Gaza - en attendant l’évacuation médicale : récits de patients
Selon l’OMS, plus de 18 500 personnes, dont des milliers d'enfants, sont actuellement inscrites pour être évacuées de Gaza afin de recevoir des soins médicaux vitaux. Mais ce chiffre ne reflète qu'une partie de la réalité : nombreux sont ceux qui ne peuvent même pas se rendre dans les établissements de santé pour s'enregistrer. Entre juillet 2024 et novembre 2025, 1 092 patients sont décédés en attendant leur évacuation médicale, selon les registres du ministère de la Santé gazaoui. Un bilan probablement sous-estimé, car il ne comptabilise que les décès officiellement signalés.
Osama, Khader, Sami, Qasem et Maram, eux-aussi, attendent de pouvoir quitter Gaza pour bénéficier des traitements dont ils ont besoin.
Osama
Osama, 23 ans, a été blessé à deux reprises en moins d'un an. La première fois, c’est sa colonne vertébrale qui a été touchée : « Les forces israéliennes ont bombardé la maison de mon oncle dans laquelle je me trouvais ainsi que toutes les maisons voisines. Je suis resté coincé sous les décombres pendant 23 heures. Je ne pensais qu'à la mort. Il faisait très froid. Je criais de douleur parce que ma jambe était coincée sous les décombres qui s'étaient accumulés dessus. Je criais de douleur et d'agonie. Je ne savais pas si j'allais être sauvé de la mort ou non. Quand on m’a trouvé, j'ai perdu connaissance, je me suis retrouvé à l'hôpital. »
Lors d’une seconde attaque, Osama a perdu sa jambe gauche et subi de graves fractures à la jambe droite, nécessitant la pose d’un fixateur externe. Aujourd'hui hospitalisé après avoir subi plusieurs opérations chirurgicales, il attend toujours son évacuation médicale : « Nous sommes tous blessés. C'est très difficile à vivre ; j'espère pouvoir partir pour me faire soigner. Tout ce que je veux, c'est pouvoir me tenir debout et marcher à nouveau. »
Khader
Khader est atteint du syndrome de malabsorption des glucides, un trouble qui empêche les nutriments provenant des aliments d’être correctement absorbés dans l'intestin grêle. Avant la guerre, il buvait un lait spécial permettant de réguler son taux de sucre et de réduire ses symptômes. Mais depuis deux ans, il n’y a plus accès. Sa mère explique : « Il a développé des problèmes rénaux. Son rein droit s'est atrophié et son rein gauche s'est dilaté en raison de la rétention d'urine. Il souffre de diarrhées constantes. Il essaye d’aller jouer dehors avec les autres enfants mais il n'arrive même pas à atteindre la porte. À plusieurs reprises, Khader a failli mourir dans mes bras. Je n'avais pas d'argent pour appeler une voiture afin de l'emmener à l'hôpital. J'attendais que les ambulances aient fini de s'occuper des blessés et des autres cas urgents, pour que quelqu'un puisse venir le sauver. »
Sami
Sami, 57 ans, a perdu l’un de ses fils lors d'une frappe aérienne israélienne qui a détruit leur maison de six étages à Zaytoun. Gravement blessé, il a passé plus de deux mois à l'hôpital Mamadani avant d'être contraint d’aller vivre sous une tente à Tal El Hawa : « Le transfert pour l'évacuation a été ordonné depuis un certain temps. Ils m'ont enregistré ici, nous attendons. J'ai un fils qui est atteint d'un cancer qui attend également d'être évacué car il a besoin d’un traitement urgent. Cela fait un mois qu'il aurait dû partir. »
Qasem et ses frères
Qasem est un jeune garçon souffrant d’asthme, tout comme ses frères qui attendent également de pouvoir être évacués pour bénéficier d’un traitement médical. Hanan, sa mère, raconte : « Nous sommes originaires de Rafah, nous avons été déplacés à Al-Mawasi puis à Khan Younis. J'ai parfois du mal à me rendre à l'hôpital, surtout la nuit, quand l'un de mes enfants fait une crise d'asthme. Je ne sais pas comment réagir. Une fois, je suis partie à 1 heure du matin, en les portant, et en courant vers l'hôpital. C'est une longue distance.. En raison de la famine, Qasem a perdu beaucoup de poids et a souffert de malnutrition aiguë. Ses mains, ses jambes et son visage ont commencé à enfler. Il ne pouvait plus respirer, il devenait bleu. J'ai été choquée que Qasem en arrive à ce stade, comme sa sœur avant lui. »
La jeune sœur de Qasem est décédée d'une insuffisance hépatique due à un manque de protéines : « Nous n'avons pas pu la sauver à temps. Avant la guerre, il y avait des soins, même s'ils étaient limités. Aujourd'hui, il n'y a plus rien. J'ai peur que ce qui est arrivé à sa sœur arrive à Qasem et à ses frères et sœurs. C'est pourquoi je souhaite les faire sortir à temps avant de les perdre. »
Maram
Maram a été blessée lors d’un bombardement qui a détruit la tente dans laquelle elle vivait avec sa famille à Deir Al Balah : « Je suis restée environ quinze minutes allongée sur le sol, les jambes blessées. Ma mère, mon père, ma grand-mère et ma sœur aînée ont tous été tués. J’ai été transférée en ambulance à l'hôpital Nasser. Là-bas, ils m'ont amputée la jambe droite, ont posé une plaque dans ma jambe gauche et m'ont ouvert l'abdomen pour retirer les éclats d'obus qui se trouvaient dans l'intestin grêle et le gros intestin. Mon abdomen a été ouvert trois fois en raison d'un problème intestinal. Je suis blessée et je viens de perdre ma famille. Je ne ressens aucune différence, qu'il y ait un cessez-le-feu ou non. »