Cameroun : la santé des communautés est fortement affectée par 10 ans de conflit armé dans le bassin du lac Tchad
Dans l’Extrême-Nord du Cameroun, attaques, déplacements forcés et insécurité alimentaire font désormais partie du quotidien de nombreuses communautés, confrontées depuis plus de dix ans aux conséquences du conflit armé du bassin du lac Tchad. Les structures de santé sont sous-équipées ou fermées. Des pénuries de personnel, des épidémies récurrentes et l’insécurité alimentaire continuent d’affecter la santé des populations dans la région. Les équipes MSF y sont déployées notamment dans les districts de santé de Mora et de Kolofata.
« J’ai fui mon village en 2019 après des attaques répétées », raconte Hawa Marie, une femme déplacée interne aujourd’hui installée à Mora. « Nous avions peur à cause des tirs. Avec mes six enfants, nous avons dû tout laisser derrière nous. La vie ici est difficile, nous n’avons pas toujours suffisamment à manger ».
Hawa Marie fait partie des milliers de personnes contraintes de fuir leur domicile en raison des violences persistantes le long de la frontière entre le Cameroun et le Nigeria. Le conflit, qui a débuté vers 2009 au Nigeria, s’est étendu en 2013-2014 aux régions frontalières : l’Extrême-Nord du Cameroun, l’ouest du Tchad et le sud-est du Niger. Il oppose principalement des groupes armés non étatiques (dont Boko Haram et ISWAP) aux différentes forces armées étatiques. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 3,6 millions de personnes ont été déplacées dans la région, dont plus de 500 000 au Cameroun. Les familles déplacées vivent dans des conditions précaires, avec un accès limité aux soins de santé et une insécurité alimentaire chronique.
Même si les déplacements sont en baisse, l’insécurité demeure élevée. Plus de 1 500 incidents sécuritaires ont été recensés dans l’Extrême-Nord depuis le début de l’année 2025.
«L’accès aux soins reste un défi majeur », souligne le Dr Michel Madika, coordinateur médical de MSF au Cameroun. « La pauvreté, le manque d’équipements dans les structures de santé, les pénuries de personnel, les épidémies récurrentes et l’insécurité alimentaire continuent de compromettre la santé des populations ».
MSF intervient dans la région depuis 2015, notamment dans le camp de réfugiés de Minawao, le district de santé de Mokolo, à travers un appui à l’unité chirurgicale de l’hôpital régional de Maroua, dans les districts de Mora et Kolofata. « La situation en 2016 et 2017 était extrêmement difficile. Nous recevions à toute heure des patients blessés par arme à feu, venant de zones très diverses », explique Danzabe Elias, superviseur logistique à l’hôpital de district de Mora.
Jérémie Seuda, agent de santé communautaire, témoigne de cette violence : « En 2015, lors des attaques, je me suis retrouvé seul à Kourgui après avoir été séparé de mes parents. Les équipes de santé mentale de MSF m’ont accompagné. Ce n’était pas facile, mais j’ai été soutenu à chaque étape. Les violences ont continué. Mon voisin de 20 ans a été tué et rester chez moi était devenu impossible. J’ai dû me déplacer à nouveau ».
Les équipes MSF mènent des consultations ambulatoires, offrent des soins en santé mentale, des services de santé sexuelle et reproductive et assurent une prise en charge chirurgicale d’urgence. À l’hôpital de district de Mora, où MSF est présente depuis 2015, les équipes ont réalisé plus de 4 500 interventions chirurgicales depuis 2021.
MSF a aussi mis en place des dépistages et des traitements pour lutter contre la malnutrition aiguë sévère. L’insécurité persistante, la crainte des attaques et des enlèvements empêchent en effet de nombreuses personnes d’accéder à leurs champs ou de transporter leurs récoltes, aggravant la pauvreté et les pénuries alimentaires. « Les gens ont peur d’aller cultiver », explique Wasa Hassan, agent de santé communautaire à Kourgui. « Les enlèvements contre rançon sont devenus fréquents, et la peur fait partie de la vie quotidienne ».
MSF travaille avec 81 agents de santé communautaires polyvalents, qui assurent notamment la prise en charge du paludisme, de la diarrhée et de la malnutrition aiguë sévère sans complications. En 2025, les équipes soutenues par MSF ont traité plus de 16 000 cas de paludisme simple et pris en charge près de 1 900 enfants souffrant de malnutrition. Depuis le début de l’année, les équipes de MSF ont réalisé plus de 45 000 consultations ambulatoires, effectué plus de 1 600 interventions chirurgicales d’urgence, pris en charge 2 250 enfants souffrant de malnutrition et accompagné plus de 1 000 femmes enceintes