Coronavirus : « Cette crise met en évidence les inégalités d’accès aux soins que subissent les plus vulnérables »

Coronavirus: MSF's mobile clinic for vulnerable groups
MSF intervient auprès des personnes en grande précarité grâce à des cliniques mobiles qui circulent à Paris et en banlieue. © Agnes Varraine-Leca/MSF

Emilie Fourrey est coordinatrice médicale sur la réponse MSF au Covid-19 en France. Retour sur notre action en région parisienne auprès des personnes en situation de grande précarité.

« La pandémie de Covid-19 met en lumière la fragilité du système de santé et sa capacité à répondre à des crises sanitaires d’envergure, elle met aussi en évidence les inégalités d’accès aux soins qui désavantagent les personnes les plus vulnérables. Nous avons donc orienté nos activités médicales vers ces personnes, celles qui vivent dans la rue comme les migrants, les sans-abris, les mineurs non accompagnés en recours.

Cinq jours sur sept, nos équipes interviennent en Île-de-France via des cliniques mobiles à destination des personnes en situation de précarité. Elles effectuent des visites dans des centres d’hébergement collectifs préexistants (pour travailleurs étrangers, sans-papiers, SDF) et dans des lieux de mise à l’abri d’urgence, dont font partie certains gymnases. Le 24 mars dernier, à la suite de l'évacuation par les autorités des 700 personnes qui vivaient dans le camp insalubre d'Aubervilliers, nos équipes sont ainsi intervenues au Gymnase Jean Jaurès, où une centaine d'entre elles avaient été orientées.

Malheureusement les gymnases ne sont pas la meilleure des solutions. Par définition, dans ce type d'établissement, il n'y a pas d'espace séparé. C'est parfois impossible d'isoler des personnes qui sont potentiellement infectées par le coronavirus. Elles devraient être dans des lieux de vie avec des chambres individuelles, qui permettent une distanciation sociale. C’est d'ailleurs la demande urgente que MSF et de nombreuses autres associations formulent aux pouvoirs publics.

L’objectif de ces cliniques mobiles et de ces visites est d’identifier les personnes qui seraient porteuses de symptômes du Covid-19, mais aussi tout simplement de maintenir leur accès aux soins. Elles sont aujourd’hui privées des nombreux soutiens apportés par les associations avant le confinement.

À la rue, les personnes viennent nous voir pour des problématiques qui ne sont pas forcément liées au Covid-19. Elles peuvent souffrir de problèmes dentaires, dermatologiques, ou encore de petites plaies. Il y a aussi un besoin de prise en charge en termes de santé mentale et nous avons d’ailleurs recruté un psychologue qui vient de rejoindre l’équipe. Un certain nombre de démarches sont actuellement suspendues, comme les demandes d'asile ou les recours, et cela contribue à déstabiliser davantage ces personnes.

Des équipes MSF sont déployées dans des sites réquisitionnés en urgence pour évaluer la santé des personnes les plus vulnérables, comme les migrants (ici, évacués du camp d'Aubervilliers) et identifier les cas potentiels de Covid-19. Paris, le 24 mars 2020.
 © Agnes Varraine-Leca/MSF
Des équipes MSF sont déployées dans des sites réquisitionnés en urgence pour évaluer la santé des personnes les plus vulnérables, comme les migrants (ici, évacués du camp d'Aubervilliers) et identifier les cas potentiels de Covid-19. Paris, le 24 mars 2020. © Agnes Varraine-Leca/MSF

Nous intervenons enfin dans un centre « de desserrement » ou « centre Covid + » en région parisienne. Ces lieux accueillent des malades du Covid-19 et des personnes en présentant les symptômes, qui sont en grande précarité et qui ne peuvent pas s’isoler, parce qu’elles vivent à la rue ou dans des lieux d’hébergement collectif.
 
Au 13 avril, nous avions ainsi réalisé 426 consultations, dont 125 nous ont permis d’identifier des cas suspects de Covid-19. Nous avons pu tester 44 personnes, dont 25 se sont révélées positives au coronavirus.  
 
La crise sanitaire actuelle soulève des difficultés et des défis sans précédent. La question du dépistage en fait partie, ainsi que la sortie rapide des cas suspects des structures d’hébergement collectives et leur orientation vers des sites qui permettent la mise en œuvre de mesures d’isolement adéquates.

Parmi les plus contraignantes, il y a les difficultés d’approvisionnement en matériel d’équipement de protection de la part des autorités sanitaires. Le déploiement des ressources humaines reste problématique, certains de nos collègues soignants ayant aussi été mobilisés dans les hôpitaux ; d'autres, pour des raisons diverses, ne peuvent pas être sur le terrain. Malgré cela, nous avons été en mesure de recruter une quinzaine de personnes en une semaine pour répondre à l’urgence et de nouvelles personnes rejoignent encore l’équipe. »

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