Soudan du Sud : lutter contre l’épidémie de paludisme dans le nord-ouest du pays

Près de 60% des admissions au projet de MSF à Aweil concernent des cas de paludisme
Près de 60% des admissions au projet de MSF à Aweil concernent des cas de paludisme © Jacob Kuehn/MSF

Cette année, le nombre de cas de paludisme est à nouveau en hausse. Au cours des trois premiers mois de la saison du paludisme,  les équipes MSF dans le nord-ouest du pays ont traité autant de patients atteints de paludisme sévère que l'an dernier. Mais la saison des pluies a débuté lentement cette année. Si les pluies s’intensifient, le nombre de cas risque de grimper en flèche.

Couchée sur le côté, entourée de sa famille, la petite Achan, cinq ans, ouvre les yeux pour la première fois depuis cinq jours. Sa famille est à son chevet en permanence depuis qu'elle a été admise au service de pédiatrie MSF de l'hôpital d'Aweil, ville située dans la partie nord-ouest du Soudan du Sud. Il s’agit  d’une région où le paludisme est endémique.

L'hôpital est le principal point de référence pour les cas les plus graves de l'état du Bahr Al Ghazal Nord. MSF y dispose de plus de 160 lits d'hospitalisation, dont trois services de pédiatrie qui ne désemplissent pas depuis deux mois. Lorsqu’Achan est arrivée à l'hôpital, elle était comateuse. Son petit corps était secoué par des convulsions et elle souffrait d’une très forte fièvre. « Nous avons eu peur qu'elle meure », explique son père en montrant de la main les cinq membres de la famille autour du lit d'Achan. Aujourd’hui, son pronostic vital demeure encore incertain. Sa fièvre a baissé, mais elle souffre encore de convulsions.

« Malheureusement, les patients qui sortent d'un coma neuropaludique gardent souvent des séquelles permanentes au cerveau », explique le Dr Cameron Bopp, référent médical de MSF a Aweil. Lorsque les yeux d’Achan s’ouvrent, ils semblent vides. Elle ne peut ni manger ni parler.

À l’autre bout de l'hôpital, la petite Ajeth, trois ans, est assise dans les bras de sa mère alors qu’un membre du personnel médical sud-soudanais lui pique le doigt pour vérifier si elle souffre d’anémie. Ajeth a été admise à l'hôpital il y a trois jours dans un état grave. Elle présentait une forte fièvre, souffrait d’anémie et de diarrhées. Le personnel de MSF l’a soignée à l’aide d’un traitement injectable contre le paludisme, d’une perfusion intraveineuse pour la réhydratation et d’une transfusion sanguine pour lutter contre l'anémie.

© Jacob Kuehn/MSF

Maintenant Ajeth se porte beaucoup mieux. Le paludisme s’est apaisé et son taux de fer sanguin est bon. Elle est prête à rentrer à la maison. Ses parents n’ont pas d'argent pour les transports publics alors ils feront le trajet de onze heures à pied.  MSF leur a donné des biscuits énergétiques pour qu’Ajeth puisse avoir de la nourriture durant le voyage. « L'an dernier, mon fils a également contracté le paludisme et nous avions également consulté MSF », raconte sa mère. « Dans notre village, le paludisme est très grave cette année, tout comme il l’était l'année dernière ».

La mère d’Ajeth a raison. En 2014, la moitié ouest du Soudan du Sud a connu une épidémie de paludisme particulièrement grave. Dans certains projets MSF, le nombre de patients a été trois fois plus important que les années précédentes.

Déjà, près de 60% des admissions au projet de MSF à Aweil concernent des cas de paludisme. Les équipes se préparent à accueillir davantage de patients souffrant de paludisme dans les mois qui viennent et mettent en place des moyens supplémentaires. Une tente capable d’accueillir une vingtaine de patients souffrant de paludisme a été installée pour augmenter la capacité d’hospitalisation. Les conséquences d’une nouvelle épidémie de paludisme de grande ampleur pourraient être particulièrement graves pour la région.

Le seul autre hôpital dans le Bahr Al Ghazal Nord est situé à une heure de route du projet de MSF, sur un chemin de terre flanqué de champs de sorgho et d’étendues peu profondes d’eau stagnante. En ce matin ensoleillé, l’unité de 20 lits de l’hôpital est remplie de patients et une file se forme déjà à la porte. À l’extérieur, des perfusions pendent aux arbres comme des fruits. Déjà, une poignée de patients qui n’ont pas pu obtenir de lits à l'intérieur reçoivent leur perfusion sous l’arbre.

« Le ministère de la Santé a créé une équipe spécifique pour lutter contre le paludisme afin d’améliorer la coordination », a déclaré Adbi Fatah Mohammed, directeur de la sensibilisation à MSF. « Mais la capacité est un grave problème et nous risquons de manquer de médicaments plus tard dans la saison ».

Il est difficile de savoir si la présente flambée de paludisme dans cette partie du pays va continuer à rivaliser avec le très grand nombre de cas de 2014, mais les tendances et les statistiques sont sans importance pour ceux qui souffrent déjà. Dans l’unité de MSF, des dizaines de jeunes patients sont allongés dans des lits métalliques sur des matelas en mousse. C’est le soir, la salle est silencieuse. Le personnel médical circule entre deux colonnes d'enfants couchés, en veillant sur chacun d'eux. A l'arrière de la salle, la petite Achan dort avec un tube d'alimentation transparent sortant de son nez. Elle vient de recevoir la dose finale de son traitement de sept jours contre le paludisme.  Elle cligne des yeux mais n’a toujours pas parlé. Toujours à côté d'elle, sa famille passe une autre nuit à l'hôpital. Ils attendent, dans l’espoir qu’elle se rétablisse.

Mise à jour au 24 août 2015 :

Les équipes MSF ont annoncé qu'Achan est aujourd'hui guérie, et qu'elle a pu rentrer chez elle, auprès de sa famille.

Achan

© Jacob Kuehn/MSF

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