Déplacements forcés de déplacés à Nyala

Camp de Aweil Sud Soudan
Camp de Aweil, Sud Soudan © Yann Libessart/MSF

La guerre dans le Darfour s'intensifie alors même qu'un processus de paix est engagé entre le gouvernement de Khartoum, au nord, et le SPLA de John Garang, au sud du pays. Déjà, elle aurait provoqué la mort de plus de 3.000 personnes et l'exode de plus de 600.000 autres. Dans les rares zones accessibles, des équipes MSF ont pu commencer à travailler dans deux villes, Nyala et Zalinge.

Le 15 janvier dernier, les autorités soudanaises ont décidé de fermer le camp de Nyala où avaient trouvé refuge près de 10 000 personnes pour les transférer vers des sites situés à une vingtaine de kilomètres de la ville dans une zone où ni la sécurité ni l'assistance n'étaient réunies pour accueillir des personnes aussi vulnérables. Dans la panique, la population a fui le camp avant d'être délocalisée, craignant pour sa sécurité dans cette zone où continuent à se dérouler des combats. Médecins Sans Frontières a dénoncé publiquement ce déplacement "forcé".

D'autant plus que la situation des déplacés était déjà extrêmement précaire. Avant la fermeture de ce camp, 50 à 100 nouvelles personnes arrivaient chaque jour, par petites vagues, et venaient grossir le rang des 10.000 autres qui avaient déjà trouvé refuge dans ce camp de fortune situé à la sortie de la ville. Venant d'autres villages qui servent de lieux de transit ou de refuge, tous les déplacés racontaient les mêmes histoires sordides, les mêmes horreurs, de villages brûlés, de morts par centaines, d'enfants égorgés, de femmes brûlées et d'hommes tués par armes à feu. Les gens ont fui ces atrocités et essayent d'arriver dans les camps, gardant l'espoir de trouver un asile sûr et une aide vitale. Pour certains, le trajet jusqu'ici avait été long, plusieurs jours, voire plusieurs semaines à dos d'âne, à pied ou, pour les plus chanceux, en camion. La durée de leur exode aura aussi été soumise aux rencontres " hasardeuses ", souvent malheureuses sur leur route... Certains racontent les " arrestations " des camions, les descentes forcées, l'humiliation, la brutalité de leurs agresseurs, quel que soit leur camp.

Risque de dégradation sanitaire

Les déplacés qui arrivaient à Nyala étaient dénués de tout. Dans leur fuite, ils n'avaient pas eu le temps d'emporter quoi que ce soit. Et les quelques personnes qui ont essayé de retourner dans leur village pour récupérer quelques affaires, l'ont fait à leur risque et péril... Nous avions difficilement obtenu l'autorisation de mettre en place une équipe pour nous occuper des soins, prendre en charge les enfants sévèrement malnutris, distribuer du matériel de première nécessité (couvertures, jerrycans, etc.) et de l'eau potable. Les taux de mortalité étaient anormalement élevés : ces quinze derniers jours, elle se montait à six décès pour 10.000 personnes et par jour pour les enfants de moins de cinq ans, soit une situation d'urgence sanitaire. Et ceci n'est que la partie visible. Nous savons que le nombre de déplacés que nous voyons reste très faible par rapport à l'ampleur du conflit. Qu'advient-il, alors, des populations restées dans ces zones toujours inaccessibles ? Leur situation ne peut que se dégrader par manque d'accès à la nourriture dû à l'impossibilité de récolter, aux pillages, aux déplacements et à la sécheresse.

La difficulté de l'aide

Il est clair qu'une grande partie du Darfour est inaccessible en raison d'une insécurité réelle. Les opérations de secours des organisations internationales et des agences des Nations Unies sont suspendues à des autorisations de déplacements limités et restent, de fait, pour l'instant minimes par rapport à l'ampleur des besoins. Or, cette guerre semble s'inscrire dans la durée et ses conséquences à venir sont malheureusement prévisibles avec, en premier lieu, une dégradation de l'état nutritionnel, de nouveaux déplacements de population et la création de zones complètement isolées. En étant présents en dehors des grandes villes, réactifs aux informations, en réalisant des explorations et en apportant des réponses rapides, on pourra, peu à peu, apporter des réponses indépendantes pour les populations les plus en souffrance. Il s'agit de se battre au quotidien pour y arriver.

Au nord et au sud depuis 28 ans

La première intervention de Médecins Sans Frontières au Soudan remonte à 1978, où les équipes ont porté assistance aux réfugiés érythréens à Port Soudan. Par la suite, et tout au long du conflit qui oppose le gouvernement de Khartoum au nord, avec les rebelles du sud, les équipes de Médecins Sans Frontières ont mis en place des programmes d'aide médicale et nutritionnelle, aussi bien en zone gouvernementale qu'en zone rebelle. Durant près de trois décennies, elles ont assisté les populations civiles frappées par la guerre, mais aussi les victimes de la faim. Car, à ce conflit qui perdure, se sont ajoutées des périodes de sécheresse intense, provoquant des crises nutritionnelles parfois extrêmement grave, notamment dans le Bahr-el-Gazal au sud du pays en 1988 et 1998. Aujourd'hui, Médecins Sans Frontières mène toujours des programmes médicaux et nutritionnels au nord comme au sud. Au nord, dans la banlieue de Khartoum, Médecins Sans Frontières gère un Centre Nutritionnel Thérapeutique, travaille dans un orphelinat au coeur de la capitale et dirige un hôpital dans la ville de Bentiu, au centre du pays. Au sud, Médecins Sans Frontières gère un hôpital à Akuem dans le Bahr-el-Gazal et mène un programme de lutte contre la maladie du sommeil à Ibba, non loin de la frontière avec la République Démocratique du Congo.

À lire aussi