Jordanie : l’accès des réfugiés syriens aux soins médicaux menacé

Consultation médicale dans le cadre du projet de MSF sur les maladies non transmissibles, gouvernorat d'Irbid, Jordanie.
Consultation médicale dans le cadre du projet de MSF sur les maladies non transmissibles, gouvernorat d'Irbid, Jordanie. © Maya Abu Ata / MSF

En amont de la conférence des donateurs pour la Syrie, MSF appelle la communauté internationale à accroître le financement des soins de santé pour les réfugiés syriens au Moyen-Orient. En Jordanie, la récente décision d'augmenter les tarifs des soins applicables aux réfugiés syriens risque d’avoir un impact sur leur accès aux soins et d’accroître leur vulnérabilité.

Depuis février, les soins de santé publique dispensés aux réfugiés syriens vivant en Jordanie ne sont plus subventionnés. Résultat, les réfugiés syriens doivent s’acquitter de tarifs qui ont été multipliés par deux, voire parfois par cinq.

« Nous craignons que les familles syriennes commencent à renoncer aux soins parce qu’elles ont d’autres dépenses courantes à acquitter, comme le loyer. Compte tenu de la situation, les Syriens risquent de se tourner vers l’automédication ou d’autres méthodes moins coûteuses pouvant s’avérer inadéquates, voire même dangereuses », explique Brett Davis, chef de mission MSF en Jordanie.

Il était déjà difficile pour les Syriens d’accéder aux soins de base depuis qu’en novembre 2014, la gratuité des soins de santé avait été supprimée pour les Syriens vivant en dehors des camps de réfugiés en Jordanie.

Selon une étude sur l’accès aux soins menée par MSF en 2016, 30,2%  des adultes ayant besoin de soins de santé ont déclaré ne pas s’être rendus dans une structure médicale principalement par manque de moyens [1]. Cette étude a aussi montré que le revenu moyen par ménage n’était que de 239 dinars jordaniens par mois, soit 272 euros, et que 79,3 % des ménages étaient endettés.

Cette nouvelle décision va encore accroître la vulnérabilité des Syriens. Lors d’échanges avec des  patients pris en charge par ses programmes, MSF a constaté qu’un certain nombre d’entre eux ont du mal à accéder aux soins de santé depuis la hausse des tarifs.

« Avant quand elles tombaient malades, j’emmenais mes filles chez le médecin. Maintenant, je ne le fais plus, parce que le prix d’une consultation médicale est passé à neuf dinars jordaniens (10,24 euros) et je ne peux pas me le permettre », explique Khalida, une patiente syrienne de 38 ans. Certains préfèrent se rendre directement dans une pharmacie pour ne pas avoir à payer une consultation. « Ma femme a amené notre enfant au dispensaire, mais quand elle s’est aperçue que le tarif avait changé, ils sont allés directement à la pharmacie », raconte Jamil, 43 ans [2]. Toutefois, la plus grande inquiétude pour de nombreux Syriens est de ne pas pouvoir payer des soins d’urgence ou une opération chirurgicale, telle qu’une césarienne qui coûte désormais plus de 700 dinars jordaniens (803 euros).

L’adoption de cette mesure a également poussé davantage de réfugiés à recourir à des soins gratuits, comme le montre l’augmentation de 20% de la demande de soins en mars dans les programmes MSF de maternité et de soins de santé primaire, certains patients ayant parcouru de grandes distances pour bénéficier de ces soins gratuits.

MSF va continuer à suivre de près la situation sanitaire des réfugiés syriens et leurs besoins de santé via ses programmes médicaux gratuits dans le pays : ses projets de prise en charge des maladies chroniques à Ramtha et à Irbid, sa maternité et son unité de néonatologie à Irbid, son programme de santé mentale à Mafraq, son soutien aux soins de santé primaires à Ramtha et son centre de chirurgie reconstructrice à Amman.


[1] Enquête transversale sur les ménages syriens vivant en dehors des camps de réfugiés dans le gouvernorat d’Irbid (nord de la Jordanie) en mai et juin 2016 ; 2 589 ménages ont été sondés.

[2] Les noms ont été modifiés pour protéger l’anonymat.

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