Gaza : nos réponses à vos questions


Médecins Sans Frontières a reçu de nombreuses questions sur ses opérations humanitaires dans le cadre du conflit israélo-palestinien. Vous trouverez ci-dessous nos réponses pour décrypter au mieux nos actions et nos prises de paroles publiques. 
Cette page a été mise à jour pour la dernière fois le 11 avril 2024.

Vue des bureaux de MSF à Gaza
 © Yuna Cho/MSF
Vue des bureaux de MSF à Gaza © Yuna Cho/MSF

La situation humanitaire à Gaza est catastrophique

Les massacres perpétrés par le Hamas le samedi 7 octobre sont d’une ampleur et d’une brutalité inédite dans le conflit israélo-palestinien. Médecins Sans Frontières a offert son soutien aux hôpitaux israéliens, qui l’ont décliné.

La riposte d'Israël se traduit par une campagne ininterrompue de bombardements d’une intensité encore jamais vue sur une zone densément peuplée et enclavée comme Gaza : le nord et le centre de la bande ont pratiquement été effacés de la carte. Un siège complet est également imposé aux quelque 2 millions d’habitants de la bande de Gaza, qui dépendaient déjà à 80 % de l’aide extérieure avant le 7 octobre, dans le contexte d’un blocus imposé par Israël et l’Égypte depuis 2007 sur ce territoire. 

Les habitants de Gaza sont privés de biens essentiels tels que la nourriture, l’eau, les abris, le carburant et l’électricité, ainsi que de soins de santé, en raison du siège inhumain de toute la bande de Gaza, et particulièrement du nord du territoire, par Israël. Jusqu’à présent, les approvisionnements autorisés à rentrer à Gaza ont été négligeables par rapport à des besoins qui ne cessent d’augmenter, à mesure que la population est déplacée vers la frontière égyptienne à Rafah. La malnutrition s’étend, les maladies transmissibles se propagent, l’eau potable est rare, ce qui aggrave les conditions de vie des populations.

En raison du manque d'acheminement de nourriture dans le territoire, la totalité de la population de Gaza (environ 2,3 millions de personnes) a été classée, par l’IPC, en phase de crise en termes d'insécurité alimentaire. Cela se traduit par une malnutrition aiguë élevée, supérieure à la normale. Cela revient à consciemment infliger une punition collective à la population de Gaza, assimilée à une cible légitime.

De nombreux hôpitaux sont hors service et ceux qui parviennent encore à délivrer des soins le font avec une grande difficulté et un accès aux fournitures médicales extrêmement restreint. Les amputations et les opérations chirurgicales sont effectuées sans anesthésie appropriée. Le système de santé est confronté à un effondrement total alors que les rapports des autorités sanitaires locales font état de près de 33 000 morts et plus de 75 000 blessés au 8 avril 2024.

Ces cinq derniers mois, les attaques contre les hôpitaux, les ambulances et le personnel de santé sont devenues systématiques. Selon les autorités sanitaires locales, entre le 7 octobre et le 3 avril, 484 travailleurs de santé ont été tués dans la bande de Gaza et 126 ambulances ont été touchées. À l’hôpital al-Awda, le 21 novembre, deux médecins qui travaillaient pour MSF ont été tués lors d’une frappe, le Dr Mahmoud Abu Nujaila et Dr Ahmad Al Sahar. 

Actuellement, selon l’OMS, seuls 10 hôpitaux, sur les 36 existants dans la bande de Gaza, seraient encore partiellement fonctionnels.

Face à cette catastrophe humanitaire et au constat qu’aucun lieu sûr n’est proposé à la population gazaouie - y compris dans le sud de la bande de Gaza, où elle a été appelée à se déplacer - Médecins Sans Frontières appelle à un cessez-le-feu immédiat et durable, à la levée du siège et à la protection des structures médicales et du personnel médical.

Les activités de MSF

Cela fait 20 ans que des équipes MSF, composées d’expatriés internationaux et de salariés palestiniens, travaillent à Gaza, fournissant des soins médicaux et un soutien au système de santé qui manque cruellement de personnel et de matériel. Avant que la guerre n’éclate, nos équipes intervenaient dans trois hôpitaux (Al-Shifa, Al-Awda et Al Nasser) et plusieurs cliniques ambulatoires, offrant une prise en charge globale aux personnes souffrant de brûlures et de traumatismes. Depuis 2018 et la répression brutale de l’armée israélienne sur les manifestants de la « Marche du retour », nous avons lancé un programme de chirurgie reconstructive dans le nord de Gaza. En Cisjordanie, notre travail inclut l’offre d’une assistance psychologique et psychiatrique pour les personnes touchées par la violence, un soutien aux centres de santé communautaires et aux plans d'intervention d'urgence, ainsi que des soins de santé primaire dispensés par nos cliniques, en plus du soutien à l'hôpital de Jénine.

La capacité de MSF à intervenir à Gaza est cependant aujourd’hui largement réduite (voir plus bas).

Notre témoignage public

Au-delà d’apporter une assistance humanitaire à celles et ceux qui en ont urgemment besoin, témoigner et alerter est l’une des missions que MSF s’assigne.

Notre communication sur le conflit israélo-palestinien est basée - comme partout ailleurs sur nos terrains d’intervention - sur le témoignage direct issu de notre personnel sur place, des personnes à qui nous apportons des secours, et de leur entourage.

Nous témoignons de ce que nous observons et constatons là où nous intervenons, et nous exprimons publiquement nos appels et nos demandes aux belligérants, aux acteurs politiques, et aux autres acteurs de l’aide.

Le personnel de MSF prépare une donation de médicaments pour le ministère de la santé à Gaza suite aux frappes aériennes israéliennes. 8 octobre 2023
 © MSF
Le personnel de MSF prépare une donation de médicaments pour le ministère de la santé à Gaza suite aux frappes aériennes israéliennes. 8 octobre 2023 © MSF

Questions fréquemment posées

+ MSF fournit-elle des soins médicaux en Israël ?

MSF ne gère actuellement aucun programme médical en Israël. Dans tout contexte, nous nous efforçons de répondre aux besoins de santé qui ne sont pas couverts par le système sanitaire du pays. Or, Israël dispose d’un système de santé solide capable de répondre aux plus graves urgences.

MSF a toutefois proposé son soutien aux hôpitaux israéliens qui ont été amenés à traiter un grand nombre de blessés suite aux massacres commis par le Hamas le 7 octobre. Les autorités israéliennes nous ont répondu, en la déclinant.

+ Avez-vous évacué vos équipes de Gaza ?

Après les appels de l’armée israélienne à la population à quitter le nord de la bande de Gaza, l’équipe internationale de MSF déjà présente à Gaza avant le 7 octobre s’est déplacée dans le sud.

Ces 22 membres du personnel international de MSF ont rejoint l’Égypte via le poste-frontière de Rafah le 1ᵉʳ novembre. Une nouvelle équipe MSF de 15 personnes, comprenant une équipe médicale spécialisée, est entrée le 14 novembre dans la bande Gaza et a repris des activités dans le sud du territoire. Depuis, dans le cadre de rotations programmées, nous avons en moyenne entre 15 à 20 staffs internationaux présents à Gaza. 

Nous avons encore quelque 300 collègues palestiniens dans la bande de Gaza. Nous tentons comme nous pouvons de les soutenir et de nous assurer de leur état de santé et de sécurité. Toutefois, les difficultés de communication dues aux coupures d’électricité et de réseau ne nous permettent pas de rester en contact avec tous. Nous savons que certains d’entre eux se sont déplacés vers le sud. D’autres sont restés dans le nord pour continuer à soigner là où ils le peuvent. D’autres encore sont piégés chez eux avec leur famille à cause de l’insécurité permanente.

Depuis le 7 octobre, nous déplorons le décès de cinq collègues. Mohamed Al Ahel, qui était technicien de laboratoire pour MSF depuis deux ans, a été tué avec plusieurs membres de sa famille le 6 novembre, alors qu'il se trouvait chez lui dans le camp de réfugiés d'Al Shate au moment où la zone a été bombardée. Le 21 novembre, deux médecins MSF ont été tués lors d’une frappe sur l’hôpital al-Awda, le Dr Mahmoud Abu Nujaila et le Dr Ahmad Al Sahar. Le 18 novembre 2023, Alaa Al Shawa, un infirmier volontaire travaillant à côté des équipes MSF à l’hôpital Al-Shifa, ainsi qu’un autre membre de familles d’employés de MSF sont décédés suite à une attaque contre un convoi de MSF transportant 137 personnes – des membres palestiniens du personnel MSF et leurs familles - bloquées depuis une semaine sans eau ni nourriture dans les locaux de MSF, situés près de l'hôpital Al-Shifa et tentant de rejoindre le sud de la bande de Gaza. Reem Abu Lebdeh, membre du conseil d'administration de MSF Royaume-Uni et ancienne employée de MSF à Gaza, aurait vraisemblablement été tuée au cours du mois de décembre 2023 avec des membres de sa famille, lors de l'offensive israélienne à Khan Younis.

Dans le contexte actuel de bombardements continus de l’armée israélienne, les civils n’ont plus aucun endroit où se réfugier. Il n’existe pas de « safe space » aujourd’hui pour la population gazaouie. Gaza étant sous siège total, les habitants, y compris le personnel MSF, n’ont nulle part où aller pour échapper aux bombardements. Mener des campagnes de bombardements intensifs dans un environnement enclavé et densément peuplé revient à assumer un niveau très élevé de victimes parmi les civils. Les autorités sanitaires locales font état de près de 33 000 morts et plus de 75 000 blessés au 8 avril 2024.

Les bombardements israéliens se poursuivent activement dans le sud, alors même qu’Israël a demandé à la population de s’y déplacer pour être à l’abri.

+ Quelle est la situation des hôpitaux à Gaza ?

Depuis octobre 2023, les attaques contre les hôpitaux, les ambulances et le personnel de santé sont systématiques. Selon les autorités locales, 406 attaques ont été recensées contre les services de santé et 348 travailleurs de santé ont été tués dans la bande de Gaza au 14 mars 2024.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé, seuls 10 hôpitaux, sur les 36 existants dans la bande de Gaza, sont encore fonctionnels.

+ De quelle manière MSF intervient-elle dans la bande de Gaza aujourd’hui ?

Grâce à la présence de ses équipes sur place, MSF est intervenue immédiatement après le début de l’offensive israélienne le 7 octobre, en faisant don de matériel médical, en essayant de poursuivre ses activités existantes (prise en charge des brûlures et de traumatismes, chirurgie reconstructive) et en proposant son aide aux hôpitaux gazaouis débordés par le nombre de patients. Cependant, l’intensité des bombardements israéliens a rapidement limité la capacité des équipes à se déplacer, et donc à évaluer les besoins et à apporter leur aide.

Plusieurs de nos 300 collègues palestiniens travaillent toujours dans les hôpitaux de Gaza, malgré les attaques qu’ils subissent. Dans le cadre de rotations programmées, nous avons en moyenne entre 15 à 20 staffs internationaux qui mènent des activités médicales sur place.

Dans le nord

L’hôpital Al-Awda est le dernier hôpital principal dans le nord de Gaza et il est à peine fonctionnel. L'établissement a été frappé par des bombardements début octobre et au moins cinq membres du personnel hospitalier, dont deux médecins de MSF, ont été tués alors qu'ils s'occupaient de leurs patients. Le 17 décembre, après de violents combats, les forces israéliennes ont pris le contrôle de l'hôpital et ont ordonné aux hommes de rester à l'intérieur de l'hôpital et de ne pas bouger. Au 5 février, plusieurs membres du personnel MSF y travaillaient encore, de leur propre initiative. L'hôpital est à court de fournitures et de nourriture.

Le 18 mars, l’armée israélienne a lancé une nouvelle attaque sur l’hôpital Al-Shifa. Après 14 jours d’opérations militaires à l’intérieur et autour de l’hôpital, ce dernier a été largement détruit. La clinique MSF, située à proximité de l’hôpital Al-Shifa, a également été lourdement endommagée.

Dans le centre

Le 6 janvier, MSF a dû évacuer l’hôpital d’Al-Aqsa en raison des combats et des ordres d’évacuation, qui ont rendu inaccessible la pharmacie de MSF. Trois membres du personnel soutenu par MSF sont restés sur place, travaillant de manière autonome. Le 6 février, MSF est retournée à Al-Aqsa et a préparé les lieux pour un retour complet aux activités précédentes. Depuis le 7 février, MSF offre de la chirurgie orthopédique et reconstructrice, des soins postopératoires, de la physiothérapie, de la promotion de la santé et un soutien en santé mentale. Au total, 2 498 pansements ont été réalisés entre le 7 février et le 7 mars et 83 % de ces blessures sont des traumatismes liés à la guerre.

Le 10 mars, une équipe MSF a commencé une activité de traitement des blessures et de dépistage de la malnutrition à l’hôpital des Martyrs. Au cours du premier jour d'activités, MSF a soigné 40 blessés et évalué l’état de santé de 40 enfants, dont quatre présentaient une malnutrition aiguë sévère.

Dans le sud

Nasser était le principal centre chirurgical du sud de la bande de Gaza, situé à Khan Younis, et était devenu le plus grand hôpital de Gaza après qu'Al-Shifa a été paralysé par les opérations militaires israéliennes en novembre. Le 23 janvier, la zone entourant Nasser a reçu un ordre d'évacuation, après des semaines de bombardements et de combats intenses. Cela a poussé 90 % du personnel à partir, y compris la plupart du personnel de MSF, même si une poignée d'entre eux ont décidé de rester sur place. Le personnel international MSF est parti le 26 décembre. Après des semaines de combats intenses, le personnel restant de MSF a décrit de graves pénuries, des lits aux anesthésiques, en passant par le carburant, la nourriture et l'eau. Le 13 février, les forces israéliennes ont donné un ordre d'évacuation aux personnes déplacées qui habitaient autour et dans l'hôpital, précisant que le personnel médical et les patients pouvaient rester, à raison d'un soignant par patient. Cependant, deux jours plus tard, le personnel MSF restant a été contraint de fuir et d'abandonner les patients après qu'un obus tiré par l’armée israélienne a frappé le service d'orthopédie aux premières heures du 15 février, faisant un mort et huit blessés. De nombreux membres du personnel soignant ont été arrêtés par l’armée israélienne, dont un collègue MSF, relâché depuis, après près de 50 jours de détention. Aujourd’hui, cet hôpital est complètement hors service.

MSF soutient le service ambulatoire de l’Hôpital indonésien de Rafah, et offre des soins postopératoires aux personnes souffrant de blessures liées à la guerre, avec des changements de pansements et de la physiothérapie. Ces activités permettent d’accueillir des patients des hôpitaux Européen et An-Najar, et ainsi de soulager les équipes sur place. Les activités pour les patients hospitalisés ont été étendues à 60 lits en janvier avec une salle d'intervention pour réaliser de petites interventions chirurgicales (greffe de peau, débridement, retrait des fixateurs externes). Les activités ambulatoires se déroulent désormais 6 jours sur 7 avec environ 150 consultations par jour.

MSF soutient la maternité de l’hôpital Émirati en fournissant du matériel médical et du personnel comprenant notamment des gynécologues et des infirmières travaillant 24 heures sur 24. L'équipe MSF propose des soins post-partum et prend en charge les complications de la grossesse, tandis que les accouchements sont gérés par l'équipe de l'hôpital Émirati. Les équipes ont construit une extension de la maternité sur le parking de l’hôpital pour augmenter la capacité du service post-partum à 26 lits, à compter du 10 mars, permettant ainsi à davantage de patientes de bénéficier d’un suivi adéquat après l’accouchement. En février, l'équipe a effectué 1 144 admissions, pour la plupart des femmes en post-partum ou après césarienne.

Le 9 décembre, MSF a repris son travail à la clinique Al-Shaboura à Rafah, augmentant progressivement ses activités. L'équipe MSF, composée de 36 membres, fournit des services ambulatoires, notamment des vaccinations, des services de santé reproductive, des pansements, des services de santé mentale comprenant des premiers secours psychologiques, des séances individuelles et familiales, ainsi que des activités de psychoéducation et de promotion de la santé. MSF effectue également un dépistage systématique de la malnutrition chez les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes et allaitantes. Entre janvier et février 2024, l’équipe a assuré plus de 21 600 consultations médicales, plus de 1 700 consultations prénatales et plus de 770 séances de soutien individuel et familial en santé mentale. 

Fin janvier, MSF a ouvert une clinique de soins de santé primaires dans deux camions à Al-Mawasi. Entre janvier et mars, l’équipe a réalisé 12 927 consultations. Les services médicaux comprennent les consultations de médecine généraliste, les soins prénatals et postnatals, la santé mentale, la physiothérapie, le changement de pansements et le dépistage de la malnutrition pour les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes et allaitantes. Au 7 mars, 1 603 personnes avaient été dépistées pour malnutrition, 0,7 % présentaient une malnutrition aiguë sévère et 5,7 % une malnutrition aiguë modérée. Les équipes MSF tiennent également un poste de santé à Al-Mawasi qui propose les mêmes services.

Les équipes MSF soutiennent deux points de distribution d'eau près du poste de santé d'Al-Mawasi et dans le camp informel de personnes déplacées à proximité. La distribution a débuté le 30 janvier et 15 200 litres d'eau ont été distribués à 5 067 personnes, soit près de 3 litres par personne et par jour.

Au 14 mars, les équipes MSF chargées de l'eau et de l'assainissement fournissaient en moyenne 220 000 litres d'eau propre et salubre par jour à plus de 40 000 personnes dans neuf sites de Rafah (environ 5 litres d'eau par personne et par jour). Compte tenu des immenses besoins, la quantité d’eau distribuée n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan.


+ MSF compte-t-elle maintenir sa présence à Gaza ? 

Le meurtre tragique de sept travailleurs humanitaires de World Central Kitchen (WCK) par l’armée israélienne le 1ᵉʳ avril à Gaza, dans un convoi clairement identifié, n'est malheureusement pas un incident isolé. Israël fait preuve d’un mépris délibéré et répété envers les missions médicales et humanitaires. Plus de 200 autres travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza, dont cinq membres des équipes MSF. 

MSF prévoit de maintenir son intervention humanitaire à Gaza, où quelque 300 de ses collaborateurs palestiniens sont présents, et continuera d'évaluer jour après jour la situation sécuritaire et les risques qu’encourent ses équipes, comme elle le fait depuis le début de cette guerre. 

Les zones ou mécanismes dits de « déconfliction » ont fait l’objet de violations constantes et ne sont manifestement pas fiables. Des attaques des forces israéliennes contre des travailleurs humanitaires et des installations médicales ont été menées en toute impunité. 

Les besoins médicaux et humanitaires à Gaza sont pourtant écrasants et les tentatives concertées visant à paralyser les principaux fournisseurs d’aide humanitaire, tels que l’UNWRA et maintenant WCK, ont reçu le soutien tacite de plusieurs États à l’échelle internationale.

+ MSF s’appuie-t-elle sur les données de morbidité et de mortalité du ministère de la Santé palestinien ?

Le ministère de la Santé local est le seul acteur à disposer d'une vue d'ensemble de la situation dans les hôpitaux de Gaza. Comme d’autres organisations, MSF s'appuie notamment sur les statistiques et les informations sanitaires officielles pour évaluer la situation et comprendre l'ampleur des besoins de la population.

MSF fournit une assistance médicale à Gaza depuis plus de deux décennies. De manière générale, lors des précédentes guerres dans la bande de Gaza, les données fournies par le ministère de la Santé local ont fourni des ordres de grandeur fidèles à la réalité.  Dans le contexte actuel à Gaza, il est impossible de vérifier ces chiffres, mais de nombreux observateurs avancent que le nombre de victimes pourrait être sous-estimé, des milliers de personnes étant officiellement portées disparues à l’heure actuelle. 

+ Est-ce que MSF a pu constater la présence de combattants du Hamas au sein des hôpitaux de la bande de Gaza ? 

MSF ne dispose d’aucune information directe indiquant que les combattants du Hamas utilisent les hôpitaux de la bande de Gaza. 

Il est également important de comprendre, pour les cas particuliers des hôpitaux Al-Shifa et Nasser, détruits et mis hors service par l’armée israélienne, que les équipes MSF ne travaillaient que dans une partie seulement de ces grands complexes. 

D’autre part, MSF travaille depuis de nombreuses années dans la bande de Gaza, en coordination avec le ministère de la Santé, qui fait partie de l’administration civile du Hamas. À Gaza comme dans tous nos autres contextes d’intervention , la coordination avec les autorités sanitaires locales est essentielle à la bonne conduite des interventions de l’association.

+ Quelle est la position de MSF sur la situation de l'UNRWA ?

MSF dénonce la décision de plusieurs pays de suspendre leurs financements à l'UNRWA. Cette agence des Nations Unies apporte une aide vitale à des millions de Palestiniens dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et dans la région.

Ces réductions de financement contredisent les demandes émises par la Cour internationale de Justice le 26 janvier, portant sur l'acheminement d'une aide humanitaire suffisante à la population gazaouie. Dans la bande de Gaza, la crise humanitaire a atteint des niveaux catastrophiques. Les organisations humanitaires peinent déjà à répondre ne serait-ce qu'à une fraction des besoins urgents de la population. Toute réduction de l'aide entraînera davantage de morts et de souffrances. MSF continue d'appeler à un cessez-le-feu immédiat et durable et à la levée du siège pour permettre l'augmentation et la continuité de l'approvisionnement humanitaire à Gaza pour les quelque 2,2 millions de personnes dans l'enclave.

+ Que pense MSF de l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza par voie aérienne ?

L’aide humanitaire, notamment alimentaire, manque cruellement à Gaza. Néanmoins, la livraison aérienne de nourriture ne peut en aucun cas remplacer un flux terrestre constant d’aide pour répondre aux besoins immenses de la population. D’autre part, ce mode de distribution peut être dangereux : le 8 mars, cinq personnes ont été tuées et dix autres blessées à Gaza après avoir été heurtées par un chargement aérien dont le parachute ne s’est pas déployé correctement.

D’après l’expérience de MSF, les parachutages d’aide humanitaire sont notoirement inefficaces et ne constituent en aucun cas une solution adéquate au manque d’aide humanitaire à laquelle est confrontée la population de Gaza.

L’urgence est qu’Israël autorise l’entrée d’une aide vitale à grande échelle à Gaza. Les États-Unis et les autres pays impliqués dans les largages aériens devraient également veiller à ce qu’Israël mette fin à ses obstructions et à ses attaques contre l’acheminement de l’aide. Au lieu de cela, au cours des derniers mois, les États-Unis ont opposé leur veto à trois résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu, pourtant le seul moyen d’assurer une véritable augmentation de l’aide d’urgence à destination des Gazaouis. MSF réitère son appel à un cessez-le-feu immédiat et durable pour mettre fin au massacre de milliers de civils supplémentaires et permettre l’acheminement de l’aide humanitaire dont ils ont désespérément besoin.

+ Que pense MSF de l’annonce de la mise en place d’un corridor humanitaire naval vers Gaza ?

Le 8 mars 2024, les États-Unis ont publié une déclaration conjointe avec la Commission européenne, la République de Chypre, les Émirats arabes unis et le Royaume-Uni annonçant l'activation d'un « corridor maritime » pour acheminer l'aide humanitaire à Gaza.

Cette annonce, ainsi que le projet américain de créer un port temporaire à Gaza pour accroître le flux d’aide humanitaire, n’est pour MSF qu’un écran de fumée. Le vrai problème réside dans la campagne militaire aveugle et disproportionnée d’Israël et son siège inhumain. La nourriture, l’eau et les fournitures médicales dont les habitants de Gaza ont désespérément besoin se trouvent juste de l’autre côté de la frontière, bloquées par Israël en Égypte

Il ne s'agit pas d'un problème de logistique, mais d’un problème politique. Plutôt que de compter sur l’armée américaine pour trouver une solution de contournement, les États-Unis devraient insister sur le rétablissement d’un réel accès humanitaire immédiat en utilisant les routes et les points d’entrée qui existent déjà. Au cours des derniers mois, les États-Unis ont opposé leur veto à trois résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu, pourtant le seul moyen d’assurer une véritable augmentation de l’aide d’urgence à destination des gazaouis. MSF réitère son appel à un cessez-le-feu immédiat et durable pour mettre fin au massacre de milliers de civils supplémentaires et permettre l’acheminement de l’aide humanitaire dont ils ont désespérément besoin.

+ Quelle est la position de MSF sur le massacre du 29 février lors d’une distribution d’aide alimentaire ?

Le 29 février 2024, plus de 100 Palestiniens ont été tués et 750 blessés, selon les autorités sanitaires locales, lorsque les forces israéliennes auraient ouvert le feu sur une foule de personnes tentant d'accéder à de la nourriture.

Les équipes MSF n’étaient pas présentes lors de cet événement déplorable. Cependant, MSF est très au fait de la situation catastrophique qui règne à Gaza, en particulier dans le nord. Les membres des équipes MSF sur place ont relaté une situation terrible, et notamment le fait qu’ils étaient forcés de manger de la nourriture pour animaux afin de survivre, en plus du manque d’eau et de sa qualité médiocre, ce qui est vecteur de maladies. 

Ce massacre du 19 février est la conséquence directe d’une série de choix irresponsables opérés par les autorités israéliennes en menant cette guerre : des bombardements incessants, un siège imposé sur la bande de Gaza, des obstacles administratifs et sécuritaires aux distributions dans le nord, la destruction systématique des moyens de subsistance, comme la possibilité de cultiver, d’élever des animaux et de pêcher.

MSF considère qu’Israël est responsable du dénuement extrême et du désespoir qui prévalent à Gaza, en particulier dans le nord, et qui ont conduit aux événements tragiques du 29 février.

+ Pouvez-vous renouveler vos stocks ou avez-vous des pénuries ?

Nous faisons face à des contraintes significatives pour le renouvellement de nos stocks puisque la bande de Gaza est en état de siège.

Les hôpitaux du ministère de la Santé rapportent des ruptures de nombreux médicaments et matériels médicaux. Nos collègues rapportent des pénuries d’anti-douleur et nous parlent de blessés et patients qui hurlent de douleur, ainsi que d’interventions chirurgicales réalisées avec des demi-doses d’anesthésiants. 

Nous travaillons en collaboration avec l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Croissant-Rouge égyptien (CRE) pour faciliter l’entrée d’un maximum de fournitures à Gaza le plus vite possible. Cependant, la situation reste difficile et l'organisation de ces livraisons dépend également de négociations plus larges concernant l'accès aux fournitures humanitaires, ainsi que de la coordination avec les autorités sanitaires de Gaza.

Le siège complet de la bande de Gaza imposé par le gouvernement israélien provoque des effets catastrophiques, car la situation était déjà très précaire en termes humanitaires et en termes d'accès aux biens essentiels et aux médicaments. La réponse du gouvernement israélien aux attaques du Hamas ne peut pas être de priver d’aide et d’accès aux biens de première nécessité toute la population de Gaza, ce qui revient à considérer tous ses habitants comme des combattants.

En particulier, l’accès à l’eau potable est particulièrement compromis aujourd'hui à Gaza, à cause notamment des pénuries en carburant. Mais l’accès à la nourriture et aux médicaments est également très précaire. En raison du manque d'acheminement de nourriture dans le territoire, la totalité de la population de Gaza (environ 2,3 millions de personnes) a été classée, par l’IPC, en phase de crise en termes d'insécurité alimentaire. Cela se traduit par une malnutrition aiguë élevée, supérieure à la normale. 

Les coupures d'électricité mettent à rude épreuve la capacité des hôpitaux à prendre en charge les blessés et les patients. Et faute de carburant, ils ne pourront pas assurer le fonctionnement des générateurs.

MSF demande que l’aide humanitaire dont la population a urgemment besoin puisse être acheminée de toute urgence à Gaza.

+ Est-il vrai que les Israéliens préviennent la population de Gaza avant de frapper ?

Israël a annoncé, lors de cette offensive comme lors des précédentes, prévenir systématiquement par sms, via les réseaux sociaux, par téléphone, ou autres moyens de communication, les habitants d’un quartier qui va être bombardé. Nous avons cependant constaté que ce n’est pas toujours le cas. Et même si des alertes continuent à être diffusées par les autorités israéliennes, elles sont difficilement accessibles aux habitants de Gaza : en raison des fréquentes coupures d’électricité et de réseau, l’usage des téléphones portables et de tout autre moyen de communication reste extrêmement limité.

De façon générale, ce genre de messages laissent très peu de temps aux gens pour fuir. Mener des campagnes de bombardements intensifs dans un environnement enclavé et densément peuplé revient à assumer un niveau très élevé de victimes parmi les civils. Ce sont, de fait, des bombardements indiscriminés.

Depuis jeudi 12 octobre, l’armée israélienne a appelé la population à quitter le nord de la bande de Gaza et à se déplacer dans le sud, pour sa sécurité. Cependant, même le sud, présenté par Israël comme un lieu sûr, est bombardé. Actuellement, plus aucun endroit n'est sûr pour les civils dans la bande de Gaza. MSF demande la mise en place de toute urgence de cessez-le-feu et la définition de lieux sécurisés et épargnés par les bombardements dans la bande de Gaza.

+ Clarification au sujet du tweet sur le bombardement de l’hôpital Al-Ahli Arab

Bien que nous ayons immédiatement attribué à Israël la responsabilité du bombardement sur l’hôpital de Al-Ahli Arab qui s’est produit le 17 octobre en fin de journée à Gaza, entraînant la mort de plusieurs centaines de personnes, il est impossible pour MSF de dire avec certitude qui en est responsable. Seule une enquête indépendante permettra de l’établir.

Entre le 12 et le 17 octobre, les autorités israéliennes ont appelé à plusieurs reprises à l'évacuation des hôpitaux du nord de Gaza, en prévision de possibles bombardements. À cette date, l'OMS avait fait état de 52 attaques contre des structures de santé, et de 26 hôpitaux endommagés à Gaza. L’hôpital Ahli Arab avait déjà été touché par une attaque le samedi 14 octobre.

Nous appelons au respect des civils et de la mission médicale. Les hôpitaux, les soignants, les ambulances et les patients ne peuvent pas être pris pour cible.

+ Que se passe-t-il en Cisjordanie ?

Des affrontements ont éclaté dans presque toutes les villes de Cisjordanie, notamment à Hébron, Ramallah et Naplouse. Entre début octobre et le 1ᵉʳ mars, les Nations unies ont rapporté la mort de plus de 409 Palestiniens en Cisjordanie, dont 103 enfants, tandis qu’on recensait plus de 4 600 blessés, dont 709 enfants. 370 attaques de colons contre des Palestiniens, qui ont fait des victimes ou des dégâts matériels, ont été recensées. L’OMS a recensé 406 attaques sur des structures de santé en Cisjordanie, dont 259 ont fait obstacle à la fourniture de soins de santé, 196 ont donné lieu à des violences physiques à l'encontre des équipes de santé, 61 ont entraîné la détention de personnel de santé ou d'ambulances et 70 ont donné lieu à des fouilles armées d'ambulances.

Le 14 décembre, en pleine journée, un adolescent de 16 ans a été abattu dans l’enceinte de l’hôpital Khalil Suleiman, à Jénine, par les forces israéliennes après les avoir simplement invectivées verbalement. Il était non armé et ne représentait aucun danger imminent. Les faits se sont déroulés sous les yeux de l’un de nos employés qui a assisté à la scène. Malgré leurs efforts, les médecins sur place n’ont pas pu lui sauver la vie.

Dans le camp de réfugiés de Jénine, MSF est intervenue deux fois après une attaque aérienne le 25 octobre et une incursion israélienne le 27 octobre. Dans les deux cas, de nombreux blessés dans un état grave ont été pris en charge à l'hôpital. Le 27 octobre, une ambulance a également été la cible de tirs alors qu'elle tentait de secourir des blessés. Nous avons fait don de médicaments et d'équipements à sept centres de soins de santé primaires pour les accouchements d'urgence, anticipant le fait que les routes seront bloquées et que les femmes qui accouchent ne pourront pas se rendre à l'hôpital. Les équipes MSF soutiennent actuellement les urgences des hôpitaux du ministère de la Santé des gouvernorats de Jénine (hôpital Khalil Suleiman) et de Tulkarem (hôpital Thabet Thabet).

L'équipe MSF à Hébron est en contact avec le ministère de la Santé et les hôpitaux de Cisjordanie pour évaluer quotidiennement leurs besoins. En raison des restrictions de mouvement et de la violence, MSF a progressivement élargi sa réponse pour fournir des soins de santé aux personnes n’ayant plus accès aux structures médicales. Les équipes de cliniques mobiles de MSF travaillent à l'extérieur et à l'intérieur de la vieille ville d'Hébron, ainsi que dans les villages isolés de Masafer Yatta, dans le sud de la Cisjordanie. 

À Naplouse et à Qaqliliya, nos équipes continuent de fournir des activités de santé mentale malgré des circonstances très difficiles. MSF est présente dans les territoires palestiniens occupés depuis 1989.

+ Clarification au sujet de l’assassinat d’un jeune palestinien dans l’enceinte de l’hôpital Khalil Suleiman en Cisjordanie

Le 14 décembre, en pleine journée, un adolescent de 16 ans a été abattu dans l’enceinte de l’hôpital Khalil Suleiman, à Jénine par les forces israéliennes après les avoir simplement invectivés verbalement. Il était non armé et ne représentait aucun danger imminent. Les faits se sont déroulés sous les yeux de l’un de nos employés qui a assisté à la scène . Malgré leurs efforts, les médecins sur place n’ont pas pu lui sauver la vie.

+ Que demande MSF ?

- Un cessez-le-feu immédiat et durable afin d'éviter d'autres morts à Gaza, de rétablir et d'augmenter le flux d'aide humanitaire dont dépend la survie de la population de Gaza.

- À tous les dirigeants et chefs d’États, et notamment aux États-Unis, à la France, au Royaume-Uni, au Canada, à l'Union européenne, à la Ligue des États arabes et aux États membres de l'Organisation de la coopération islamique, d'exercer toute leur influence sur Israël pour obtenir un cessez-le-feu et arrêter le massacre en cours à Gaza. Depuis le 8 décembre, les États-Unis ont opposé trois fois leur véto lors d’un vote du Conseil de sécurité des Nations unies sur la question d'un cessez-le-feu immédiat. En faisant cela, les États-Unis ont délibérément voté contre l'humanité. Ils se sont également abstenus lors du vote sur la résolution de cessez-le-feu du 25 mars 2024, adoptée par le Conseil de sécurité.

Nous appelons aussi au respect de la mission médicale. Les hôpitaux, les soignants, les ambulances et les patients ne peuvent pas être pris pour cible.

Nous appelons ce que les personnes qui souhaitent fuir puissent le faire par le point de passage de Rafah. Médecins Sans Frontières demande que ses collaborateurs palestiniens qui souhaitent partir puissent être évacués.

Nous constatons des pénuries de fournitures médicales essentielles dans les hôpitaux. Il est urgent de faciliter l’entrée massive de matériel médical et de médicaments dans la bande de Gaza. Avant le 7 octobre, entre 300 et 500 camions d'approvisionnement entraient chaque jour à Gaza, où la majeure partie de la population dépendait déjà de l’aide humanitaire. Après un blocus total jusqu’au 20 octobre, jamais plus de 240 camions ne sont rentrés en une journée dans Gaza, une réponse largement insuffisante face aux besoins immenses de la population.

Nous appelons également de toute urgence au rétablissement d’un accès à l’eau potable suffisant et immédiat pour la population de la bande de Gaza.

+ Quelle est la position de MSF au sujet des otages retenus par le Hamas?

MSF n’est pas impliquée dans les négociations pour la libération d’otages, ni à Gaza ni ailleurs dans le monde. Cette activité fait partie notamment du mandat du Comité International de la Croix Rouge et du Croissant Rouge. Nous comprenons l’émotion et l’angoisse des familles des otages. Nous appelons toutes les parties au conflit à épargner la population civile où qu'elle se trouve. Le 18 octobre, MSF a par ailleurs signé cette pétition, appelant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza, et également à une libération des otages.

Notre communication sur le conflit israélo-palestinien est basée - comme partout ailleurs sur nos terrains d’intervention - sur le témoignage direct issu de notre personnel sur place, des personnes à qui nous apportons des secours, et de leur entourage. Nous témoignons de ce que nous observons et constatons là où nous intervenons, et nous exprimons publiquement nos appels et nos demandes aux belligérants, aux acteurs politiques, et aux autres acteurs de l’aide.

+ Que signifie être une organisation médicale humanitaire indépendante et impartiale ?

MSF fournit des soins médicaux à toute personne qui en a besoin, sans distinction de race, de religion ou d'affiliation politique. Nous appelons toutes les parties au conflit à assurer la sécurité des civils, des installations médicales et du personnel. Les hôpitaux doivent rester un sanctuaire pour les personnes en quête de soins.

+ Quelles informations avez-vous sur la présence du Hamas et des otages à l’hôpital Al-Shifa ?

Nous sommes conscients des allégations d'Israël concernant la présence d'un centre de commandement du Hamas sous l'hôpital Al-Shifa et dans les établissements de santé en général. MSF ne dispose pas d'informations sur cette présence : nos équipes ont travaillé pour fournir des soins de santé et ont en revanche vu l'hôpital déborder de patients et de civils déplacés cherchant à s'abriter des bombes. Nous avons été profondément alarmés par ces allégations, car nous savions que les opérations militaires menées à l'intérieur ou aux alentours de l'hôpital constitueraient une menace directe pour les centaines de patients, le personnel médical et les milliers de civils hébergés à Al-Shifa. Les hôpitaux, le personnel médical et les patients doivent être respectés en toutes circonstances.

Depuis que nous travaillons à Al Shifa, nous n'avons jamais eu connaissance de la présence d'armes à l'intérieur de l'hôpital. Nous savons que lorsque les forces israéliennes sont entrées dans le bâtiment, des centaines de patients, de membres du personnel médical et de personnes déplacées se trouvaient encore à l'intérieur.

Concernant la vidéo diffusée par l’armée israélienne montrant que des otages du Hamas ont été emmenés à l’hôpital Al-Shifa, nous n'avions pas connaissance de la détention ou du passage d'otages à Al-Shifa pour recevoir des soins. Il est également important de considérer que le nombre de personnels MSF travaillant à l’hôpital Al-Shifa - qui est constitué de plusieurs bâtiments séparés, et abrite des centaines de lits - a été extrêmement réduit à partir du 7 octobre, en raison notamment de l’insécurité et de la difficulté à se déplacer. Notre travail en tant que médecins est de fournir des soins de santé à toutes les personnes qui en ont besoin. C'est un principe fondamental de l'éthique médicale et, conformément à ces principes, MSF fournit des soins médicaux dans le meilleur intérêt des patients et sans agir sous la contrainte.

+ Que répondez-vous aux accusations de complicité avec le Hamas ?

Nous avons pris connaissance d'un document qui accuse MSF de complicité avec le Hamas. Cette allégation n’est pas seulement fausse, mais également irresponsable et dangereuse dans le cadre d’une guerre où le personnel médical et humanitaire a déjà payé un lourd tribut. Le document en question est un montage grossier visant à décrédibiliser la parole et le travail de Médecins Sans Frontières, dans un contexte où elle est l’un des rares acteurs médicaux indépendants présents sur place à rendre compte de l’horreur de cette guerre.

+ Comment pouvez-vous affirmer que les hôpitaux ont été ciblés par l’armée israélienne ? 

Les témoignages que nous avons recueillis auprès de notre personnel médical dessinent ce qui relève d’une stratégie militaire assumée ciblant les structures de soin, basée sur l’argument qu’elles seraient utilisées en tant que structure militaire par le Hamas – ce dont les équipes MSF n’ont pas été témoins directs. Dans le nord de la bande de Gaza, dans les hôpitaux d’Al-Shifa, Al-Quds et Al-Nasser, où intervenait du personnel MSF, la méthode appliquée par l’armée israélienne a consisté à bombarder lourdement les alentours des structures de santé rendant impossibles les transferts de patients et l’accès pour les blessés et les civils en quête de soin et de protection. Elle a ensuite encerclé avec ses moyens terrestres les lieux de soins et demandé leur évacuation, alors même que des tirs et des combats actifs continuaient aux alentours. Des patients, des civils et du personnel médical ont été délibérément visés alors qu’ils tentaient parfois de s’en extraire comme il leur avait été demandé. Les hôpitaux eux-mêmes ont aussi été touchés par des tirs. Le personnel médical s’est bien souvent retrouvé face à un choix impossible : sauver leur vie ou celle de leurs patients. Nous ne pouvons pas établir l’origine de chaque tir ou attaque sur ces hôpitaux. Mais nous savons que certaines attaques sont clairement attribuées à des chars, que seule l’armée israélienne possède. De plus, nous constatons que la stratégie militaire appliquée est similaire d’un hôpital à l’autre. 

+ Pouvez-vous faire confiance à votre personnel sur place ? 

Nous faisons confiance à nos 300 personnels palestiniens, et nous les soutenons. Certains d'entre eux travaillent avec MSF depuis le début des activités médicales à Gaza il y a plus de vingt ans. Ils ont décrit de la même manière différentes attaques menées par l'armée israélienne, à des dates différentes, dans des hôpitaux différents, ce qui corrobore le caractère méthodique de ces attaques. Nous avons par ailleurs vérifié avec d’autres collègues, et quand c’est possible avec des sources tierces et des éléments déjà publics, certaines informations afin d’établir avec certitude les lieux et les dates mentionnés par notre personnel. 

+ Demandez-vous une enquête sur ces attaques ? 

Les attaques sur les centres de santé, les patients et le personnel médical sont inacceptables. Nous estimons qu’il est crucial que les faits et les responsabilités soient établies sur ces événements, et nous pensons qu’il est nécessaire pour cela que des enquêtes indépendantes puissent être menées. 

+ Le 18 novembre, un convoi tentant d'évacuer du personnel MSF et des membres de leur familles a été attaqué. De quels éléments MSF disposez-vous à ce sujet ? 

MSF avait informé le Hamas et les forces israéliennes de ce mouvement. Les voitures ont emprunté l'itinéraire indiqué par l'armée israélienne. Le convoi a atteint le dernier checkpoint près de Wadi Gaza où une foule attendait de pouvoir passer à ce moment-là, en raison des contrôles de sécurité longs et contraignants effectués par les soldats israéliens. Malgré les informations échangées avec l'armée israélienne, les membres du personnel MSF et leurs familles n'ont pas été autorisés à franchir le checkpoint. Après quelques heures d’attente, ils ont entendu des coups de feu, ce qui les a poussés à faire demi-tour et à retourner dans les locaux de MSF, situés à environ 7 kilomètres du checkpoint. Notre bureau à Jérusalem a informé les autorités israéliennes de la décision du retour de notre équipe dans la ville de Gaza. Sur le chemin du retour, le convoi, composé de cinq voitures, toutes clairement identifiées par des logos de l’organisation, y compris sur leur toit, a été délibérément ciblé par des tirs tuants deux personnes : un infirmier, membre de la famille d’un collègue, qui s’était porté volontaire et qui travaillait aux côtés de nos équipes à l’hôpital Al-Shifa, et qui est décédé immédiatement ; ainsi qu’un membre de la famille d’un autre de nos collègues, qui a succombé à sa blessure le 22 novembre. 

+ Pourquoi affirmez-vous que les éléments dont vous disposez au sujet de l'attaque contre votre convoi le 18 novembre pointent vers la responsabilité de l’armée israélienne ? 

Nos collègues présents dans le convoi, dont nous avons recueilli les témoignages, ont vu des véhicules militaires et des soldats israéliens leur tirer dessus alors qu'ils traversaient la ville de Gaza à la suite d'une tentative d'évacuation vers le sud. Par ailleurs, l’armée israélienne a affirmé dans un communiqué, partagé avec le Washington Post le 23 novembre, que des militaires étaient présents au moment de l’attaque et qu’ils avaient effectué des tirs de sommation à l’encontre des véhicules MSF. Nous considérons que tous les éléments dont nous disposons pointent vers une responsabilité de l'armée israélienne dans cette attaque meurtrière. 

+ Vous aviez précédemment déclaré que vous n'étiez pas en mesure d'identifier les auteurs de cette attaque : pourquoi ce changement ? Pourquoi avoir attendu jusqu'à aujourd'hui pour attribuer les attaques aux forces israéliennes ? 

Notre analyse de l'incident a évolué au fur et à mesure que de nouvelles informations devenaient disponibles et que nous étions en mesure de discuter avec nos collègues et de recueillir leurs témoignages, une fois qu'ils ont été évacués vers le sud de Gaza. Dans les jours qui ont suivi l'incident, notre priorité était de nous assurer que nos collègues étaient en sécurité et qu'ils pouvaient être évacués vers le sud, ce qui a pu finalement être fait le 24 novembre. Il a été également difficile d'avoir une communication stable dans le contexte qui prévalait à Gaza avant la trêve du 24 novembre.

+ Cette tentative d'évacuation a-t-elle été autorisée par les parties au conflit ? 

Les forces israéliennes et le Hamas avaient tous deux autorisé le mouvement d'évacuation. Nous avions également prévenu les forces israéliennes du retour de notre équipe dans la ville de Gaza, car l'évacuation avait été abandonnée.

+ Pouvez-vous préciser qui sont les deux personnes tuées lors de l'attaque du 18 novembre (dont l'une a succombé à ses blessures quelques jours plus tard) ? 

Ces deux personnes étaient des membres de la famille de notre personnel. Nous déplorons leur perte et présentons à nouveau nos condoléances à leurs proches. L'un d'entre eux, Alaa al Shawa, était également infirmier bénévole au sein des équipes de MSF à l'hôpital Al-Shifa, travaillant aux côtés de nos collègues pour soutenir la population de Gaza à un moment où elle en avait désespérément besoin.