Haïti : « Cela m'a rappelé le tremblement de terre de 2010 »

Une équipe médicale (deux chirurgiens et une infirmière de bloc) ont pu rejoindre Jérémie dès le 15 août pour soutenir l'équipe de l'hôpital Saint Antoine. 
Une équipe médicale (deux chirurgiens et une infirmière de bloc) ont pu rejoindre Jérémie dès le 15 août pour soutenir l'équipe de l'hôpital Saint Antoine.  © Steven Aristil

Suite au séisme du 14 août, MSF a démarré une intervention en soutien à l’hôpital de Jérémie, parmi les villes les plus touchées. En une semaine, l'équipe chirurgicale a traité 54 blessés, dont 36 ont été opérés. Entretien avec le Dr Xavier Kernizan, chirurgien orthopédiste, habituellement en poste à l'hôpital MSF de Tabarre, à Port-au-Prince.

Où vous trouviez-vous au moment du tremblement de terre ?

Je rentrais de l'hôpital MSF de Tabarre quand j'ai senti les secousses sur la route. Il était tôt, environ 8 heures 30. Au début, je ne pensais pas qu'il s'agissait d'un séisme très puissant. Mais ensuite j'ai commencé à recevoir des photos et des images de ce qui s'était passé. J'ai dit à notre responsable des activités médicales que j'étais disponible et nous sommes partis à 14 heures.

Nous avons pris la route pour les Cayes. Le moment le plus tendu a été la traversée du quartier de Martissant pour rejoindre la route vers la région Sud, touchée par le séisme. Il y a régulièrement des affrontements armés dans ce quartier, et nous avions des informations inquiétantes en termes de sécurité.

Carte d'Haïti, avec l'épicentre du tremblement de terre du 14 août 2021.
Carte d'Haïti, avec l'épicentre du tremblement de terre du 14 août 2021.

Quelle situation avez-vous trouvée dans le Sud ?

Le premier endroit où nous nous sommes arrêtés était la ville des Cayes. C'était très impressionnant. Cela m'a rappelé le tremblement de terre de 2010, car c'était pratiquement le même niveau de destruction - des maisons complètement effondrées, des décombres dans les rues. Il y avait des endroits où on ne pouvait même pas circuler. Nous avons passé notre première nuit aux Cayes, avant de poursuivre notre route ; un de nos collègues apportait déjà son aide au bloc opératoire de l'hôpital général. 

Maisons et bâtiments détruits dans les rues de la ville des Cayes. 
 © Steven Aristil
Maisons et bâtiments détruits dans les rues de la ville des Cayes.  © Steven Aristil

Le lendemain matin, nous sommes partis pour Jérémie. Nous savions déjà que la route était bloquée par un glissement de terrain, mais nous voulions vérifier s'il était tout de même possible de passer entre les rochers. Mais c'était peine perdue. Nous avons fait demi-tour vers Les Cayes, et avons finalement pris un hélicoptère pour rejoindre Jérémie.

Comment s’est passé le début de votre intervention à Jérémie ?

Il a fallu un jour et demi avant de pouvoir réellement travailler. C'est une zone où MSF n'était pas présente. Il fallait d'abord trouver les bons interlocuteurs et nous présenter. Le personnel de l'hôpital Saint-Antoine a fait un travail extraordinaire avec le peu de personnel et de ressources dont il disposait. De nombreux blessés avaient déjà été pris en charge, leurs plaies avaient déjà été débridées - nettoyées des tissus morts - lorsque nous sommes arrivés. Certains avaient des fixateurs externes pour fixer les os cassés, et d'autres patients avaient déjà été envoyés à Port-au-Prince par hélicoptère. Un certain nombre de médecins originaires de cette région sont également venus d’autres régions du pays pour soutenir l'hôpital. 

Alors, quand nous sommes arrivés, nous avons d'abord proposé notre soutien. « Comment pouvons-nous aider ? » et nous avons repris là où ils avaient commencé. Nous avons opéré de nombreux patients.

Xavier Kernizan, chirurgien orthopédique, dans le bloc opératoire de l'hôpital Saint Antoine à Jérémie.
 © Steven Aristil/
Xavier Kernizan, chirurgien orthopédique, dans le bloc opératoire de l'hôpital Saint Antoine à Jérémie. © Steven Aristil/

Le dimanche, nous avions quatre patients, le lundi, neuf patients, puis 10 à 12 patients par jour. Nous n'avons pas compté nos heures, afin de voir le maximum de patients et réduire ainsi le nombre de blessés en attente d’un traitement ou d'une opération. Plus d’une semaine après le séisme, la majorité de nos patients sont maintenant des personnes que nous avons déjà vues, qui reviennent pour un débridement, une nouvelle chirurgie ou un plâtre. Mais il y a encore des personnes en provenance de l'arrière-pays, où l’aide n’est pas arrivée, qui viennent à Jérémie pour des soins d'urgence.

Au 20 août, l'équipe chirurgicale de MSF à Jérémie a traité 54 patients pour des blessures dues au séisme du 14 août, comme des fractures. Trente-six de ces patients ont été opérés, tandis que d'autres ont reçu des plâtres ou des attelles. 

MSF fournit également des soins chirurgicaux à son hôpital de Tabarre, à Port-au-Prince. Jusqu'à présent, plus de 45 patients y ont été admis pour des blessures causées par le séisme, en plus des patients traités aux urgences et transférés ensuite dans d’autres structures de soins.

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