Soudan du Sud : le système de santé menacé d’effondrement alors que la violence s’intensifie selon un rapport de MSF
Communiqué de presse
La population du Soudan du Sud est confrontée à une détérioration de la situation humanitaire, tandis que l'intérêt et le soutien internationaux continuent de décliner, selon un nouveau rapport intitulé « Left Behind in Crisis: Escalating Violence and Healthcare Collapse in South Sudan » (Laissés pour compte dans la crise : escalade de la violence et effondrement des soins de santé au Soudan du Sud) publié par Médecins Sans Frontières (MSF).
S'appuyant sur des données médicales ainsi que sur des témoignages de patients, d'accompagnants de patients, de membres de la communauté et de personnel de santé vivant dans les zones où MSF intervient, ce rapport rend compte d'un système de santé défaillant et d'une réponse humanitaire insuffisante et de leur impact sur la population.
La situation au Soudan du Sud, déjà parmi les plus critiques au monde en termes de besoins médicaux, s'est considérablement détériorée cette année et le système de santé atteint ses limites. Les bailleurs internationaux doivent respecter leurs engagements en matière de soutien aux efforts sanitaires et humanitaires, et les lacunes des programmes existants doivent être comblées de toute urgence.
« La situation dans le pays est catastrophique. Partout où MSF intervient, nos équipes constatent d'énormes lacunes dans les services de santé. Les structures sanitaires sont soit hors service, soit gravement sous-équipées. Les pénuries chroniques de médicaments et de personnel font que des personnes meurent de maladies évitables et traitables. Les structures sanitaires ont besoin d'un soutien sur le terrain, pas sur le papier », explique le Dr Sigrid Lamberg, responsable des opérations de terrain de MSF au Soudan du Sud.
Cette année, les violences entre les forces gouvernementales et celles de l'opposition, ainsi que les groupes armés non étatiques, ont fortement augmenté, marquant la pire escalade depuis la signature de l'accord de paix de 2018. L'escalade de la violence, les attaques contre les établissements de santé par toutes les parties au conflit et les restrictions d'accès entravent encore davantage la fourniture de soins de santé et d'aide humanitaire. Selon l'ONU, depuis janvier, de nouvelles vagues de violence ont déplacé plus de 320 000 personnes et fait 2 000 morts.
L'année 2025 a également été marquée par une forte augmentation des attaques contre les structures de santé par toutes les parties au conflit. MSF a à elle seule subi huit attaques ciblées contre ses installations et son personnel dans les États de l'Équatoria central, de Jonglei et du Haut-Nil, ce qui a contraint à la fermeture de deux hôpitaux à Ulang et Old Fangak. Le 3 décembre, une structure a été touché par une frappe aérienne dans la ville de Pieri, dans l'État de Jonglei. Le même jour, après Pieri, les équipes de MSF ont été témoins d'autres frappes aériennes à Lankien, où MSF gère également des établissements de santé.
Les communautés sont confrontées à de multiples crises qui se combinent : conflit, déplacements massifs, inondations, malnutrition et épidémies, notamment la plus grande épidémie de choléra de l'histoire du pays. Cependant, l'aide internationale a continué de diminuer en 2025, malgré la détérioration des conditions de vie et de l'accès aux services essentiels.
Le paludisme reste la principale cause de morbidité et de mortalité au Soudan du Sud, en particulier chez les femmes et les enfants. Le pays a pourtant connu des ruptures de stock de médicaments antipaludiques à l'échelle nationale pendant le pic saisonnier, pour la deuxième année consécutive. Sans traitement rapide, le paludisme peut rapidement devenir mortel. Entre janvier et septembre 2025, les équipes de MSF ont traité 6 680 personnes atteintes de paludisme grave qui ont dû être hospitalisées.
Le projet de transformation du secteur de la santé (HSTP), une initiative multi-donateurs lancée en juillet 2024, reste le principal vecteur de prestation de soins de santé au Soudan du Sud. Dirigé par le gouvernement en collaboration avec l'OMS, l'UNICEF et d'autres partenaires, le projet visait à l'origine à soutenir 1 158 établissements de santé dans 10 États et trois zones administratives. Mais en raison de contraintes financières, seuls 816 établissements sont actuellement soutenus dans le cadre du programme, et sont tout-de-même confrontés à des pénuries persistantes de médicaments et de personnel.
Il faut au minimum garantir la livraison en temps voulu des médicaments essentiels, du matériel et des salaires des travailleurs de la santé. Dans un contexte d'escalade de la violence, l'accès humanitaire, la protection des civils et le respect des établissements de santé doivent être garantis. MSF appelle également le gouvernement du Soudan du Sud à augmenter le budget national de la santé conformément à son engagement pris dans la Déclaration d'Abuja d'allouer 15 % du budget à la santé. Actuellement, seulement 1,3 % du budget national est alloué à la santé.