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Démantèlement de la « Jungle » de Calais : entre colère et désolation

Démantèlement de la Jungle de Calais mars 2016
Démantèlement de la Jungle de Calais, mars 2016 © Mohammad Ghannam/MSF

« Plusieurs dizaines de véhicules de police encerclent « la Jungle ». Un agent bloque l’entrée sud du camp ; désormais, plus personne ne peut passer par là. De l’extérieur, on pourrait croire à une scène de crime circonscrite et sous scellés. Des policiers, tout de noir vêtus, sont équipés, pour certains, de pistolets à gaz lacrymogène, de munitions autour du torse, de boucliers et de ma-traques. Ils semblent être là pour arrêter une bande de dangereux criminels ». La voix des habitants de la Jungle de Calais rapportée par nos équipes.

« A l’intérieur de la Jungle : des hommes et des femmes victimes de la guerre et de la pauvreté. Ils ont décidé, il y a plusieurs mois, de fuir, de prendre leur destin en main et de parcourir des milliers de kilomètres dans l’espoir d’une vie meilleure. Depuis des semaines, des mois, ils vivent là, dans la Jungle de Calais et attendent désespérément de pouvoir rallier le Royaume-Uni.

Aujourd’hui, ils sont expulsés de la moitié sud du camp de Calais. C’est vrai, les conditions de vie y étaient sordides mais, jusqu’à présent, c’était chez eux. Certains ont recours à des moyens de résistance extrêmes. Du fait de leur nationalité d’origine, ils craignent de se voir refuser le droit d’asile. Mohammad Reza a 43 ans, il vit dans la Jungle depuis des mois. Il fait partie de ce groupe de huit Iraniens qui se sont cousu les lèvres et ont entamé une grève de la faim.

Depuis le 29 février, et l’expulsion ordonnée par la justice française, les autorités sont entrées dans la Jungle et ont annoncé, dans un anglais rudimentaire, à des milliers de demandeurs d’asile qu’il était temps pour eux de partir. Alors que sur les vestes des représentants de l’Etat français s’affiche, ironiquement, la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », face à la souffrance : l’indifférence et une escorte de policiers antiémeute. Leur simple vue a suscité la peur au sein de toute la popu-lation de la Jungle, hommes, femmes et enfants.

Il faut vider le camp de ses habitants avant que marteaux, scies et engins ne se chargent de le raser et ce malgré la promesse de M. Cazeneuve, ministre de l’Intérieur français, qu’aucun bulldozer ne serait utilisé… Certains, privés du peu de dignité qu’il leur restait, ont obtempéré et quitté leur abri de fortune sans faire d’histoire.

D’autres ont résisté. Dans un ultime acte de défiance, quelques migrants ont brûlé leurs tentes au moment de quitter les lieux. D’autres ont refusé de partir et se sont heurtés au aux canons à eau et gaz lacrymogènes. Ali a 17 ans. Originaire d’Iran, il vit dans la Jungle depuis quatre mois. Il raconte que dans le chaos des expulsions, un policier l’a jeté sur le sol boueux alors qu’il tentait d’éviter le gaz lacrymogène. Deux autres policiers l’ont ensuite frappé, le blessant aux mains et cassant ses lunettes. Ali souffre d’une coupure située à côté de l’œil et a du mal à respirer. « Ça me fait mal, j’ai la tête qui tourne, je n’ai nulle part où dormir ». Ali fait partie des 25 personnes ayant reçu les premiers soins au sein du nouveau dispensaire MSF situé dans la Jungle. Selon Pierre, infirmier MSF, beaucoup de migrants souffrent de problèmes respiratoires dus à l’utilisation de gaz lacrymogènes.

« Le pire choix possible ». Certains des expulsés de la Jungle ont rejoint la Belgique, d’où ils tenteront, encore, de rallier le Royaume-Uni. D’autres se sont résignés, ont renoncé, et sont partis vers l’Allemagne. Une poignée d’entre eux a demandé l’asile en France ; une démarche perçue comme le "pire choix possible" au vu de la façon dont ils ont été traités dans les camps de réfugiés français.

Une autre « possibilité » existe : s’installer dans les conteneurs établis aux abords de la Jungle. Là, les visites ne sont pas autorisés et les migrants doivent fournir leurs empreintes digitales afin d’être enregistrés. Autour de ce qui ressemble à une prison, des caméras ont été installées et un mur a été dressé. Nasser a 27 ans. Il est originaire du Koweït où, comme d’autres membres de la communauté « Bidoun » (des apatrides), il n’avait aucun droit. Il a passé sept mois dans la Jungle et dans l’espoir de rejoindre le Royaume-Uni, où, pense-t-il, une vie meilleure l’attend. Comme beaucoup d’autres dans ce camp, il ne sait pas de quoi demain sera fait. Une chose est sûre, il ne demandera pas l’asile en France. « Après tout ce qu’ont subi ces pauvres iraniens, afghans, kurdes… Après ça, ils s’attendent à ce que l’on fasse une demande d’asile en France ? Rester à leur merci dans des conteneurs ? La France ne veut pas des réfugiés ! » Ahmad, ancien directeur commercial iranien âgé de 28 ans ne veut pas non plus demander l’asile ici. « Regardez comment ils (les policiers) nous traitent. Ils sont inhumains nous dit-il Ils nous ont frappés, ont utilisé des canons à eaux, du gaz poivré et du gaz lacrymogène. Ce n’est pas l’Europe dont nous entendons parler en Iran... » Comme beaucoup d’autres, Ahmad se dit que la « meilleure » solution est de trouver un nouvel abri, dans le nord de la Jungle, et ce malgré la peur que ce site ne soit la prochaine cible des démolitions.

Refuser d’abandonner. Face à l’expulsion, les demandeurs d’asile éprouvent un mélange de colère, de désespoir et de désolation. Mais surtout, ils ne savent pas quoi faire. Abdul Muttaleb, un Afghan de 22 ans, ne se laissera pas dissuader de tenter de rejoindre sa mère au Royaume-Uni. « Contre toute attente, on s’en est sorti dans la Jungle. On a essayé de vivre dans les meilleures conditions possibles et même cela, on nous l’interdit ».
 
Abu Jassem, 20 ans, originaire de Syrie, raconte que le nombre de réfugiés dans la Jungle a considérablement diminué depuis la vague d’expulsion. Certains de ses compagnons partent contre leur gré. « Je suis complètement perdu. Pour moi, c’est soit le Royaume-Uni, soit le retour en Syrie. On savait que notre situation dans la Jungle était inhumaine, mais jamais on n’aurait imaginé que cela pouvait encore empirer ! On ne s’attendait pas à ça de la part de la France. On entendait parler de liberté et de démocratie. Mais, ici, ce ne sont que des mots. »

Venu du Darfour, au Soudan, Ahmad vit dans le nord de la Jungle. Il refuse d’abandonner. « La police française n’éprouve aucune humanité. S’ils détruisent la Jungle ici, nous en construirons une autre, ailleurs. On ne peut pas rentrer au Darfour et on ne va pas abandonner l’idée de rejoindre le Royaume-Uni. »

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