent. Leur état civil, la référence de leurs documents d’identité, leur filiation, leur adresse, leur numéro de téléphone, ou encore la date et les conditions de leur arrivée en France pourront aussi être enregistrés dans ce nouveau fichier dénommé « Appui à l’Évaluation de la Minorité » (AEM). S’ils ou elles refusent, le préfet informera le président du Conseil départemental, qui risquerait d’interpréter ce refus comme un aveu de majorité et mettra fin à leur prise en charge.

Expulsé.e.s après une évaluation aléatoire ?

Pire, le décret transforme la protection de l’enfance en potentiel instrument de la politique d’expulsion du territoire : le refus de protéger un∙e jeune à l’issue de son évaluation permettra aux services préfectoraux de procéder à « un examen de sa situation, et le cas échéant, [à] une mesure d’éloignement ». Or, les conditions dans lesquelles sont menées ces évaluations ne permettent pas aux départements de prendre des décisions fiables et respectueuses des droits de ces enfants, de sorte qu’elles sont régulièrement remises en cause par les juges des enfants. A Paris, en 2016 et 2017, la moitié des décisions administratives de non reconnaissance de minorité ont été infirmées par le juge qui a ordonné à l’aide sociale à l’enfance d’admettre ces enfants, qu’elle avait précédemment remis à la rue[1].

VISABIO, une source d’erreur supplémentaire

Alors même que cette possibilité avait été écartée lors des débats à l’Assemblée Nationale, ce projet de décret autorise également les préfectures à consulter le fichier VISABIO[2] pour vérifier l’âge et l’identité de ces enfants. Ce fichier ne peut constituer qu’une source d’erreur supplémentaire lorsque l’on sait que beaucoup d’enfants tentent, avant d’entreprendre un voyage périlleux vers l’Europe, d’obtenir un visa d’entrée en Europe en se faisant passer pour des adultes. Les données issues de VISABIO sont d’ailleurs très souvent écartées par les tribunaux, qui considèrent qu’elles ne permettent pas de remettre en cause l’identité des mineures, ni d’invalider les documents qu’ils ou elles présentent à l’appui de leurs déclarations. 

Nous, organisations agissant au quotidien auprès des mineur∙e∙s en danger, alertons sur les conséquences désastreuses que ce projet de décret aurait pour ces enfants et demandons son retrait. Il est impératif que le gouvernement garantisse à ces jeunes un accès à leurs droits dans des conditions dignes, quel que soit le département où ils sollicitent une protection.

 

Associations signataires du communiqué de presse : MSF, Gisti, Médecins du Monde, Unicef, la Cimade, Secours Catholique, Ligue des Droits de l'Homme, Syndicat des Avocats de France, Syndicat de la Magistrature, UNIOPSS

 

[1] Voir rapport de la mission bipartite de réflexion sur les mineurs non accompagnés (IGAS, IGJ, IGA, ADF), 15 février 2018, page 24

[3] L'application VISABIO consiste en un traitement informatisé de données personnelles biométriques (photographie et empreintes digitales des dix doigts) des demandeurs de visas.

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