Contexte
Les massacres perpétrés par le Hamas le samedi 7 octobre 2023 sont d’une ampleur et d’une brutalité inédite dans le conflit israélo-palestinien. Dans les jours qui ont suivi ces massacres, Médecins Sans Frontières (MSF) a offert son soutien aux hôpitaux israéliens, qui l’ont décliné.
La riposte d'Israël s’est traduite par une campagne quasiment ininterrompue de bombardements et de combats d’une intensité encore jamais vue sur une zone densément peuplée et enclavée comme Gaza : une grande partie des zones habitées, notamment dans le nord et le centre de la bande, ont pratiquement été effacés de la carte. Un siège est également imposé aux quelque 2 millions d’habitants de la bande de Gaza, qui dépendaient déjà à 80 % de l’aide extérieure avant le 7 octobre, dans le contexte d’un blocus imposé par Israël et l’Égypte depuis 2007 sur ce territoire. La bande de Gaza a été soumise à un siège total entre le 2 mars et le 20 mai 2025, sans entrée d’aucune aide ni approvisionnement. Depuis, l'aide autorisée à entrer dans la bande de Gaza, qui est largement insuffisante, n'est qu'un écran de fumée alors que le siège se poursuit.
C’est cette guerre totale menée depuis octobre 2023 par l’armée israélienne, détruisant les conditions même de la vie à Gaza, que MSF a documentée de façon extensive sur le site gazainsidethewar.com. Cette plateforme rassemble les informations et les témoignages recueillis par ses équipes entre le 7 octobre 2023 et le 1er février 2025, et documente plus particulièrement les attaques contre le système de santé et les humanitaires, dont les équipes de MSF ont été les témoins et les victimes.
Découvrir la plateforme
Mise à part une pause des hostilités en novembre 2023 et un cessez-le-feu de deux mois entre le 19 janvier et le 18 mars 2025, les forces israéliennes ont poursuivi leur offensive par voie aérienne, terrestre et maritime, en tuant de façon indiscriminée les civils palestiniens, le personnel de santé et les travailleurs humanitaires qui leur viennent en aide.
Les autorités israéliennes détruisent les conditions mêmes de la vie pour les Palestiniens de Gaza, en les déplaçant de force dans le cadre d'ordres d'évacuation, en attaquant les établissements de santé et le personnel médical, et en créant des zones d’évacuation qui couvrent désormais environ 70 % de la bande de Gaza.
Ce que nos équipes médicales ont observé sur le terrain tout au long des 19 mois de guerre totale menée par l’armée israélienne sont des signes évidents de nettoyage ethnique alors que les Palestiniens sont déplacés de force, pris au piège et bombardés. Cela correspond également aux descriptions d’un nombre croissant d'experts juridiques et d'organisations qui concluent qu’un génocide est en cours à Gaza. Bien que nous n'ayons pas l'autorité juridique pour établir l'intentionnalité, les signes de nettoyage ethnique et la destruction en cours, incluant les massacres, les blessures physiques et psychologiques graves, les déplacements forcés et les conditions de vie impossibles pour les Palestiniens assiégés et bombardés, sont indéniables.
Selon les autorités locales, en 19 mois de conflit plus de 52 400 personnes ont été tuées, dont près d'un tiers sont des enfants, 118 000 autres ont été blessées, et des milliers de personnes sont encore portées disparues. MSF ne cesse de demander l’arrêt des combats pour mettre un terme au massacre des Palestiniens de Gaza et, la levée du siège imposé par Israël pour pouvoir apporter une aide immédiate aux populations vivant dans un territoire dévasté par les bombardements, les combats et les destructions massives.
+ Quelles activités MSF menait-elle à Gaza avant le 7 octobre 2023 ?
Cela fait 20 ans que des équipes MSF, composées de personnel international et palestinien, travaillent à Gaza, fournissant des soins médicaux et un soutien au système de santé qui manque cruellement de personnel et de matériel. Avant que la guerre n’éclate, nos équipes intervenaient dans trois hôpitaux (Al-Shifa, Al-Awda et Al Nasser) et plusieurs cliniques ambulatoires, offrant une prise en charge globale aux personnes souffrant de brûlures et de traumatismes. Depuis 2018 et la répression brutale de l’armée israélienne sur les manifestants de la « Marche du retour », nous avons lancé un programme de chirurgie reconstructive dans le nord de Gaza. La capacité de MSF à intervenir à Gaza est cependant aujourd’hui largement réduite.
+ Quelles sont les activités médicales de MSF dans la bande de Gaza aujourd’hui ?
Grâce à la présence de ses équipes sur place, MSF est intervenue immédiatement après le début de l’offensive israélienne le 7 octobre, en faisant don de matériel médical, en essayant de poursuivre ses activités existantes (prise en charge des brûlures et de traumatismes, chirurgie reconstructive) et en proposant son aide aux hôpitaux gazaouis débordés par le nombre de patients. Cependant, l’intensité des bombardements israéliens a rapidement limité la capacité des équipes à se déplacer, et donc à évaluer les besoins et à apporter leur aide. Au fil des mois, MSF a continué d’adapter ses interventions en fonction de l’évolution des combats, des attaques sur les structures de santé et des besoins de la population.
Plus de 1 000 collègues palestiniens travaillent toujours dans les projets MSF. Dans le cadre de rotations programmées, nous avons en moyenne une trentaine de staffs internationaux qui mènent des activités médicales sur place.
-
Dans le nord
CLINIQUE À GAZA CITY
Avant le 7 octobre 2023, MSF gérait une clinique à Gaza city, à proximité de l’hôpital Al-Shifa. Depuis le début des hostilités, elle a été fortement endommagée à plusieurs reprises, rendant difficile le déroulement des activités médicales. Actuellement, les équipes se concentrent sur le soin des blessures, la physiothérapie, le dépistage des maladies non transmissibles, le dépistage et le traitement de la malnutrition.
Depuis février 2025, les équipes de MSF constatent une augmentation du nombre de patients provenant des gouvernorats du nord de la bande de Gaza. Le personnel médical est débordé par le nombre élevé de patients, près de 400 par jour. Les stocks s'épuisent et la capacité de réponse aux besoins urgents est dépassée.
CENTRE DE SANTÉ SHEIKH RADWAN
MSF soutient le ministère de la Santé au centre de santé primaire de Sheikh Radwan en formant le personnel, en traitant les cas de malnutrition, en prodiguant des soins d'urgence et en faisant des dons de matériel. Les équipes de MSF ont mis en place des cliniques mobiles pour dispenser des soins de santé primaires et distribuer de l'eau dans différentes zones, notamment dans le camp de Jabalia, mais elles ont dû cesser leurs activités le 18 mars 2025 en raison de la reprise des combats. À la suite de cela, l'ancien bureau MSF a été transformé en clinique où des soins de santé primaires sont dispensés, notamment le traitement des maladies non transmissibles, le soin des blessures et le dépistage de la malnutrition.
MATERNITÉ AL HELOU
Depuis avril 2025, MSF soutient le ministère de la Santé à l'hôpital Al Helou, dans lequel le service de maternité de l'hôpital Al Shifa a été transféré. Dans le service de maternité, les équipes de MSF apportent leur soutien à la salle d'urgence obstétricale, au service de maternité, aux salles d'hospitalisation, d'accouchement et aux blocs opératoires, ainsi qu'à l'unité de soins intensifs néonatals, aux soins de santé mentale et à la promotion de la santé.
-
Dans le centre
HÔPITAL AL-AQSA
MSF a commencé à travailler à l'hôpital Al-Aqsa, à Deir Al Balah, le 26 novembre 2023.
Le 6 janvier 2024, les équipes de MSF ont dû évacuer l'hôpital en raison des combats qui se déroulaient aux alentours.
Le 6 février 2024, les activités médicales ont repris. Depuis lors, les équipes offrent des services de chirurgie traumatologique, de soins de plaies postopératoires, de physiothérapie, de promotion de la santé et de soutien à la santé mentale. Les activités comprennent également le dépistage de la malnutrition.
Le samedi 24 août 2024, la ligne de front s’est rapidement approchée de l’hôpital Al-Aqsa. Le lendemain, un ordre d’évacuation émis par les forces israéliennes et une explosion à environ 250 mètres de l’hôpital ont poussé la grande majorité des 650 patients et des centaines de personnes qui s’y étaient réfugiées à fuir l’hôpital.
Le 14 octobre 2024, l’hôpital d’Al-Aqsa a de nouveau été atteint par une frappe aérienne israélienne, provoquant des scènes d’horreur puisque les tentes des gens qui se réfugiaient dans l’enceinte de l’hôpital ont pris feu. L’attaque a fait 65 blessés et 5 morts.
HÔPITAL DE CAMPAGNE DEIR AL BALAH
En réponse à la destruction du système de santé à Gaza, MSF a ouvert un hôpital de campagne à Deir Al Balah, en collaboration avec le ministère de la Santé. Le service des urgences, le service de consultations externes, le service d'hospitalisation et le bloc opératoire, y compris la chirurgie vasculaire disposent de 50 lits.
Le 7 avril 2025, des roquettes ont été lancées par le Hamas à proximité, mettant en danger les équipes MSF et les patients et conduisant à un ordre d'évacuation de la zone par les forces israéliennes, qui ont également mené des frappes près des hôpitaux Al Aqsa et Nasser.
CENTRE DE SANTÉ AL HEKKER
À la mi-avril 2024, MSF a ouvert un centre de soins de santé primaires à Al Hekker proposant des services ambulatoires, tels que des consultations générales, des vaccinations, des soins des blessures, des interventions chirurgicales mineures et des services de santé mentale. Au mois de mai 2024, l'équipe effectuait en moyenne 250 consultations par jour. Les services comprennent également le dépistage de la malnutrition et un traitement nutritionnel ambulatoire pour les enfants, les nourrissons et les femmes enceintes et allaitantes souffrant de malnutrition sévère ou modérée.
-
Dans le sud
HÔPITAL NASSER
L'hôpital Nasser est le plus grand centre chirurgical de Gaza, l'hôpital Al-Shifa ayant été largement détruit par les forces israéliennes fin mars 2024.
À la mi-février 2024, le personnel de MSF de l’hôpital Nasser a été contraint de fuir et de laisser les patients derrière lui après qu'un obus a frappé l'hôpital et que les forces israéliennes ont ordonné l'évacuation de l'établissement avant de le prendre d'assautle prendre d'assaut. Mi-mai 2024, en collaboration avec le ministère de la Santé, MSF a relancé son intervention à Nasser, en se concentrant sur la chirurgie orthopédique et l'unité des grands brûlés. Les services de maternité, de soins intensifs néonatals et de pédiatrie ont démarré le 25 mai 2024.
En mai 2025, les équipes de MSF gèrent une unité spécialisée en traumatologie, orthopédie et brûlures, avec deux blocs opératoires, 67 lits d’hospitalisation, 4 lits de soins intermédiaires, ainsi qu’un service ambulatoire pour le traitement des plaies, la physiothérapie et les chirurgies mineures liées aux traumatismes et brûlures. Elles soutiennent également le service des urgences et offrent des soins de santé mentale.
Dans le service de maternité et de pédiatrie, MSF appuie trois services pédiatriques, les consultations prénatales, postnatales, gynécologiques et obstétriques, une unité de soins intensifs pédiatriques (9 lits), une unité néonatale, les urgences maternelles et pédiatriques, ainsi que la santé mentale et la promotion de la santé. Un centre de nutrition thérapeutique a aussi été ouvert pour les enfants souffrant de malnutrition.
Le 23 mars 2025, les forces israéliennes ont pris pour cible le service de chirurgie de l'hôpital, tuant deux personnes, selon le ministère de la Santé. Les équipes de MSF ont confirmé que plusieurs personnes ont été blessées lors de l’attaque, dont l'un a été admis dans notre unité de traumatologie, et que le bâtiment a été gravement endommagé.
Le 13 mai 2025, une frappe aérienne israélienne a visé l'un des bâtiments de l'hôpital de Nasser, tuant deux personnes et en blessant douze autres, selon le ministère de la Santé. L'équipe de MSF a pris en charge deux des blessés.
CENTRES DE SANTÉ KHAN YOUNÈS ET AL ATTAR
Entre mai et juin 2024, MSF a ouvert deux centres de santé primaire à Khan Younès. MSF propose des consultations médicales, des vaccinations, des soins de santé mentale, une prise en charge ambulatoire de la malnutrition, des services de santé sexuelle et reproductive, la prise en charge des plaies, de la physiothérapie et de la promotion de la santé.
CLINIQUE AL ATTAR
Depuis le 18 mars 2025, les équipes de MSF ont dû réduire leur capacité d'accueil à la clinique Al Attar de Khan Younès, à l'exception des urgences, en raison de la situation sécuritaire. Les équipes MSF fournissent des consultations générales, des vaccinations, des soins d'urgence et des soins des blessures, des soins prénatals et postnatals, des soins de santé mentale, des activités de promotion de la santé, des dépistage et soins de la malnutrition. Un service d'urgence est également disponible 24 heures sur 24 pour stabiliser et orienter les patients.
CENTRE DE SANTÉ AL-MAWASI
Ouvert en janvier 2024, les équipes de MSF y fournissent des services ambulatoires, notamment des consultations générales, des vaccinations, des soins de santé sexuelle et reproductive, des soins des blessures, des services de santé mentale et de promotion de la santé ainsi que le dépistage et la prise en charge en ambulatoire de la malnutrition. Le centre de santé comprend un service d’urgence ouvert 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour stabiliser et référer les patients souffrant de traumatismes.
Depuis l'avancée des troupes israéliennes dans la zone de Mawasi, en mars 2025, les équipes de MSF ont été contraintes d'évacuer le centre de soins de santé primaire et de suspendre leurs activités, en raison des tirs et des bombardements à proximité. Depuis avril 2025, elles ont pu reprendre une partie des activités.
+ Quelles sont les activités de MSF pour l’accès à l’eau potable et l’assainissement dans la bande de Gaza ?
Entre janvier et fin avril 2025, MSF a distribué plus de 60 millions de litres d’eau potable et produit près de 8 millions de litres grâce au processus de désalinisation dans plus de 40 points d'eau à Al Mawasi, Khan Younes, Rafah et Deir El Balah. À titre d’exemple, la station de désalinisation d’Al-Mawasi a une capacité de 35 000 litres par jour et celle d’Al Attar, de 40 000 litres par jour. Depuis février 2024, en partenariat avec PARC - l'Association pour le développement de l'agriculture, MSF met en œuvre des activités liées à l'eau et à l'assainissement dans les camps de Deir El Balah et de Khan Younis.
L'accès à l'eau potable fait cruellement défaut à la suite de la destruction des infrastructures, des déplacements répétés, des pénuries de carburant et du blocus imposé sur l’aide humanitaire. Le siège total imposé entre le 2 mars et fin mai 2025 a empêché tout nouveau matériel d’eau et d’assainissement d’entrer dans la bande de Gaza. Les efforts humanitaires pour restaurer le système d'approvisionnement en eau étaient déjà fortement retardés par le système de pré-autorisation des articles dits ‘à double usage’ de la part des autorités israéliennes. La plupart du matériel dans le domaine de l'eau et de l'assainissement nécessitent une autorisation préalable ; c’est le cas du chlore, des pièces de rechange essentielles pour les unités de dessalement de l'eau, des générateurs, des pompes de forage et des réservoirs d'eau. De janvier 2024 à début mars 2025, sur les 1 700 articles d'eau et d'assainissement demandés par MSF dans le cadre du système ‘à double usage’, seuls 28% ont été approuvés par les autorités israéliennes.
De janvier à février 2025, les équipes de MSF à Gaza ont mené plus de 82 000 consultations de soins de santé primaires, dont près d'un cinquième concernent des infections liées au manque d'accès à l’eau et à l’hygiène. Le manque de savon et d'eau propre signifie une augmentation du nombre de personnes souffrant d'affections cutanées, constatée dans les cliniques de soins de santé primaires de la bande de Gaza. En février 2025, les équipes de MSF ont traité plus de 560 cas d'affections cutanées à la clinique Al Hekker de Deir Al Balah et 1 200 cas à la clinique Al Attar de Khan Younes. En l'espace de deux semaines au mois de mars 2025, le nombre de cas à Al Hekker avait déjà atteint près de 80% du total des cas de février.
+ Depuis la fin du cessez-le-feu, comment se passe l’entrée de l’aide et des biens de première nécessité dans Gaza ?
Entre le 20 janvier 2025 et le 2 mars 2025, durant le cessez-le-feu, les équipes MSF ont assisté à une augmentation significative de la quantité d’aide et de nourriture autorisée à rentrer dans Gaza et à une amélioration de l’accès à ces biens pour la population gazaouie, notamment en raison de l’arrêt pratiquement complet des pillages des convois humanitaires.
Cependant, entre le 2 mars et fin mai 2025, aucun camion commercial ou d'aide n'est entré à Gaza, ce qui constitue la plus longue période sans acheminement de biens et denrées dans le territoire depuis le début de la guerre. Après avoir imposé un siège complet à Gaza, les autorités israéliennes ont coupé, le 9 mars 2025, l'électricité nécessaire pour alimenter les usines de dessalement de l'eau. Ce blocus total de l'aide et de l'électricité prive la population de la plupart des services de base, ce qui équivaut à une punition collective.
Ce siège total a épuisé les stocks de nourriture, de carburant et de médicaments. Début avril 2025, MSF était confrontée à des pénuries de médicaments pour le traitement de la douleur et des maladies chroniques, d'antibiotiques et de matériel chirurgical essentiel. Les hôpitaux dépendent des générateurs pour fonctionner, notamment pour les opérations et pour maintenir en vie les patients critiques. Depuis fin mai, l'aide autorisée à entrer dans la bande de Gaza, largement insuffisante, n'est qu'un écran de fumée alors que le siège se poursuit.
Le déploiement de l’assistance humanitaire à destination de deux millions de personnes ne dépend pas seulement de l’arrêt des combats. Les routes, bâtiments et infrastructures civiles sont dans un état désastreux et le territoire a été plongé dans le chaos après le démantèlement des forces de maintien de l’ordre. L’insécurité ainsi que l’interdiction de travail faite à l’UNRWA, principal fournisseur d’aide aux Palestiniens de Gaza, représentent des obstacles de taille.
+ Comment soutenir les actions MSF à Gaza ?
Je donne au Fonds Régional - Urgence Gaza
En faisant un don au Fonds d’Urgence Régional - Gaza, vous nous permettez d’agir à Gaza et dans les environs, où nous déployons des secours d’urgence en réponse à la catastrophe majeure qui touche des milliers de Palestiniens. MSF est financée à 99,24% par des ressources d'origines privées (2022) : Votre présence à nos côtés est indispensable. Merci !
+ Quelle est la situation humanitaire de la population gazaouie ?
Depuis la rupture du cessez-le-feu le 18 mars 2025 et l’imposition d’un blocus total de l’aide humanitaire le 2 mars 2025, la population Gazaouie est privée de tout accès à la nourriture, à l’eau, aux soins médicaux et aux abris.
Les routes, bâtiments et infrastructures civiles sont dans un état désastreux et le territoire a été plongé dans le chaos après le démantèlement des forces de maintien de l’ordre. L’insécurité ainsi que l’interdiction de travail faite à l’UNRWA, principal fournisseur d’aide aux Palestiniens de Gaza, représentent des obstacles de taille. Il est également nécessaire que les blocages et les entraves au déploiement des secours mis en place par les autorités israéliennes ces 19 derniers mois soient levés de toute urgence, en commençant par la réouverture des principaux points de passage terrestres, comme celui de Rafah. Les habitants de Gaza restent privés de biens essentiels tels que la nourriture, l’eau, les abris, le carburant et l’électricité, ainsi que de soins de santé, en raison du siège de toute la bande de Gaza qui a été imposé par Israël. Les besoins sont extrêmement élevés, les maladies transmissibles se propagent, l’eau potable est rare, ce qui aggrave les conditions de vie des populations.
En raison du manque d'acheminement de nourriture dans le territoire, le 12 mai 2025, l’IPC (l’initiative de classification de la phase de sécurité alimentaire) a publié un nouveau rapport constatant que « l'ensemble de la population est confronté à des niveaux élevés d'insécurité alimentaire aiguë, avec un demi-million de personnes (une personne sur cinq) souffrant de famine ».
Au cours des 19 derniers mois de bombardements de l’armée israélienne, les civils n’ont nulle part où se réfugier. Il n’existe aucun « safe space » pour la population gazaouie dont 90% a été déplacée une ou plusieurs fois depuis le début du conflit.
Fin août 2024, la « zone humanitaire » décrétée par Israël, dont le périmètre a changé plusieurs fois au cours des derniers mois en raison de l'évolution des opérations militaires d’Israël, ne représentait plus que 42 kilomètres carrés, soit 11 % de la superficie totale de la bande de Gaza. L’armée israélienne a pourtant bombardé et frappé cette zone, à l’instar de l’attaque sur un bâtiment abritant du personnel de MSF en février 2024, Israël déclarant cibler des combattants du Hamas. Face à cette catastrophe humanitaire, Médecins Sans Frontières appelle à un cessez-le-feu immédiat et durable, à la levée du siège et à la protection des structures médicales et du personnel médical. Le système de santé est totalement effondré, aucun hôpital n'est actuellement pleinement opérationnel dans la bande de Gaza. Au 15 avril 2025, seuls 21 des 36 hôpitaux de Gaza restaient « partiellement opérationnels » et presque tous ont subi des dommages pendant le conflit, selon l'OMS.
La situation dans le nord de Gaza a été particulièrement critique avec des bombardements intensifs et des opérations militaires menées au sol, en particulier à partir d’octobre 2024. Les ordres d'évacuation successifs communiqués par l'armée israélienne, ont entraîné de multiples déplacements forcés de la population. Des hôpitaux, dans lesquels des centaines de patients étaient soignés, se trouvaient dans les zones concernées.
Depuis le début de la guerre, les travailleurs humanitaires et les professionnels de santé ont été victimes d'attaques répétées. Au 12 mai 2025, plus de 1 400 professionnels de santé ont été tués et au moins 418 travailleurs humanitaires, pour la plupart palestiniens, ont été tués à Gaza (OCHA).
Nous avons appris, le 1er avril 2025, la mort brutale d’un collègue, Hussam Al Loulou, tué lors d'une frappe aérienne israélienne, au sud-ouest de Deir Al Balah, à Gaza. Sa femme et sa fille de 28 ans qui se trouvaient avec lui ont également été tuées dans cette attaque. Il s’agit du onzième membre des équipes de MSF à être tué par les forces israéliennes depuis octobre 2023.
+ Est-ce qu'il y a une situation de famine à Gaza ?
En septembre 2024, en raison du manque d'acheminement de nourriture dans le territoire, l’IPC (initiative de classification de la phase de sécurité alimentaire) estimait déjà que la quasi-totalité de la population de Gaza (environ 96 % des 2,3 millions d’habitants) était affectée par une insécurité alimentaire critique.
Le 12 mai 2025, l'IPC a publié un nouveau rapport « Aperçu des niveaux d'insécurité alimentaire à Gaza », constatant que « l'ensemble de la population est confronté à des niveaux élevés d'insécurité alimentaire aiguë, avec un demi-million de personnes (une personne sur cinq) souffrant de famine ». Du 11 mai à la fin septembre 2025, l'ensemble du territoire est classé en situation d'urgence (phase 4 de l'IPC), et l'ensemble de la population devrait être confrontée à une insécurité alimentaire aiguë de niveau « crise » ou pire (phase 3 ou supérieure de l'IPC). Cela comprend 470 000 personnes (22 % de la population) en situation de catastrophe (phase 5 de l'IPC), plus d'un million de personnes (54 %) en situation d'urgence (phase 4 de l'IPC) et le demi-million restant (24 %) en situation de crise (phase 3 de l'IPC). Compte tenu de l'extension annoncée des opérations militaires dans toute la bande de Gaza, de l'incapacité persistante des agences humanitaires à accéder aux populations dans le besoin, de l'escalade prévue des hostilités et des déplacements massifs de population, le risque de famine dans la bande de Gaza n'est pas seulement possible, il est de plus en plus probable.
De plus, entre le 02 mars et fin mai 2025, aucun camion commercial ou d'aide n'est entré à Gaza, ce qui constitue la plus longue période sans acheminement de biens et denrées dans le territoire depuis le début de la guerre. Ce siège total a épuisé les stocks de nourriture, de carburant et de médicaments. Depuis fin mai 2025, l'aide autorisée à entrer dans la bande de Gaza, largement insuffisante, n'est qu'un écran de fumée alors que le siège se poursuit.
MSF a rappelé à plusieurs reprises qu’empêcher un approvisionnement suffisant en nourriture revient à consciemment infliger une punition collective à la population de Gaza, assimilée à une cible légitime.
+ Quelle est la différence entre la situation à Gaza et celles observées par MSF dans de nombreux autres conflits ?
Gaza était déjà un territoire occupé et sous blocus depuis 2007 et sa population dépendait déjà de l’aide extérieure à hauteur de 80 % de ses besoins. Depuis le 23 octobre 2023, la bande de Gaza a été soumise à un siège total et la guerre menée par Israël s’est traduite par une campagne ininterrompue de bombardements et de combats d’une intensité encore jamais vue sur une zone densément peuplée et enclavée.
Ce qui rend unique ce contexte humanitaire, c'est l'impossibilité pour la population de se mettre à l'abri, de fuir les bombardements de l'armée israélienne et les combats. Une grande partie des zones habitées, notamment dans le nord et le centre de la bande, ont pratiquement été effacées de la carte. Nos équipes, qui ont souvent une grande expérience des situations de conflit, nous rapportent n'avoir jamais vu un tel niveau de destruction et de violence. Ce qu’elles ont observé sur le terrain tout au long des quinze mois de la guerre totale menée par l’armée israélienne sont des signes évidents de nettoyage ethnique alors que les Palestiniens ont été déplacés de force, pris au piège et bombardés. Cela correspond également aux descriptions d’un nombre croissant d'experts juridiques et d'organisations qui concluent qu’un génocide est en cours à Gaza. Bien que nous n'ayons pas l'autorité juridique pour établir l'intentionnalité, les signes de nettoyage ethnique et la destruction en cours, incluant les massacres, les blessures physiques et psychologiques graves, les déplacements forcés et les conditions de vie impossibles pour les Palestiniens assiégés et bombardés, sont indéniables.
+ Quelle est la situation du système de santé ?
Aucun hôpital n'est actuellement pleinement opérationnel dans la bande de Gaza. Au 15 avril 2025, seuls 21 des 36 hôpitaux de Gaza restaient « partiellement opérationnels » et presque tous ont subi des dommages pendant le conflit, selon l'OMS. Le système de santé est totalement effondré alors que les rapports des autorités sanitaires locales font état de plus de 52 400 morts et plus de 118 000 blessés au 30 avril 2025.
Selon l’OCHA, au 24 avril 2025, plus de la moitié des structures de santé encore en activité se trouvent dans des zones sous ordre d’évacuation, rendant les soins de santé presque inaccessibles aux patients et au personnel médical.
Le personnel médical qui parvient encore à délivrer des soins le fait avec une grande difficulté et un accès aux fournitures médicales extrêmement restreint. Le siège total imposé par les autorités israéliennes entre le 2 mars 2025 et début mai 2025 a contraint les équipes de MSF à rationner les médicaments tels que les analgésiques, à fournir des traitements moins efficaces ou à refuser des patients. Les équipes manquent également de matériel chirurgical comme les anesthésiques, les antibiotiques pédiatriques et les médicaments pour les maladies chroniques comme l'épilepsie, l'hypertension et le diabète. En raison du rationnement, dans certains centres de soins de santé primaires, les soignants pansent les plaies des blessés sans médicaments anti-douleur.
Depuis le début de la guerre, les attaques contre les hôpitaux, les ambulances et le personnel de santé sont systématiques. Onze employés de MSF ont été tués, certains pendant qu’ils étaient en service. Entre le 7 octobre 2023 et le mai 2025, plus de 1 400 professionnels de santé ont été tués et au moins 418 travailleurs humanitaires, pour la plupart palestiniens, ont été tués, selon le bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA).
Les établissements médicaux ne sont pas épargnés par les attaques et les ordres d'évacuation des forces israéliennes. Les équipes de MSF ont dû quitter de nombreuses structures, tandis que d'autres continuent de fonctionner avec du personnel et des patients coincés à l'intérieur, parfois pendant des heures. Le 7 avril 2025, les équipes et les patients de MSF se sont retrouvés piégés dans l'hôpital de campagne de MSF à Deir Al-Balah, au centre de Gaza.
Selon les Nations unies, au 16 avril 2025, au moins 409 travailleurs humanitaires, dont la plupart étaient des employés de l'UNRWA, le principal fournisseur d'aide humanitaire à Gaza, ont été tués depuis octobre 2023.
Dernier exemple en date d’attaque contre les humanitaires : le meurtre par les forces israéliennes d’un groupe de secouristes qui tentait de venir en aide à des civils pris dans des bombardements le 23 mars 2025, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Les corps de 15 secouristes et leurs ambulances détruites ont été retrouvés dans une fosse commune le 30 mars. Des preuves rendues publiques ont montré que les secouristes et leurs véhicules étaient clairement identifiables, ce qui remet en question les affirmations initiales des autorités israéliennes.
Après une année et demie de guerre à Gaza, la vie des habitants et la capacité du système de santé ont été détruites, comme l’ont constaté les équipes MSF. Les besoins médicaux et humanitaires sont immenses. Les maladies transmissibles, notamment les maladies cutanées, se propagent. Les bombardements provoquent des blessures traumatiques et des brûlures, avec plus de 118 000 blessés à Gaza. La privation de biens essentiels, comme la nourriture, l'eau et les médicaments, entraînent un grand nombre de complications médicales et de décès. Depuis fin mai 2025, l'aide autorisée à entrer dans la bande de Gaza, largement insuffisante, n'est qu'un écran de fumée alors que le siège se poursuit.
Dans ces conditions, on observe que le poliovirus a refait surface à Gaza après 25 ans, en juillet 2024. En réponse, l'ONU et le ministère de la Santé de Gaza ont lancé une campagne de vaccination en deux phases. MSF a soutenu cette initiative logistiquement.
+ Où sont envoyés les patients gazaouis qui doivent être évacués ? Par quel biais se font les évacuations ?
Depuis le 7 octobre 2023, plus de 118 000 personnes ont été blessées à Gaza par des attaques israéliennes ; parmi elles, l’OMS considère que plus de 12 000 ont besoin d'un transfert à l’extérieur du territoire pour pouvoir recevoir des soins à la hauteur de la gravité de leur situation ; cela inclut des blessés de guerre ainsi que des personnes atteintes par des maladies comme le cancer. Malheureusement, les forces Israéliennes n’autorisent pas ces transferts en nombre suffisant, et ne le font qu’en appliquant des critères opaques et arbitraires. Ces personnes doivent être évacuées de Gaza en urgence et leur accès à des structures médicales adéquates à l’étranger doit être facilité.
Au cours des derniers mois, MSF est parvenue à transférer une dizaine de patients vers Amman, en Jordanie. Là-bas, nos équipes prennent en charge les blessés grâce à des opérations de chirurgie reconstructrice, des activités de physiothérapie et des soins de santé mentale. Cela représente une goutte d’eau dans l’océan des besoins médicaux des Gazaouis.
MSF appelle les autorités israéliennes à cesser les attaques sur le système de santé à Gaza, mais aussi à faciliter les évacuations médicales pour ceux dont la vie en dépend, y compris leurs accompagnants, et à ce que d'autres États reçoivent et facilitent les traitements en dehors de Gaza, tout en veillant à ce que toutes les références médicales, les patients et leurs accompagnants bénéficient d'un retour sûr, volontaire et digne à Gaza.
+ Pourquoi témoigner publiquement ?
Au-delà d’apporter une assistance humanitaire à celles et ceux qui en ont urgemment besoin, témoigner et alerter est l’une des missions que MSF s’assigne.
Notre communication sur le conflit israélo-palestinien est basée - comme partout ailleurs sur nos terrains d’intervention - sur le témoignage direct issu de notre personnel sur place, des personnes à qui nous apportons des secours, et de leur entourage.
Nous témoignons de ce que nous observons et constatons là où nous intervenons, et nous exprimons publiquement nos appels et nos demandes aux belligérants, aux acteurs politiques, et aux autres acteurs de l’aide. Nous nous adressons régulièrement aux pays alliés d'Israël comme les États-Unis et l’Allemagne. A ce titre, les bureaux MSF dans ces pays participent à cet effort, comme ce fut le cas pour cette initiative de plaidoyer menée aux États-Unis, avec des médecins MSF qui ont témoigné aux Nations unies et auprès de décideurs américains.
MSF a adressé une lettre ouverte à Emmanuel Macron en décembre 2023 afin de demander un cessez-le-feu immédiat et durable à Gaza, ainsi que la fin des attaques indiscriminées et continues, la fin des déplacements forcés, la fin des attaques contre les hôpitaux et le personnel médical, et la fin du siège de Gaza.
En février 2024, Christopher Lockyear, secrétaire général de Médecins Sans Frontières, est intervenu au Conseil de sécurité des Nations unies lors de sa réunion mensuelle sur Gaza. À cette occasion, il a, à nouveau, appelé à un cessez-le-feu immédiat et durable à Gaza. Il a également appelé à protéger les installations médicales, le personnel de santé et les patients (en savoir plus).
En décembre 2024, MSF a publié son rapport « Gaza : survivre dans un piège mortel », qui récapitule les 12 mois de guerre et dénonce la campagne de destruction totale menée par Israël. Ce rapport est basé sur des données quantitatives et qualitatives collectées entre octobre 2023 et début octobre 2024, notamment des données médicales et logistiques de MSF ainsi que des entretiens menés avec le personnel médical et non médical de MSF et avec des patients.
En avril 2025, MSF a diffusé la plateforme gazainsidethewar.com qui rassemble les informations et les témoignages recueillis par ses équipes entre le 7 octobre 2023 et le 1er février 2025, et documente plus particulièrement les attaques contre le système de santé et les humanitaires, dont les équipes de MSF ont été les témoins et les victimes.
Après 19 mois de conflit, nous constatons que la guerre totale menée contre la population de Gaza a été marquée par l’utilisation de la violence disproportionnée comme doctrine, et un mépris total pour la dignité humaine et la vie des Palestiniens, avec des violations quasi quotidiennes du droit international humanitaire. Les forces israéliennes ont mené des attaques aveugles qui ne font aucune distinction entre les cibles militaires et les vies civiles, accompagnées d’un discours public déshumanisant les Palestiniens et assimilant toute la population de Gaza au Hamas. La guerre menée par Israël prend la forme d’une punition collective de la population de Gaza, y compris par la privation de nourriture, d’eau, et d’autres biens de première nécessité, par le démantèlement systématique du système de santé par les forces israéliennes et par les déplacements forcés massifs et répétés de la presque totalité de la population, qui ont entraîné une explosion des besoins médicaux et humanitaires. Depuis le début du conflit, les équipes de MSF ont soigné plus de 27 500 patients, pour des blessures liées à 80 % aux bombardements. Les mesures demandées en janvier 2024 par la Cour internationale de justice visant à prévenir le risque d’un génocide dans la bande de Gaza n’ont jamais été adoptées par les Israéliens.
La bande de Gaza a été soumise à un siège total entre le 2 mars et le 20 mai 2025, sans entrée d’aucune aide ni approvisionnement. Depuis, l'aide autorisée à entrer dans la bande de Gaza, qui est largement insuffisante, n'est qu'un écran de fumée alors que le siège se poursuit. Israël continue sa campagne de nettoyage ethnique en détruisant délibérément les conditions nécessaires à la vie. Nous assistons, en temps réel, à la création des conditions de l’éradication des Palestiniens à Gaza.
+ MSF fournit-elle des soins médicaux en Israël ?
MSF ne gère actuellement aucun programme médical en Israël. Dans tout contexte, nous nous efforçons de répondre aux besoins de santé qui ne sont pas couverts par le système sanitaire du pays. Or, Israël dispose d’un système de santé solide capable de répondre aux plus graves urgences.
MSF a toutefois proposé son soutien aux hôpitaux israéliens qui ont été amenés à traiter un grand nombre de blessés à la suite des massacres commis par le Hamas le 7 octobre. Les autorités israéliennes nous ont répondu, en la déclinant.
Plus tard, nous avons réitéré aux autorités israéliennes notre proposition de venir en aide aux populations déplacées en Israël, dans le nord du pays, mais celle-ci n’a pas été retenue.
+ Quelle est la réaction de MSF suite à la publication d’un article dans le Journal Du Dimanche (3 novembre 2024) ?
Les éléments que le Journal du Dimanche présente comme des faits et comme point de départ de son "enquête" publiée dans son édition du 3 novembre 2024 sont un montage d’opinions, d’insinuations non étayées par des faits et d’allégations fausses que nous contestons. Nous avions d’ailleurs réagi en ce sens au moment de la publication d’une interview d’une personne se présentant comme un médecin ayant travaillé pour MSF dans votre journal le 9 juin, à la suite de laquelle nous avions adressé un courrier au Directeur de la rédaction. A ce jour, il n’a pas jugé opportun de nous répondre.
La démarche du JDD s'inscrit dans une campagne de décrédibilisation de la parole et du travail de Médecins Sans Frontières, ainsi que des autres ONG et organisations humanitaires présentes à Gaza, qui tentent de porter secours à la population et de rendre compte de l’horreur de cette guerre. Cette démarche n’est pas seulement nuisible à la réputation de MSF, elle est également dangereuse et irresponsable dans la mesure où elle soutient la rhétorique des autorités israéliennes justifiant les attaques contre les civils et les organisations humanitaires à Gaza.
+ Est-ce que MSF a pu constater la présence de combattants du Hamas au sein des hôpitaux de la bande de Gaza ?
MSF ne dispose d’aucune information directe indiquant que les combattants du Hamas utilisent les hôpitaux de la bande de Gaza à des fins militaires. Si la présence de bases militaires et de combattants du Hamas dans les hôpitaux où nous travaillons avait été portée à notre connaissance, nous n’aurions pas maintenu d’activités sur place, pour des raisons évidentes de responsabilité et de sécurité de nos équipes. Nous avons déclaré publiquement et à l'intention des deux parties que ni les hôpitaux ni les espaces environnants ne doivent être utilisés à des fins militaires, car cela constituerait une menace directe pour les centaines de patients, le personnel médical et les milliers de civils qui se réfugient dans les hôpitaux. Il est également important de comprendre que les équipes MSF ne travaillent ou ont travaillé que dans une partie des grands complexes hospitaliers comme Al-Shifa et Nasser.
MSF et les autres organisations humanitaires sont sommées de démontrer que des combattants du Hamas n'utilisent pas les hôpitaux à des fins militaires ; or, la charge d'apporter des preuves solides de cela revient à l'armée israélienne, qui justifie avec cet argument ses attaques contre les hôpitaux et les civils qui tentent d'y trouver refuge.
D’autre part, MSF travaille depuis de nombreuses années dans la bande de Gaza, en coordination avec le ministère de la Santé, qui fait partie de l’administration civile du Hamas. À Gaza comme dans tous nos autres contextes d’intervention, la coordination avec les autorités sanitaires locales est essentielle à la bonne conduite des interventions de l’association.
+ Est-il possible que MSF emploie des personnes qui soutiennent le Hamas, le Jihad islamique ou tout autre groupe armé ?
MSF n’employerait sciemment jamais une personne engagée dans des activités militaires. Tout employé qui serait lié à un groupe armé représente un danger pour notre personnel et nos patients. Partout où nous travaillons, nous demandons aux membres de notre personnel de s'engager à respecter la Charte de MSF, qui inclut le respect des principes humanitaires et de l'éthique médicale.
La manière dont les autorités israéliennes communiquent sur cette situation risque de mettre davantage en danger notre personnel et discrédite les travailleurs médicaux et humanitaires à Gaza et en Cisjordanie. Onze membres du personnel de MSF ont été tués à Gaza par l’armée israélienne depuis le 7 octobre 2023. Nous demandons que des enquêtes indépendantes soient menées afin de déterminer les responsabilités de ces attaques.
Que répondez-vous face aux accusations directes d’Israël à l’encontre de Fadi Al-Wadiya, l’un de vos employés tués en juin 2024 et suspecté d’être impliqué dans des activités militaires à Gaza ?
Le 26 juin 2024, les autorités israéliennes ont diffusé sur les réseaux sociaux des éléments concernant l’employé de MSF Fadi Al-Wadiya, tué par les forces israéliennes le 25 juin, l'accusant d'être impliqué dans des activités militaires à Gaza. MSF est profondément préoccupée par ces allégations qu’elle prend très au sérieux. Nous n'avions aucune indication d’une éventuelle implication de Fadi Al-Wadiya dans des activités militaires. Nous n'emploierions jamais sciemment des personnes impliquées dans des activités militaires. Tout employé qui s'engage dans des activités militaires mettrait en danger notre personnel et nos patients en compromettant notre neutralité.
Bien que nous ayons demandé des éclaircissements aux autorités israéliennes, nous n'avons jusqu'à présent reçu aucune réponse formelle. À ce jour, les seules informations dont nous disposons sont celles qu'elles ont partagées via des publications sur les réseaux sociaux. MSF souhaite que toute la lumière soit faite sur cet assassinat et considère que seule une enquête indépendante permettra d’établir les faits. La frappe qui a tué Fadi Al-Wadiya a également tué quatre autres personnes, dont deux enfants.
La façon dont les autorités israéliennes choisissent de communiquer autour de cet événement met davantage en danger notre personnel et contribue à discréditer les travailleurs médicaux et humanitaires à Gaza et en Cisjordanie. Onze membres du personnel de MSF ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre 2023 sans qu’aucune réponse formelle ne soit apportée à nos demandes d’explications.
+ Que demande MSF ?
- Un cessez-le-feu et l’arrêt des bombardements massifs et indiscriminés sur la population gazaouie sont nécessaires de toute urgence pour arrêter le massacre des Palestiniens de Gaza, mais aussi en tant que condition préalable au déploiement d’une aide humanitaire à la hauteur des besoins.
- Les établissements et le personnel de santé doivent être impérativement protégés. Les hôpitaux, les soignants, les ambulances et les patients ne peuvent pas être pris pour cible.
- Le siège de Gaza doit être levé. L'acheminement de l’aide humanitaire destinée à la population de Gaza doit être autorisé de façon inconditionnelle. Le matériel humanitaire, la nourriture, le carburant et les médicaments doivent parvenir sans délai à la population de Gaza, qui en dépend pour survivre.
- Nous appelons également de toute urgence au rétablissement d’un accès à l’eau potable suffisant et immédiat pour la population de la bande de Gaza.
- Nous appelons à ce que les personnes qui souhaitent fuir Gaza, pour se sauver ou pour aller se faire soigner en dehors du territoire, puissent le faire, et cela sans perdre leur droit au retour sur leur terre si et quand elles le souhaiteront. Médecins Sans Frontières demande que ses collaborateurs palestiniens qui souhaitent partir puissent être évacués, avec la possibilité de revenir à Gaza ultérieurement.
+ Est-ce que MSF communique directement avec les autorités israéliennes et avec les autorités palestiniennes ?
MSF est en communication régulière avec Israël via l’organisme de Coordination des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT). Cette unité du ministère israélien de la Défense est chargée de superviser la politique civile en Cisjordanie, ainsi que de faciliter la coordination logistique entre Israël et la bande de Gaza.
Pour ce qui est de Gaza, comme dans tous nos contextes d’intervention, MSF dialogue et coordonne ses activités avec les autorités en place. Nous travaillions donc déjà en collaboration avec le ministère de la santé palestinien avant cette guerre, nous continuons de communiquer avec les autorités locales pour coordonner nos activités sur le territoire.
+ Est-ce que MSF parvient à avoir des conditions d'hygiène suffisantes pour réaliser les opérations chirurgicales ?
Avant la guerre et malgré le blocus, le système de santé gazaoui était relativement performant, avec du personnel bien formé et des standards de soins élevés, y compris en matière d'hygiène. Depuis le début du conflit, nos équipes médicales font face à des conditions de travail extrêmement difficiles. Les rares hôpitaux et établissements médicaux encore opérationnels ne peuvent pas faire face aux vastes besoins médicaux, laissant souvent les patients sans soins vitaux et mettant le personnel médical dans une situation de stress continu.
Les équipes médicales de MSF voient des patients mourir dans les hôpitaux, car les structures ne sont pas en mesure de faire face au nombre écrasant de patients ou n’ont pas les fournitures nécessaires pour prodiguer des soins. A de nombreuses reprises, le manque de matériel médical a poussé nos équipes à intervenir sans pouvoir assurer une qualité de soins suffisante pour les patients, en découpant les compresses en morceaux pour faire davantage de pansements ou en opérant des enfants sans anesthésie. Cependant, aujourd'hui et malgré les terribles conditions de travail, le personnel médical des hôpitaux gazaouis fait de son mieux pour préserver des standards de qualité.
Au cours des 19 mois de conflit, les forces israéliennes ont régulièrement encerclé des établissements médicaux, donné des ordres d’évacuation dans des conditions extrêmement dangereuses pour les patients et le personnel soignant, tiré sur des structures de santé, des patients et du personnel médical (dont beaucoup ont été tués), effectué des raids sur des hôpitaux et procédé à des arrestations arbitraires de personnel médical. Les attaques systématiques contre les établissements et le personnel de santé doivent cesser immédiatement. Les hôpitaux, les soignants, les ambulances et les patients ne doivent pas être pris pour cible.
+ Votre personnel a-t-il été attaqué ?
Depuis le 7 octobre 2023, nous déplorons le décès de onze collègues.
Le 6 novembre 2023, Mohamed Al Ahel, qui était technicien de laboratoire pour MSF depuis deux ans, a été tué avec plusieurs membres de sa famille, alors qu'il se trouvait chez lui dans le camp de réfugiés d'Al Shate au moment où la zone a été bombardée.
Le 18 novembre 2023, Alaa Al Shawa, un infirmier volontaire travaillant à côté des équipes MSF à l’hôpital Al-Shifa, ainsi qu’un autre membre de la famille d’un employé de MSF sont décédés après une attaque contre un convoi de MSF des membres du personnel de MSF et leur famille. 137 personnes étaientbloquées depuis une semaine sans eau ni nourriture dans les locaux de MSF, situés près de l'hôpital Al-Shifa. Ils tentaient de rejoindre le sud de la bande de Gaza.
Le 21 novembre 2023, le Dr Mahmoud Abu Nujaila et le Dr Ahmad Al Sahar, deux médecins MSF, ont été tués lors d’une frappe sur l’hôpital Al-Awda.
En décembre 2023, Reem Abu Lebdeh, membre du conseil d'administration de MSF Royaume-Uni et ancienne employée de MSF à Gaza, aurait vraisemblablement été tuée avec des membres de sa famille, lors de l'offensive israélienne à Khan Younis.
Le 25 juin 2024, Fadi Al Wadiya, médecin, kinésithérapeute et père de trois enfants a été tué alors qu’il se déplaçait à vélo pour aller travailler à la clinique MSF.
Le 10 octobre 2024, Nasser Hamdi Abdelatif Al Shalfouh, chauffeur MSF, est décédé le 10 octobre 2024, deux jours après avoir été blessé lors d’une explosion à Jabalia, localité située dans le nord de la bande de Gaza, lourdement attaquée par l’armée israélienne. Transféré à l'hôpital Kamal Adwan, il n'a pu recevoir les soins nécessaires faute de personnel et de capacité médicale. Il avait 31 ans et était père de deux enfants.
Le 24 octobre 2024, Hasan Suboh est décédé lors d’une opération militaire de l’armée israélienne à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. Selon le ministère de la Santé, cette attaque a fait au moins 33 morts, dont 14 enfants. Agé de 41 ans, Hasan Suboh travaillait pour MSF depuis 2019. Il était marié et père de sept enfants.
En décembre 2024, nous apprenions le décès de Bilal Okal, tué par les forces israéliennes à Jabaliya, dans le nord de Gaza, avec dix membres de sa famille. Ils s'étaient réfugiés dans leur immeuble après avoir été pris au piège dans une zone assiégée et pilonnée par les forces israéliennes. MSF avait perdu tout contact avec Bilal le 1er décembre 2024.
Le 18 mars 2025, Alaa Abd-Elsalam Ali Okal a été tué par une frappe aérienne israélienne sur l'immeuble dans lequel il vivait à Deir Al Balah, dans le centre de Gaza. Il avait rejoint MSF en tant que blanchisseur en septembre 2024 et jouait un rôle important dans le soutien aux patients de l'hôpital de campagne MSF de Deir Al Balah.
Le 1er avril 2025, MSF a appris la mort brutale de Hussam Al Loulou, tué lors d'une frappe aérienne israélienne, au sud-ouest de Deir Al Balah, à Gaza. Sa femme et sa fille de 28 ans qui se trouvaient avec lui ont également été tuées dans cette attaque. Hussam avait 58 ans, il avait rejoint MSF en décembre 2024 en tant que gardien à l'unité de soins d'urgence de MSF à Khan Younes. Il laisse derrière lui deux fils.
Depuis le début de l’offensive israélienne le 7 octobre 2023, ni MSF, ni aucune organisation humanitaire n’avait la garantie d’être respectée ou protégée à Gaza. Par exemple, un convoi MSF a été la cible d’une attaque en novembre 2023 alors qu’il était clairement identifié et un abri MSF a été attaqué à Al-Mawasi alors même qu’il était aussi clairement identifié avec le logo de l’ONG, provoquant la mort de deux personnes et en blessant six autres.
Les zones soumises à un mécanisme dit de « déconfliction » ont fait l’objet de violations constantes et ne sont manifestement pas fiables. Des attaques des forces israéliennes contre des travailleurs humanitaires et des installations médicales ont été menées en toute impunité. Au moins 418 travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza à la date du 12 avril 2025 (OCHA). Gaza étant sous siège total, les habitants, y compris le personnel MSF, n’ont eu, pendant plus d’un an et demi, nulle part où aller pour échapper aux bombardements. Mener des campagnes de bombardements intensifs dans un environnement enclavé et densément peuplé revient à assumer un niveau très élevé de victimes parmi les civils. Les autorités sanitaires locales font état de plus de 52 400 morts et 118 000 blessés au 30 avril 2025.
+ MSF compte-t-elle maintenir sa présence à Gaza ?
MSF prévoit de maintenir son intervention humanitaire à Gaza, où quelque 1 000 de ses collaborateurs palestiniens sont présents.
Les zones soumises à un mécanisme dit de « déconfliction » ont fait l’objet de violations constantes. Des attaques des forces israéliennes contre des travailleurs humanitaires et des installations médicales ont été menées en toute impunité.
Le meurtre tragique de sept travailleurs humanitaires de World Central Kitchen (WCK) par l’armée israélienne le 1ᵉʳ avril 2024 à Gaza, dans un convoi clairement identifié, n'est malheureusement pas un incident isolé. Dernier exemple en date : le meurtre par les forces israéliennes d’un groupe de secouristes qui tentait de venir en aide à des civils pris dans des bombardements le 23 mars 2025, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Les corps de 15 secouristes et leurs ambulances détruites ont été retrouvés dans une fosse commune le 30 mars. Des preuves rendues publiques ont montré que les secouristes et leurs véhicules étaient clairement identifiables. Israël fait preuve d’un mépris délibéré et répété envers les missions médicales et humanitaires.
Du 7 octobre 2023 à avril 2025, 418 autres travailleurs humanitaires avaient été tués à Gaza, dont onze membres des équipes MSF. Les besoins médicaux et humanitaires à Gaza sont pourtant écrasants et les tentatives concertées visant à paralyser les principaux fournisseurs d’aide humanitaire, tels que l’UNWRA, ont reçu le soutien tacite de plusieurs États à l’échelle internationale.
+ Pouvez-vous renouveler vos stocks ou avez-vous des pénuries ?
Depuis la reprise des attaques israéliennes après le cessez-le-feu et l’imposition d’un blocus total de l’aide humanitaire entre le 2 mars et fin mai 2025, la population Gazaouie est privée de tout accès à la nourriture, à l’eau, aux soins médicaux et aux abris. Depuis fin mai, l'aide autorisée dans la bande de Gaza, largement insuffisante, n'est qu'un écran de fumée alors que le siège se poursuit. La diminution des stocks de carburant limite gravement la capacité de dessalement et de distribution de l'eau. Les centres de santé encore opérationnels – déjà largement insuffisants en nombre et en capacité pour répondre aux besoins de la population – continuent d’être attaqués et voient leurs stocks de médicaments et de fournitures essentielles s’épuiser. Les équipes de MSF à Gaza n'ont pas reçu de ravitaillement depuis 11 semaines (au 14 mai 2025) et se retrouvent confrontées à une pénurie critique de matériel médical vital, comme des compresses et des gants stériles.
Actuellement, nous avons une base arrière en Égypte pour faciliter le transit de nos fournitures internationales, et nous avons une équipe d'urgence d'approvisionnement basée à Amman, par laquelle nous essayons d'envoyer des fournitures à Gaza.
La fermeture du poste frontière de Rafah, à la suite de l'offensive israélienne dans le sud de Gaza au début du mois de mai 2024, associée aux contrôles extrêmement stricts et basés sur des critères opaques, a considérablement congestionné le flux d'aide humanitaire passant par le point d'entrée de Kerem Shalom.
+ MSF s’appuie-t-elle sur les données de morbidité et de mortalité du ministère de la Santé palestinien ?
Le ministère de la Santé local est le seul acteur à disposer d'une vue d'ensemble de la situation dans les hôpitaux de Gaza. Comme d’autres organisations, MSF s'appuie notamment sur les statistiques et les informations sanitaires officielles pour évaluer la situation et comprendre l'ampleur des besoins de la population. Dans le contexte actuel à Gaza, il est impossible de vérifier ces chiffres.
Les plus de 52 400 morts comptabilisés depuis le début de la guerre sont les décès directement liés au conflit. Ils ne prennent donc pas en compte tous les nombreux patients décédés par manque d’accès aux soins, dont l’importance est très difficile à estimer et pour lesquels nous n'avons pas d'éléments de première main. De plus, des milliers de personnes sont officiellement portées disparues. C’est pourquoi, de nombreux observateurs avancent que le nombre de victimes pourrait être largement sous-estimé.
MSF fournit une assistance médicale à Gaza depuis plus de deux décennies. De manière générale, lors des précédentes guerres dans la bande de Gaza, les données fournies par le ministère de la Santé local ont fourni des ordres de grandeur fidèles à la réalité. De nombreux observateurs avancent par ailleurs que le nombre de victimes pourrait être sous-estimé, des milliers de personnes étant officiellement portées disparues à l’heure actuelle.
+ Quelle est la position de MSF sur la situation de l'UNRWA ?
L'interdiction des opérations de l'UNRWA, votée le 28 octobre 2024 par la Knesset (le parlement Israélien), a un impact dévastateur sur la vie des Palestiniens : elle compromet les perspectives de survie des habitants de Gaza et a des conséquences désastreuses en Cisjordanie.
MSF dénonce cette loi, qui se traduit par l’interdiction d’une grande partie de l’aide vitale pour les Palestiniens et aggrave une situation humanitaire déjà catastrophique. L’UNRWA était le plus grand pourvoyeur de soins à Gaza, où plus de la moitié des habitants dépendaient de ses services, notamment pour le traitement des maladies chroniques, la santé maternelle et infantile ou la vaccination. Chaque jour, les équipes médicales de l'UNWRA assuraient plus de 15 000 consultations dans la bande de Gaza.
Ce vote vient s'ajouter aux innombrables obstacles physiques et bureaucratiques imposés par Israël pour limiter l'entrée de l’aide à Gaza. Il contredit les affirmations du gouvernement israélien selon lesquelles il facilite le déploiement de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza. Cette loi va également à l’encontre des demandes formulées par la Cour internationale de justice le 26 janvier 2025. Depuis la reprise des attaques israéliennes le 18 mars 2025, et l’imposition d’un blocus total de l’aide humanitaire entre le 2 mars et fin mai 2025, la population Gazaouie était privée de tout accès à la nourriture, à l’eau, aux soins médicaux et aux abris. Depuis fin mai, l'aide autorisée à entrer dans la bande de Gaza, largement insuffisante, n'est qu'un écran de fumée alors que le siège se poursuit.
La communauté internationale, et en particulier les alliés d’Israël, doivent faire pression sur le gouvernement israélien afin d’obtenir un déploiement de l’aide humanitaire sans entraves et à la hauteur des besoins.
+ Clarification au sujet du tweet sur le bombardement de l’hôpital Al-Ahli Arab du 17 octobre 2023
Bien que nous ayons immédiatement attribué à Israël la responsabilité du bombardement sur l’hôpital de Al-Ahli Arab qui s’est produit le 17 octobre 2023 en fin de journée à Gaza, entraînant la mort de plusieurs centaines de personnes, il est impossible pour MSF de dire avec certitude qui en est responsable. Seule une enquête indépendante permettra de l’établir.
Entre le 12 et le 17 octobre 2023, les autorités israéliennes ont appelé à plusieurs reprises à l'évacuation des hôpitaux du nord de Gaza, en prévision de possibles bombardements. À cette date, l'OMS avait fait état de 52 attaques contre des structures de santé, et de 26 hôpitaux endommagés à Gaza.
L’hôpital Ahli Arab avait déjà été touché par une attaque le samedi 14 octobre.
Nous appelons au respect des civils et de la mission médicale. Les hôpitaux, les soignants, les ambulances et les patients ne peuvent pas être pris pour cible.
+ Quelle est la position de MSF au sujet des otages retenus par le Hamas ?
MSF n’est pas impliquée dans les négociations pour la libération d’otages, ni à Gaza ni ailleurs dans le monde. Cette activité fait partie notamment du mandat du Comité International de la Croix Rouge et du Croissant Rouge.
Nous comprenons l’émotion et l’angoisse des familles des otages. Nous appelons toutes les parties au conflit à épargner la population civile où qu'elle se trouve. Le 18 octobre 2023, MSF a par ailleurs signé cette pétition, appelant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza, et également à une libération des otages.
Notre communication sur le conflit israélo-palestinien est basée - comme partout ailleurs sur nos terrains d’intervention - sur le témoignage direct issu de notre personnel sur place, des personnes à qui nous apportons des secours, et de leur entourage. Nous témoignons de ce que nous observons et constatons là où nous intervenons, et nous exprimons publiquement nos appels et nos demandes aux belligérants, aux acteurs politiques, et aux autres acteurs de l’aide.
+ Comment pouvez-vous affirmer que les hôpitaux ont été ciblés par l’armée israélienne ?
Les témoignages que nous avons recueillis auprès de notre personnel médical dessinent ce qui relève d’une stratégie militaire assumée ciblant les structures de soin, basée sur l’argument qu’elles seraient utilisées en tant que structure militaire par le Hamas – ce dont les équipes MSF n’ont pas été témoins.
Au cours des premiers mois de la guerre, dans le nord de la bande de Gaza, dans les hôpitaux d’Al-Shifa, Al-Quds et Al-Nasser, où intervenait du personnel MSF, la méthode appliquée par l’armée israélienne a consisté à bombarder lourdement les alentours des structures de santé, rendant impossibles les transferts de patients et l’accès pour les blessés et les civils en quête de soin et de protection. Elle a ensuite encerclé avec ses moyens terrestres les lieux de soins et demandé leur évacuation, alors même que des tirs et des combats actifs continuaient aux alentours. Des patients, des civils et du personnel médical ont été délibérément visés alors qu’ils tentaient parfois de s’en extraire comme il leur avait été demandé.
Les hôpitaux eux-mêmes ont aussi été touchés par des tirs. Le personnel médical s’est bien souvent retrouvé face à un choix impossible : sauver leur vie ou celle de leurs patients. Nous ne pouvons pas établir l’origine de chaque tir ou attaque sur ces hôpitaux. Mais nous savons que certaines attaques sont clairement attribuées à des chars, que seule l’armée israélienne possède. De plus, nous constatons que la stratégie militaire appliquée est similaire d’un hôpital à l’autre.
+ Demandez-vous une enquête sur ces attaques ?
Les attaques sur les centres de santé, les patients et le personnel médical sont inacceptables. Nous estimons qu’il est crucial que les faits et les responsabilités soient établies sur ces événements, et nous pensons qu’il est nécessaire pour cela que des enquêtes indépendantes puissent être menées.
+ Le 18 novembre 2023, un convoi tentant d'évacuer du personnel MSF et des membres de leur familles a été attaqué. De quels éléments MSF disposez-vous à ce sujet ?
MSF avait informé le Hamas et les forces israéliennes de ce mouvement. Les voitures ont emprunté l'itinéraire indiqué par l'armée israélienne. Le convoi a atteint le dernier checkpoint près de Wadi Gaza où une foule attendait de pouvoir passer à ce moment-là, en raison des contrôles de sécurité longs et contraignants effectués par les soldats israéliens. Malgré les informations échangées avec l'armée israélienne, les membres du personnel MSF et leurs familles n'ont pas été autorisés à franchir le checkpoint. Après quelques heures d’attente, ils ont entendu des coups de feu, ce qui les a poussés à faire demi-tour et à retourner dans les locaux de MSF, situés à environ 7 kilomètres du checkpoint. Notre bureau à Jérusalem a informé les autorités israéliennes de la décision du retour de notre équipe dans la ville de Gaza. Sur le chemin du retour, le convoi, composé de cinq voitures, toutes clairement identifiées par des logos de l’organisation, y compris sur leur toit, a été délibérément ciblé par des tirs tuants deux personnes : un infirmier, membre de la famille d’un collègue, qui s’était porté volontaire et qui travaillait aux côtés de nos équipes à l’hôpital Al-Shifa, et qui est décédé immédiatement ; ainsi qu’un membre de la famille d’un autre de nos collègues, qui a succombé à sa blessure le 22 novembre 2023.
+ Pourquoi affirmez-vous que les éléments dont vous disposez au sujet de l'attaque contre votre convoi le 18 novembre 2023 pointent vers la responsabilité de l’armée israélienne ?
Nos collègues présents dans le convoi, dont nous avons recueilli les témoignages, ont vu des véhicules militaires et des soldats israéliens leur tirer dessus alors qu'ils traversaient la ville de Gaza à la suite d'une tentative d'évacuation vers le sud. Les forces israéliennes et le Hamas avaient tous deux autorisé le mouvement d'évacuation. Nous avions également prévenu les forces israéliennes du retour de notre équipe dans la ville de Gaza, car la tentative d’évacuation avait dû être abandonnée, l’armée israélienne n’ayant pas autorisé le passage du convoi au poste de contrôle séparant le nord et le sud de Gaza.
Par ailleurs, l’armée israélienne a affirmé dans un communiqué, partagé avec le Washington Post le 23 novembre 2023, que des militaires étaient présents au moment de l’attaque et qu’ils avaient effectué des tirs de sommation à l’encontre des véhicules MSF. Nous considérons que tous les éléments dont nous disposons pointent vers une responsabilité de l'armée israélienne dans cette attaque meurtrière.