Viols en RCA : les victimes soignées par MSF, partie visible de l’iceberg

Violences sexuelles à  Bangui - RCA - août 2018
Tatiana a été emprisonnée par des hommes armés dans sa ville natale de Bambari après la mort de son mari. Elle a été violée pendant plusieurs jours jusqu'à ce qu'elle puisse s'enfuir à Bangui. Elle reçoit un traitement à la clinique MSF depuis 3 mois. © MSF/Olivia Watson

République centrafricaine : à la clinique MSF de Bangui, le flot de victimes de violence sexuelle donne un aperçu de l'ampleur du phénomène.

La voix de Tatiana* est presque inaudible quand elle raconte ce qui lui est arrivé à Bambari, en République centrafricaine, il y a trois mois. « Mon mari a été tué par des hommes armés et j'ai été faite prisonnière. Dans leur camp, les hommes m'ont violée. J'y ai été détenue pendant plusieurs jours. J'ai perdu un de mes enfants dans le camp et, peu de temps après, j'ai pu envoyer l'autre enfant hors du camp pour acheter quelque chose. J'ai finalement réussi à fuir moi-même. » L’histoire de Tatiana n’est pas isolée.

Près de 800 patients ont été traités ici depuis son ouverture en décembre 2017.

Près de 800 patients ont été traités dans la clinique MSF au sein de l’hôpital communautaire de Bangui depuis son ouverture en décembre 2017. La plupart d’entre eux sont des femmes et un quart d'entre elles ont moins de 18 ans. Dans l’ensemble de la République centrafricaine, MSF a pris en charge 1914 victimes de violences sexuelles au cours des six premiers mois de 2018 seulement. La grande majorité d’entre elles ont été traitées dans le cadre des projets de l’association à Bangui. Ce flux de victimes donne un aperçu du niveau élevé des besoins dans un pays déchiré par les conflits et manquant à la fois de soins de santé fiables et d'un système judiciaire opérationnel.

Le sujet de la violence sexuelle est rarement abordé en public, mais Susi Vicente, coordinatrice du projet sur les violences sexuelles à Bangui, confirme que le phénomène est beaucoup plus large qu’il ne paraît. « Il est clair que les chiffres que nous avons ne représentent que la partie visible de l’iceberg. Nous savons qu’il y a un problème et la population doit savoir que le traitement et l’aide sont disponibles. Une fois que les gens entendent que des services médicaux gratuits sont disponibles, ils viennent se faire soigner. »

La prévalence de la violence sexuelle en République centrafricaine a été bien documentée par Human Rights Watch en 2017. 

Au cours du premier semestre 2018, de fréquents épisodes de violences se sont déclarés dans de nombreuses régions du pays. Bambari, ville un temps présentée comme «ville sans armes», est de nouveau entrée en conflit en avril et a donné lieu à des cas comme celui de Tatiana.

Bien que de nombreuses personnes soient victimes de violences sexuelles comme conséquence directe du conflit, ce dernier n’en est pas la seule cause. Si les combats accroissent bien sûr les risques de violence exercée contre les populations ; l’absence générale de protection des personnes les plus vulnérables, notamment les femmes et jeunes enfants, crée un environnement propice aux violences et abus de toutes sortes, les victimes n’ayant que peu recours à la justice.

« Si quelqu'un vient dire que son beau-père l'attaque, ou un cousin, il n'y a pas de système en place qui leur garantisse un refuge sûr », poursuit Susi.  «La famille de la victime peut délibérément l'ignorer. Bon nombre de nos cas sont liés à la violence conjugale par un membre de la famille ou une personne de la communauté. »

La disponibilité de sages-femmes, de médecins et de psychologues à la clinique MSF permet aux patients de recevoir des bilans sur leur santé physique et mentale. Si une victime arrive dans la fenêtre cruciale de 72 heures suivant une attaque, les médecins peuvent prescrire une prophylaxie post-exposition, qui peut prévenir l'infection par le VIH. Les psychologues de MSF peuvent travailler avec les patients à long terme pour les aider à reconstruire leur vie après une agression sexuelle.

Pour Tatiana, la vie s'améliore lentement. Aujourd’hui, elle vit avec son frère et sa famille et aide sa belle-soeur dans son travail quotidien. « Au début, ce n’était pas facile pour moi. Depuis que j'ai commencé le traitement ici, et après avoir beaucoup parlé au conseiller, je me sens un peu mieux par rapport au début. Mais ce n’est pas facile non plus. Ce n'est pas facile du tout. »

 

* Les noms ont été modifiés pour protéger l'identité des personnes.

Notes

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