Haïti : deux fois plus de blessés par balle en un an

Un manifestant bloque une rue de Port-au-Prince le 13 juin 2019, lors d'une manifestation réclamant le départ du président Jovenel Moïse. Depuis des mois, le pouvoir d'achat des Haïtiens est en baisse constante avec la dévaluation de la monnaie nationale et les prix du carburant ont augmenté.
Port-au-Prince, Haïti. © Jeanty Junior Augustin/MSF

Ces derniers mois, les mobilisations massives de la population haïtienne, confrontée à une détérioration de la situation socio-économique dans le pays, ont été marquées par une flambée des violences.

Au cours du premier trimestre 2019, MSF a traité 237 patients admis pour des blessures par balles dans son centre d’urgence de Martissant, un bidonville de Port-au-Prince. Cela représente le double des cas enregistrés au cours de la même période il y a un an.

Chaque jour, des manifestations et des actes de violence sont enregistrés dans des villes comme Port-au-Prince, Les Cayes ou Gonaïves. Entre le 9 et le 25 juin, 49 victimes par balles ont été admises au centre de Martissant, dont 9 dans un état critique nécessitant des soins d’urgence. 
 

Manifestation dans les rues de Port-au-Prince le 9 juin 2019, appelant au départ du Président Jovenel Moïse. 
 © Jeanty Junior Augustin/MSF
Manifestation dans les rues de Port-au-Prince le 9 juin 2019, appelant au départ du Président Jovenel Moïse.  © Jeanty Junior Augustin/MSF

« Des barricades sont montées dans les rues et sur les routes principales. Les rues normalement engorgées de Port-au-Prince restent vides car les gens ont peur d’une énième explosion de violence. Personne ne se sent en sécurité, y compris nos équipes qui font face à de graves incidents », raconte Lindis Hurum, cheffe de mission MSF en Haïti.

Le 23 juin, une ambulance MSF transportant une femme enceinte à l’hôpital a été arrêtée par 20 hommes armés à une barricade : ils ont braqué l’équipe médicale et ont forcé l’ambulance à faire demi-tour. Le même jour, un patient qui quittait le centre MSF de Martissant a été abattu devant le portail, alors qu’il venait de sortir du bâtiment. 

Impact sur l'accès aux soins

Ce contexte violent a des conséquences directes sur le système de santé haïtien. Insuffisamment financées et équipées, manquant de personnel, les structures de santé publiques ne peuvent pas faire face à l’afflux de patients. Les problèmes de sécurité limitent également le transport du personnel de santé ou encore des médicaments.

Manifestation dans les rues de Port-au-Prince le 9 juin 2019, appelant au départ du Président Jovenel Moïse. 
 © Jeanty Junior Augustin/MSF
Manifestation dans les rues de Port-au-Prince le 9 juin 2019, appelant au départ du Président Jovenel Moïse.  © Jeanty Junior Augustin/MSF

« D’un côté, on constate un manque de médecins, de médicaments et de choses aussi essentielles que l’oxygène ou l’électricité dans les structures publiques. De l’autre, on fait face à une augmentation des besoins pour des patients qui ne peuvent pas se payer des soins dans des structures privées », explique Lindis Hurum.Le centre MSF de Martissant est l’une des très rares structures d’urgence ouverte sept jours sur sept. Ce centre de 26 lits offre des soins d’urgence aux patients victimes de traumas, et les stabilise avant de les référer vers des établissements mieux équipés et avec une capacité chirurgicale plus avancée.

« Aujourd’hui, nous contactons deux ou trois hôpitaux – voire plus – avant de trouver une solution pour des patients qui peuvent être dans des états critiques. Parfois sans succès. Il y a toujours quelque chose qui manque. Dans de telles circonstances, il est très difficile de garantir la continuité des soins, avec un impact lourd sur le pronostic vital de certains de nos patients », conclut Samira Loulidi, coordinatrice du centre d’urgence MSF de Martissant. 

À lire aussi