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RDC : aux Kivus, les civils pris en étau par les combats

Vue du site de personnes déplacées de Bugeri dans la région de Minvo, au Sud-Kivu. Les habitants sont obligés de construire leurs abris à l'aide de branche et de feuillage en l'absence d'une aide humanitaire suffisante.
Vue du site de personnes déplacées de Bugeri dans la région de Minova, au Sud-Kivu. Les habitants sont obligés de construire leurs abris à l'aide de branche et de feuillage en l'absence d'une aide humanitaire suffisante. © Hugh Cunningham

Marie Brun est coordinatrice d’urgence pour Médecins Sans Frontières à Goma, dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC). Elle revient sur l’intensification des combats depuis le début de l’année entre plusieurs groupes armés, dont le M23, et les forces armées congolaises, ainsi que les conséquences pour les civils, contraints une nouvelle fois de subir ces violences.

En novembre 2021, les rebelles du M23 ont repris les armes et se sont emparés progressivement d’une partie du Nord-Kivu. Plus d'un million de personnes ont fui les affrontements et des centaines de milliers d’entre elles ont trouvé refuge dans d'immenses camps insalubres à Goma. Quelle est la situation actuelle aux Kivus et plus particulièrement dans la ville de Goma ?  

Ces deux dernières années, nous avons assisté à des mouvements réguliers de populations fuyant les combats dans la province du Nord-Kivu et, plus récemment, vers le Sud-Kivu. Ces personnes et familles déplacées ont notamment trouvé refuge dans des camps insalubres en périphérie de la ville de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu. 

Ces dernières semaines, Goma s’est peu à peu retrouvée encerclée par plusieurs lignes de front, avec entre 600 000 et un million de personnes déplacées ainsi que deux millions d’habitants entassés dans un territoire restreint. La concentration d’hommes en arme à l’intérieur et autour des camps densément peuplés et le rapprochement des positions militaires à proximité immédiate des personnes déplacées a entraîné une augmentation généralisée du niveau de violences : les civils sont pris en étau entre les différents groupes armés, blessés ou tués dans des tirs croisés, victimes de la criminalité et plus particulièrement de violences sexuelles.  

À Goma, les personnes déplacées se retrouvent aujourd’hui dans une situation similaire à celle qu’elles avaient initialement fuie : elles sont dans l’insécurité la plus totale et n'ont plus aucune échappatoire. Les camps de déplacés doivent être respectés par toutes les parties au conflit et les combats à proximité doivent cesser.

Session de sensibilisation sur la prise en charge des violences sexuelles organisée par MSF dans un centre de santé soutenu par l'association à Kishinji dans la région de Minova. Avril 2024. 
 © Hugh Cunningham
Session de sensibilisation sur la prise en charge des violences sexuelles organisée par MSF dans un centre de santé soutenu par l'association à Kishinji dans la région de Minova. Avril 2024.  © Hugh Cunningham

Ce contexte d’insécurité grandissante se superpose à des conditions de vie extrêmement précaires. Les personnes déplacées vivent dans des camps densément peuplés, aux conditions sanitaires déplorables, sans accès adéquat à l'hygiène, dans des abris faits de bâches en plastique, sur des sols jonchés de pierres volcaniques. L’accès à l’eau potable et à la nourriture est très difficile et aléatoire. 

Quel est l’impact de cette violence sur les civils ?

Dans les camps autour de Goma, selon nos observations, les tirs d’artillerie lourde entre belligérants ont causé la mort de 23 personnes et fait 52 blessés depuis février 2024. D’après les Nations unies, au moins 18 civils, en majorité des femmes et des enfants, sont décédés et 32 autres ont été blessés lors de bombardements touchant plusieurs sites de déplacés au cours de la seule matinée du 3 mai. 

Vue de la région de Minova dans la province du Sud-Kivu. République démocratique du Congo.
 © Hugh Cunningham
Vue de la région de Minova dans la province du Sud-Kivu. République démocratique du Congo. © Hugh Cunningham

Depuis le début de l’année, nous avons ainsi pu observer des tirs croisés, des explosions de grenades à l’intérieur des camps, de jour comme de nuit. Nous avons recensé 24 incidents impliquant des tirs d’obus à l’intérieur ou autour des camps où nous travaillons et les équipes de MSF ont reçu 101 blessés légers, dont 70 % de civils à l’hôpital de Kyeshero, transférés par le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) qui prend en charge les patients blessés par arme les plus graves.  

Nous nous inquiétons également de retards dans la prise en charge médicale des patients et patientes qui ont peur de se déplacer, d’être attaqués ou encore violés. Dans les camps de Shabindu, Rusayo et Elohim, nous avons pris en charge plus de 1 700 survivantes de violences sexuelles en avril. Dans 70 % des cas, ces violences sont commises sous la contrainte d’une arme. MSF fournit des soins médicaux et psychologiques aux survivantes, mais les possibilités d'orientation vers une aide juridique, des abris sûrs et d'autres services de protection sont très limitées. Si la majorité des femmes victimes de violences sexuelles prises en charge par nos équipes rapportent avoir été violées lors de la collecte de bois de chauffage, on observe de plus en plus d’agressions à l’intérieur même des camps. Des cas de viols collectifs ont également été rapportés. 

Session de sensibilisation sur la prise en charge des violences sexuelles organisée par MSF dans un centre de santé soutenu par l'association à Kishinji dans la région de Minova. Avril 2024.
 © Hugh Cunningham
Session de sensibilisation sur la prise en charge des violences sexuelles organisée par MSF dans un centre de santé soutenu par l'association à Kishinji dans la région de Minova. Avril 2024. © Hugh Cunningham

Les combats ont aussi repris à Kibirizi, ville d’accueil et de transit pour des milliers de personnes déplacées, située au carrefour de plusieurs axes stratégiques du Nord-Kivu. En mai, de violents combats ont touché des zones peuplées, en ville ou à proximité des champs, entraînant la destruction des infrastructures et de ressources vitales, ainsi que la fuite des habitants à nouveau déplacés par les combats. Le nombre de cas de violences sexuelles y a également explosé, avec une multiplication par cinq des victimes de violences sexuelles prises en charge dans les structures de santé soutenues par MSF dans la zone de santé de Kibirizi et plus au sud, dans celle de Bambo. 

En raison de l'intensification des hostilités sur une nouvelle ligne de front depuis février, les échanges de tirs et d’artillerie touchent aussi régulièrement les civils vivant dans la ville de Minova et ses alentours, au Sud-Kivu, où près de 200 000 personnes ont trouvé refuge cette année. 

Comment MSF continue-t-elle à travailler dans ce contexte ? 

Dans le Nord et le Sud-Kivu, nos équipes travaillent dans un contexte sécuritaire volatile avec des difficultés de déplacement, d'acheminement de l’aide humanitaire et un accès incertain aux centres de santé que nous soutenons. Le personnel de MSF a également été confronté à des actes d'intimidation de la part d’hommes armés. 

À plusieurs reprises, MSF a été obligée de suspendre ses activités à cause d’affrontements à proximité des camps de Goma, mais aussi à Kibirizi, à Bambo et aux alentours de Minova. La route qui mène du Sud-Kivu vers Goma est actuellement bloquée à cause des combats et l’approvisionnement ne peut se faire que par moto ou par bateau depuis le lac Kivu.  

Dans le territoire de Masisi, où l’association soutient l’hôpital général de Masisi et celui de Mweso, les équipes MSF reçoivent depuis le début de l’année des dizaines de blessés de guerre. Depuis des mois. L’accès par la route est extrêmement difficile et risqué, ce qui continue d’entraver les opérations humanitaires, privant la population d’une aide humanitaire vitale.  

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