Bangladesh : explosion des cas de gale dans les camps de réfugiés de Cox's Bazar

Mental Health: Rohingya Trauma and Resilience - Sawmiraj and Mohib Story
Dans les rues d'un des camps de réfugiés de Cox's Bazar. © Robin Hammond/NOOR

Début 2022, les équipes MSF ont constaté une recrudescence significative des cas de gale dans les camps de réfugiés de Cox's Bazar, inégalée depuis trois ans. En cause : les conditions de vie déplorables, le manque d'infrastructures et une réponse obsolète qui ne répond pas à l'évolution des besoins des Rohingyas, sur place depuis plus de cinq ans.

En 2021, les patients des services de MSF de Cox's Bazar, au Bangladesh, présentant des maladies de la peau ont plus que doublé par rapport à 2019, avec 73 000 personnes traitées. Et le nombre d'infections continue de grimper en 2022.

Ces dernières semaines, près de 90 % des admissions pour des maladies de peau dans les structures MSF de Balukhali, Goyalmara, Jamtoli et de Kutapalong concernaient la gale. Le chiffre le plus élevé pour cette pathologie depuis trois ans. Environ 80 % des patients sont des enfants et des adolescents de moins de 15 ans. 

Le pic d'activité a été si important que certaines de nos structures ont été à court de médicaments il y a quelques semaines ou ont dû rationner le stock pour ne traiter que les personnes présentant les symptômes les plus graves. Cette carence a également contribué à la propagation de l'infection dans la communauté.

Les conditions de vie, principale cause de la maladie

La gale est une maladie de peau causée par un acarien microscopique qui s'enfonce dans la couche supérieure de la peau et pond ses œufs - provoquant des démangeaisons intenses et incessantes, ainsi qu'une éruption cutanée. La gale touche généralement les enfants, mais non traitée, elle peut rapidement s'étendre à toute une famille. Dans un abri du camp d'Hakimpara, une femme atteinte de la gale explique : « Ma peau me démange toute la journée. J'essaye de ne pas me gratter mais je ne peux pas dormir. Je peux à peine manger. Quand la peau se déchire, je saigne ». En plus d'être intensément inconfortable, se gratter peut provoquer des crevasses dans la peau et une petite blessure peut facilement s'infecter. Les surinfections non traitées, comme la septicémie, peuvent être fatales et nécessitent un suivi spécialisé.  

La forte augmentation des cas de gale est directement liée aux conditions de vie dans le camp, où les gens partagent des espaces restreints et exigus et n'ont pas accès à l'eau pour l'hygiène ou pour laver leurs vêtements ou leur literie. Une fois qu'une personne a contracté une infection hautement contagieuse, celui-ci peut rapidement se propager, et une réinfection est très probable. 

L'éradication de la gale dans les camps de réfugiés rohingyas densément peuplés est un défi. Elle a un impact considérable sur la qualité de vie des gens, vivant dans des conditions déjà difficiles. « Le bébé se réveillait entre 8 et 10 fois par nuit et pleurait tout le temps. Pour l'emmener en traitement, on ne pouvait pas le prendre sans utiliser un tissu pour protéger sa peau », raconte Mohammed Salim, père d'un garçon de 13 mois.

Les gens reçoivent un quota de savon qu'ils utilisent pour se laver ou nettoyer les vêtements, la literie et les ustensiles de cuisine. La gale se propageant par contact prolongé peau contre peau ou via le partage de la literie - où des cellules de peau sont présentes - le lavage doit être fréquent. Néanmoins, comme le précise une dame rohingya, « la source d'eau est loin et il y a des horaires fixes. J'aimerais me laver tous les jours, mais je n'y parviens que tous les deux ou trois jours parce que les douches sont à l'extérieur de la maison. Cela me met mal à l'aise ». Les douches se trouvent dans des zones communes et de nombreuses femmes n'osent pas s'y rendre, surtout après la tombée de la nuit, en raison de l'insécurité dans les camps. 

Des infrastructures obsolètes

MSF travaille sur une approche à deux volets pour combattre l'infection, en combinant une augmentation de la disponibilité des traitements et un travail avec la communauté. L'équipe de promotion de la santé dispense une éducation sanitaire aux ménages affectés sur la façon de désinfecter les espaces de vie et de mettre en place des pratiques qui limitent le risque de nouvelle infection.

Une session de promotion de la santé : grâce à des repères visuels, les promoteurs de santé MSF expliquent à la communauté rohingya l'importance de l'hygiène personnelle et de la prévention des maladies transmissibles.
 © Anthony Kwan/MSF
Une session de promotion de la santé : grâce à des repères visuels, les promoteurs de santé MSF expliquent à la communauté rohingya l'importance de l'hygiène personnelle et de la prévention des maladies transmissibles. © Anthony Kwan/MSF

Cela fait presque cinq ans que 800 000 Rohingyas ont traversé la frontière du Bangladesh depuis le Myanmar pour rejoindre ceux qui avaient déjà fui les cycles récurrents de violence perpétrés contre eux par l'armée du Myanmar. Aujourd'hui, on estime que 920 000 personnes vivent dans les camps, mais peu de choses ont changé en termes d'infrastructures, notamment en ce qui concerne l'eau et l'assainissement. 

La réponse actuelle de l'aide est basée sur une intervention d'urgence de 2017. Désormais dépassée, elle ne répond pas aux besoins à long terme de la population. Le nombre élevé de cas de gale que nous observons actuellement n'est qu'un exemple de l'impact des conditions de vie sur la santé et le bien-être des gens.

« En travaillant dans des centres de soins surpeuplés, nous donnions la priorité aux maladies les plus graves. Nous n'avons donc pas vu l'étendue de la prévalence de la gale jusqu'à ce qu'elle ait un impact négatif significatif sur la population rohingya dans les camps. Nous nous efforçons désormais de fournir un traitement efficace au plus grand nombre de patients et à leurs contacts dans les plus brefs délais. Parallèlement, nous mettons en évidence les améliorations à apporter aux conditions de vie des personnes concernées. La gale est généralement assez facile à traiter et à gérer, mais lorsque les gens vivent dans les conditions constatées dans les camps de Cox's Bazar, les défis sont multiples », a déclaré Mieke Steenssens, coordinatrice médicale de MSF.  

MSF a fourni sa première assistance médicale au Bangladesh en 1972, après l'indépendance du pays. Aujourd'hui, en 2022, l'organisation offre une gamme de soins spécialisés dans dix structures du district de Cox's Bazar pour répondre à certains des vastes besoins de santé de plus de 920 000 réfugiés rohingyas vivant dans les camps, ainsi qu'à un nombre croissant de patients de la communauté hôte. MSF gère également deux cliniques dans le district de Kamrangirchar, dans la capitale, Dhaka, offrant des soins de santé reproductive et des traitements médicaux et psychologiques aux victimes de violences sexuelles et sexistes.

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