Escalade meurtrière en RCA

ESCALADE MEURTRIÈRE EN RCA
Pour des milliers de Centrafricains, la guerre est redevenue une réalité quotidienne. © Lali Cambra/MSF

La République centrafricaine (RCA) est de nouveau le théâtre de violences de masse, qui touchent une population encore traumatisée par la guerre civile de 2013.

Cette année-là, la Séléka, une coalition composée de combattants majoritairement musulmans venus du nord-est du pays, renverse le régime du Président François Bozizé. Aux exactions des membres de la Séléka, répondent ensuite les atrocités des anti-balaka, des milices dites d'autodéfense majoritairement chrétiennes. Le bilan fait état de milliers de morts, et de centaines de milliers de déplacés et de réfugiés.

La dissolution de la Séléka et l’intervention de forces internationales précèdent un accord qui met officiellement fin aux hostilités en juillet 2014. Trois ans plus tard, malgré les annonces de désarmement des groupes armés, le déploiement de 12 000 casques bleus, l’adoption d’une nouvelle Constitution et l’élection d’un Président, la situation dégénère.

Villages brûlés, exécutions, pillages : les exactions contre les populations prises au piège des combats se sont intensifiées en 2017, atteignant des niveaux de violence extrême qui n’épargnent personne.

L'escalade meurtrière

La République centrafricaine (RCA) est de nouveau le théâtre de violences de masse, qui touchent une population encore traumatisée par la guerre civile de 2013.

Cette année-là, la Séléka, une coalition composée de combattants majoritairement musulmans venus du nord-est du pays, renverse le régime du Président François Bozizé. Aux exactions des membres de la Séléka, répondent ensuite les atrocités des anti-balaka, des milices dites d'autodéfense majoritairement chrétiennes. Le bilan fait état de milliers de morts, et de centaines de milliers de déplacés et de réfugiés.

La dissolution de la Séléka et l’intervention de forces internationales précèdent un accord qui met officiellement fin aux hostilités en juillet 2014. Trois ans plus tard, malgré les annonces de désarmement des groupes armés, le déploiement de 12 000 casques bleus, l’adoption d’une nouvelle Constitution et l’élection d’un Président, la situation dégénère.

Villages brûlés, exécutions, pillages : les exactions contre les populations prises au piège des combats se sont intensifiées en 2017, atteignant des niveaux de violence extrême qui n’épargnent personne.

«La distinction entre civils et combattants ne semble plus exister»

© Natacha Buhler/MSF
Dieudonné R.vivait à Gambo lorsque le conflit à éclaté. Il à été attaqué à la machette par des combattants.
 © Natacha Buhler/MSF
Dieudonné R.vivait à Gambo lorsque le conflit à éclaté. Il à été attaqué à la machette par des combattants. © Natacha Buhler/MSF
Adamu a reçu six balles alors qu'il se rendait à Ippy pour vendre son bétail avec d'autres personnes.
 © Lali Cambra/MSF
Adamu a reçu six balles alors qu'il se rendait à Ippy pour vendre son bétail avec d'autres personnes. © Lali Cambra/MSF

Depuis la fin de l’année 2016, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) ont été les témoins de cette escalade de violence, en particulier dans les provinces du sud-est. « La distinction entre civils et combattants ne semble plus exister et les populations, traumatisées, sont à nouveau exposées à un niveau de violence extrême », explique Anne-Marie Boyeldieu, la chef de mission de MSF.

Des étincelles sporadiques ont fini par mettre le feu aux poudres dans tout le pays. On considère aujourd’hui que 14 des 16 provinces que compte la RCA sont désormais sous le contrôle de groupes armés. Seule Bangui, la capitale, semble être pour l’instant épargnée par cette vague de violence.

Si les hostilités actuelles épousent des lignes ethniques et religieuses, elles peuvent difficilement se réduire à une lutte entre chrétiens et musulmans. S’y enchevêtrent une forte dimension économique, une compétition pour le contrôle des ressources et diverses motivations politiques qui dépassent les logiques purement identitaires.

Réponses de MSF aux conséquences des attaques sur la population en 2016/2017.
 © MSF
Réponses de MSF aux conséquences des attaques sur la population en 2016/2017. © MSF

De retour d’une visite à Bangui et Bria en août 2017, le Dr Mégo Terzian, Président de MSF, relaie les observations des équipes sur place :

« Mois après mois, la situation s’est dégradée. On admet maintenant des enfants de 6 ans blessés par machette à l’hôpital de Bria. Ce n’est pas une balle perdue ou ce que certains appelleraient un dommage collatéral. Les civils sont bien visés, de plus en plus sont tués ou grièvement blessés ».

Bria, Bangassou, Zemio, Batangafo… Autant de villes marquées par des destructions et des violences de masse, et dans lesquelles les équipes MSF ont apporté des secours aux blessés. Ainsi à Bria, MSF a appuyé la prise en charge de nombreux blessés; 284 depuis janvier 2017, et 32 cas sévères référés vers le programme chirurgical mis en place à Bangui.

© MSF
© MSF

On compte aujourd’hui 600 000 déplacés dans le pays et plus de 500 000 réfugiés dans les pays voisins. Il s’agit du plus haut niveau jamais observé depuis le pic de la crise en décembre 2013, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Fuir est une question de survie, quitte à tout abandonner dans les pillages et incendies, pour gagner au plus vite une enclave ou un camp de déplacés.

La vie dans le camps de PK3, témoignage de Sonia

Bria

La ville de Bria est par exemple divisée en différentes zones tenues par des groupes armés rivaux, tous issus de l’ancienne coalition Séléka à dominante musulmane, et qui s’affrontent régulièrement. En ville, des attaques d’une extrême violence ont été dirigées au cours de l’année contre la communauté peule, majoritairement de confession musulmane, par divers groupes y compris des factions composées de combattants musulmans. Des quartiers chrétiens ont été particulièrement visés en mai, occasionnant le départ de plus de 40 000 personnes. Les anti-balaka et les milices dites « d’autodéfense » sont plutôt en périphérie de la ville. Ils s’en prennent aux combattants et aux civils qu’ils assimilent à des musulmans, arabes, peuls, « des étrangers » selon eux ; mais ils ont forgé également pour certains d’entre eux des alliances de circonstance avec des factions ex-Séléka.

PK3, camp de déplacés majoritairement chrétiens de la ville de Bria.
 © Benoit Finck/MSF
PK3, camp de déplacés majoritairement chrétiens de la ville de Bria. © Benoit Finck/MSF

« Des gens sont entrés avec des armes et ils ont tiré de partout. »

« C’est arrivé brusquement. Des gens sont entrés avec des armes et ils ont tiré de partout. Quand nous sommes retournés là-bas, tout avait été détruit [...] Nous avons dit aux enfants qu’il fallait fuir pour sauver nos vies. Même s’ils détruisent tout, c’est pas grave. Nous devions partir. Ce qui est important pour nous, c’est de sauver notre vie », explique Achta qui s’est réfugiée avec sa famille dans le centre-ville de Bria.

Un des deux puits de la Mission Catholique.
 © Lali Cambra/MSF
Un des deux puits de la Mission Catholique. © Lali Cambra/MSF
Mai 2017. Pour la première fois les gens d'Alindo ont recours à la protection de la Mission Catholique.
 © Lali Cambra/MSF
Mai 2017. Pour la première fois les gens d'Alindo ont recours à la protection de la Mission Catholique. © Lali Cambra/MSF

Les habitants en fuite n’ont souvent guère d’autre choix que se regrouper dans des sites de déplacés précaires voire complètement improvisés. D’autres survivants préfèrent chercher un espoir de sécurité en s’installant dans des quartiers tenus par des groupes armés dont ils partagent l’affiliation ethnique ou confessionnelle.

Ces refuges se transforment en enclaves.

Des communautés affectées par les violences

Non seulement leurs occupants ne sont pas à l’abri d’une attaque, mais dans un tel climat de violence et de représailles contre les civils jugés complices d’un camp ou d’un autre, en sortir revient à mettre leurs vies en danger immédiat. Se rendre à l’hôpital, cultiver les champs, reprendre le commerce : autant d’activités hors de portée pour l’instant.

Bagassou, le Petit Séminaire n'est pas adapté pour accueillir les 2000 musulmans qui y vivent depuis mi-mai 2017.
 © Natacha Buhler/MSF
Bagassou, le Petit Séminaire n'est pas adapté pour accueillir les 2000 musulmans qui y vivent depuis mi-mai 2017. © Natacha Buhler/MSF

« Une fille de 13 ans est arrivée à l’hôpital avec une blessure par balle. [...] Elle avait été blessée 10 jours auparavant. »

« Une fille de 13 ans est arrivée à l’hôpital de Zémio avec une blessure par balle au niveau de la poitrine. Elle avait été blessée 10 jours auparavant dans une autre partie de la ville. Pour atteindre cet hôpital soutenu par MSF, sa mère et elle ont dû contourner la ville, passer par la République démocratique du Congo (RDC) et ensuite revenir vers la RCA. J’ai été abasourdi qu’elles aient dû faire cela. Nous avons pu l’aider mais il y a des milliers de personnes dans la même situation que cette jeune fille, complètement abandonnées et sans aucun accès à des soins médicaux essentiels », détaille Wil van Roekel, coordinateur médical de MSF.

Une insécurité permanente qui n'épargne pas les structures de santé

En 2017, les équipes MSF ont été témoins de la multiplication des incidents sécuritaires dans plusieurs structures de santé à travers le pays.

Vendredi 8 septembre 2017, par exemple, alors que des combats se déroulent depuis plusieurs jours à Batangafo, dans le nord du pays, des civils qui courent se réfugier à l’hôpital soutenu par MSF sont visés par des tirs. Une mère et son fils qui se trouvaient dans l’enceinte de l’hôpital sont eux aussi touchés ; l’enfant, âgé de deux ans, n’a pas survécu à ses blessures.

© MSF
© MSF

Les conséquences en termes d’accès aux soins pour des populations déjà éprouvées par des attaques incessantes sont désastreuses. Les équipes médicales se retrouvent parfois obligées de suspendre, réduire ou adapter leurs activités. Dans certains cas elles n’arrivent pas à se rendre dans des zones où sont rapportés des malades et des blessés, comme Mobaye et Nzako, et sont l’objet de menaces directes.

« L’hôpital de Zemio est aujourd’hui désert parce qu’il n’est plus considéré comme un endroit sûr. Mais le personnel médical continue de travailler. Ils vont dans la brousse, emportent des médicaments dans des sacs à dos, essayant d’apporter leur soutien aux personnes qui s’y cachent », précise Wil van Roekel, coordinateur médical pour MSF.

Le programme MSF de prise en charge du VIH/SIDA qui s’appuyait sur un volet d’actions au sein des communautés a cependant dû s’arrêter en raison de l’insécurité et de l’impossibilité pour les soignants de se rendre au domicile des patients. Conséquence : le traitement de milliers de patients est compromis.

Soigner et vivre dans la peur

À l’hôpital de Bria, à la nuit tombée, les structures médicales se transforment en abris pour plus de 2000 personnes. Parmi ces déplacés, plus d’une trentaine travaillent pour MSF et ont dû fuir leur quartier lors de la reprise des violences. Tous les matins, une voiture MSF part chercher une autre partie du personnel qui a trouvé refuge dans le camp de PK3.

À l'hôpital de Bria

« On est coincé dans l'hôpital, comme si on était des prisonniers. On est obligé de dormir dans notre bureau », explique Armel Zengbe, infirmier superviseur de MSF à l’hôpital.

Ce climat de peur et de représailles s’étend à tout le pays. Dans certaines villes, la vie s’est arrêtée. « Zemio est une ville fantôme. Presque tout le monde est parti, effrayés que d’autres attaques aient lieu et que la ville se transforme en champ de bataille», explique Wil van Roekel.

Les puits ont dû être fermés pour éviter que l'on y jette des cadavres.
 © Lali Cambra/MSF
Les puits ont dû être fermés pour éviter que l'on y jette des cadavres. © Lali Cambra/MSF
Bangassou, vue sur la rue à travers le mur détruit de la mosquée.
 © Natacha Buhler/MSF
Bangassou, vue sur la rue à travers le mur détruit de la mosquée. © Natacha Buhler/MSF

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