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Libye : récits de naufragés pris en charge par MSF

Une rescapée dans un centre de détention en Libye - septembre 2018
Une rescapée dans un centre de détention en Libye.  © Sara Creta/MSF

Plusieurs milliers de réfugiés et migrants sont pris au piège dans des centres de détention libyens et vivent dans des conditions inhumaines.

Plus d’une centaine de personnes seraient mortes dans un naufrage au large des côtes libyennes la semaine dernière, d’après les déclarations de rescapés aux équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) qui travaillent en Libye. Les naufragés ont été amenés par des garde-côtes libyens à Khoms, une ville située sur la côte à 120 kilomètres à l’est de Tripoli. MSF est intervenue pour leur fournir une assistance médicale d’urgence après leur débarquement. Voici les récits de ces rescapés.

Témoignage d'un rescapé du naufrage

« On a quitté la Libye sur un canot pneumatique pendant la nuit. On a été secourus par les garde-côtes libyens. On avait appelé les autorités italiennes, et ils nous ont envoyé les Libyens pour nous ramener ici.  Alors qu’on avançait, on a eu un problème avec notre canot, il était très chaud et il commençait à se dégonfler. Le moteur a fini par s’arrêter. Il y avait beaucoup d’enfants dans ce canot, et des femmes enceintes, des familles. On s’est battu pour survivre. On était dans l’eau à côté de ceux qui étaient morts. L’Europe doit savoir ce que nous endurons : on ne peut pas rester en Libye. C’est très dangereux. J’ai une blessure par balle à la jambe gauche. Mes amis m’avaient aidé pour collecter des fonds pour aller en Europe et faire soigner ma jambe. Ils m’ont dit que c’était 10,000 dinars libyens. Je n’ai pas cet argent. C’est mon histoire, mais il y a plein d’histoires différentes ici. On n’est pas des criminels, on n’est pas des voleurs. On se bat pour survivre. Je suis très triste, et déçu. Ça fait mal. J’ai perdu beaucoup d’amis. Je ne sais plus où sont ma droite et ma gauche, je n’ai plus de repères. Je ne sais pas où je vais aller demain. On a besoin d’aide, et à la place on nous enferme comme des prisonniers. Je ne sais pas pourquoi ils continuent de renvoyer les gens en Libye. On ne veut pas rester ici. Je ne demande pas au gouvernement italien de tous nous accepter dans leur pays, mais ne nous renvoyez pas en Libye. »

Un rescapé du naufrage
 © Sara Creta/MSF
Un rescapé du naufrage © Sara Creta/MSF

« Il y avait beaucoup de personnes âgées, de femmes et d’enfants sur le bateau. Seulement quelques personnes avaient un gilet de sauvetage. La plupart d’entre nous ne savaient pas nager. Imagine prendre la mer quand tu ne sais pas nager. Ils se sont noyés tout de suite. Je me rappelle des corps qui flottaient. Il y avait aussi une famille libyenne avec nous. Ils ont perdu leur fille [dans le naufrage]. »

© Sara Creta/MSF

« Pourquoi est-ce que les gens sont ramenés ici ? Je pose cette question à l’Europe. Pourquoi les Italiens ne nous ont-ils pas porté secours ? Ce n’est pas humain de nous laisser comme ça tout ce temps dans l’eau. Nous sommes partis de Tripoli dans la nuit, il était environ 1h du matin. Vers midi, les gens ont commencé à tomber à l’eau. Il y a eu un avion [européen] au-dessus de nous, et ils ont réussi à nous lancer des canots de sauvetage. J’étais là, j’ai vu les gens mourir. On a appelé les secours, une femme a répondu à notre appel et elle nous a demandé notre position. Moins de 100 personnes ont survécu. Il y avait beaucoup d’enfants dans ce bateau. Ils sont presque tous morts. Je n’aurais pas pris la mer s’il n’y avait pas eu la guerre à Tripoli. J’ai vécu en Libye pendant 10 ans, et je travaillais à Tajoura. Mais ce n’est plus possible maintenant, tu ne peux pas bouger là-bas. Je connais ce pays. J’y ai vécu 10 ans. Même si l’Europe ne veut pas nous donner l’asile,  elle ne devrait pas nous laisser mourir en mer ».

© Sara Creta/MSF

Un graffiti dans le centre écrit par quelqu’un qui ne veut pas que ce tragique événement ne tombe dans le silence et l’oubli.

© Sara Creta/MSF

« Le soleil était vraiment très fort, et le canot a commencé à se dégonfler. Tous les bébés sont morts. Comment est-ce possible de rester autant de temps dans l’eau sans personne pour venir nous secourir? Les gens avaient commencé à boire de l’eau de mer. Pourquoi nous a-t-on laissé mourir en mer ? »

© Sara Creta/MSF

« Je n’ai pas pu dormir depuis que je suis arrivé ici. Mon corps me fait beaucoup trop mal. Je ne peux pas marcher, pour aller aux toilettes  par exemple. Je me sens très fatigué en ce moment. »

© Sara Creta/MSF

« On a été abandonnés en mer. Les gens ont perdu l’espoir. Pourquoi a-t-on laissé des gens mourir en mer ? Il y a les capacités pour nous secourir. Nous sommes tous des humains.  Si on essaie d’aller en Europe, c’est pour essayer d’avoir une vie meilleure. Les gens vont continuer de prendre la mer pour traverser. Il y a des gens qui fuient la guerre, d’autres la pauvreté. Tout le monde devrait être secouru et ensuite on se penche sur leur cas individuels. On n’est pas en Libye pour rester là, on veut aller en Europe. On n’est pas des criminels. »

© Sara Creta/MSF

Notes

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