Myanmar : la détresse des Rohingyas 10 ans après les massacres

Des patients arrivent à la clinique MSF de Sittwe. 2022. Myanmar.
Des patients arrivent à la clinique MSF de Sittwe. 2022. Myanmar. © Ben Small/MSF

En 2012, des violences communautaires éclatent au Myanmar, dans l’État de Rakhine. Les Rohingyas subissent alors une répression brutale et sanglante. On dénombre des centaines de morts, des milliers de maisons sont incendiées, des quartiers entiers sont rasés et 140 000 Rohingyas sont forcés de fuir leur foyer. Dix ans après, ils sont toujours obligés de vivre dans des camps d'internement ou des ghettos qui permettent des conditions de vie déplorables.

Zaw Rina habite depuis une décennie dans une petite cahute de bambou, qu’elle rejoint difficilement par des sentiers boueux et étroits. 5 000 personnes vivent dans ce camp de réfugiés, installé sur une île reculée de l'État de Rakhine. Les Rohingyas qui vivent ici n’ont accès ni à un travail rémunéré, ni à l’éducation, ni aux soins de santé. Les camps sont gardés par des forces armées, de telle manière que leur liberté de mouvement est très limitée.

Le stress, engendré par la recherche permanente de quoi manger et par la peur d’être agressé, a un effet néfaste sur la santé mentale des Rohingyas. La fille de Zaw Rina a tenté de se suicider à 20 ans, après que son mari a demandé le divorce. « Elle avait beaucoup de disputes sérieuses avec sa belle-mère et son mari lui a dit qu’il ne l’avait jamais aimée », explique Zaw Rina.

Au Myanmar, il existe d'énormes lacunes dans les services de santé mentale, qui touchent plus particulièrement les Rohingyas de l'État de Rakhine. La seule clinique dédiée à la santé mentale est privée et trop chère pour Zaw Rina et sa fille, tandis que les services de psychiatrie de l’hôpital public sont trop loin, notamment en raison des restrictions de mouvement imposées aux Rohingyas.

Zaw Rina reçoit des soins de santé mentale dispensés par MSF. Myanmar. 2022.
 © Ben Small/MSF
Zaw Rina reçoit des soins de santé mentale dispensés par MSF. Myanmar. 2022. © Ben Small/MSF

Dans ce contexte, les services proposés par MSF, qui organise des cliniques mobiles dans les camps, s’avèrent essentiels. Des conseillers et des médecins proposent des consultations individuelles ou des séances de groupe, ainsi que des visites à domicile. « Je me sentais vraiment perdue et je ne savais pas où demander de l'aide jusqu'à ce que je rencontre un conseiller MSF, explique Zaw Rina. Je me sens mieux maintenant et ma fille aussi. »

Ghetto musulman

Daw Than Than vit à Aung Mingalar, un quartier de Sittwe, la capitale de l'État de Rakhine. Depuis 10 ans, les musulmans du centre-ville de Sittwe sont confinés dans ce ghetto, privés de liberté de mouvement et surveillés jour et nuit par des policiers. Ils étaient près de 100 000 à habiter en ville il y a dix ans, avant que beaucoup ne soient forcés de fuir pendant les violences de 2021, et de rejoindre des camps comme celui où vit Zaw Rina.

Daw Than Than est veuve depuis 10 ans et a du mal à gagner sa vie. Myanmar. 2022.
 © Ben Small/MSF
Daw Than Than est veuve depuis 10 ans et a du mal à gagner sa vie. Myanmar. 2022. © Ben Small/MSF

Daw Than Than est veuve. Quand elle le peut, elle cuisine et fait le ménage chez les gens. Toutefois, elle n’est pas totalement libre de ses mouvements et elle a souvent du mal à gagner de quoi vivre. Elle a pu trouver un soutien auprès des conseillers MSF qui travaillent à Aung Mingalar chaque vendredi. Ils offrent des soins de santé primaire, des traitements pour les maladies non transmissibles et un soutien en santé mentale. « Je suis seule dans mon combat quotidien. Je n'ai personne auprès de moi, explique-t-elle. Souvent, je n’ai pas assez d’argent pour manger à ma faim, je me contente de riz et de thé vert. Quand je parle aux conseillers MSF, je ressens un certain soulagement. »

Offrir un soutien

Khin Phyu Oo est victime des violences de son mari. Elle est suivie par MSF Myanmar. 2022.
 © Ben Small/MSF
Khin Phyu Oo est victime des violences de son mari. Elle est suivie par MSF Myanmar. 2022. © Ben Small/MSF

Khin Phyu Oo s’est rendue dans la clinique MSF de Sin Thet Maw suite à une crise de convulsions. Le personnel soignant lui a conseillé de faire très attention lorsqu’elle cuisinait, car cette situation peut être dangereuse et entraîner de terribles brûlures si elle venait à tomber inconsciente sur son réchaud par exemple. Son mari l’a battue parce qu'elle n’était plus en mesure d’assurer les tâches ménagères, et ces violences se sont reproduites plusieurs fois.

Les équipes MSF ont proposé de lui offrir un soutien en santé mentale, en plus d’un traitement pour ses crises de convulsions. « Je n'ai personne à qui parler. Personne ne veut m'écouter. Je suis heureuse d’avoir trouvé un soutien, explique-t-elle. Les médecins m’aident et ils ont également proposé un soutien en santé mentale à mon mari. » 

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