MSF alerte sur les conséquences des coupes budgétaires qui menacent la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

Une pile de tests utilisés en une heure de dépistage, à l’hôpital de Mayen Abun au Soudan du Sud en pleine saison du paludisme. La majorité des cas sont positifs, certains présentant des formes sévères de la maladie.
Une pile de tests utilisés en une heure de dépistage, à l’hôpital de Mayen Abun au Soudan du Sud en pleine saison du paludisme. La majorité des cas sont positifs, certains présentant des formes sévères de la maladie. Octobre 2024 © Paula Casado Aguirregabiria/MSF

Les efforts mondiaux pour lutter contre trois des maladies infectieuses mortelles et parmi les plus répandues au monde — le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme — sont aujourd'hui menacés en raison de coupes drastiques des financements de la santé mondiale, alerte Médecins Sans Frontières (MSF). En tant que deuxième plus gros financeur, MSF exhorte la France à maintenir son soutien essentiel au Fonds mondial, alors qu’elle n’a toujours pas annoncé son engagement pour le prochain cycle de financement triennal prévu le 21 novembre à Johannesburg, en Afrique du Sud, de même que les Etats-Unis.

En janvier 2025, les États-Unis, qui étaient auparavant le plus grand pays financeur des programmes de santé dans le monde, ont annoncé la suspension et la révision de tout leur système d’aide internationale. Depuis lors, près de 3 milliards de dollars sur les 6 milliards qu'ils s'étaient engagés à verser au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme pour la période 2023-2025 n'ont toujours pas été versés.  

Le Fonds mondial joue depuis longtemps un rôle fondamental dans le soutien aux systèmes de santé fragiles en Afrique, en Asie, en Amérique latine et ailleurs. Ses subventions permettent de négocier et d’acheter des médicaments et des tests de dépistage, de rémunérer les professionnels de santé et de soutenir les efforts de prévention des maladies. Sans engagements substantiels dans les semaines et les mois à venir, les progrès réalisés depuis des décennies dans la réduction de la prévalence de ces maladies et des morts qui en découlent pourraient être réduits à néant. 

MSF, qui fournit chaque année des soins médicaux à des dizaines de milliers de patients atteints du VIH ou de la tuberculose et à plus de 3 millions de personnes atteintes du paludisme, est profondément préoccupée par l'impact dévastateur de l'affaiblissement du soutien au Fonds mondial. Bien que le travail de MSF ne soit pas financé par ce Fonds, des centaines d'organisations de santé communautaire qui dépendent de son soutien réduisent actuellement leurs projets en raison de l'incertitude financière et des coupes budgétaires imminentes. 

« Les conséquences sont déjà visibles », a déclaré Antonio Flores, conseiller pour le VIH et la tuberculose chez MSF. « Au Honduras, les coupes budgétaires brutales du PEPFAR ont mis un terme aux programmes de prévention et de soins du VIH. Du jour au lendemain, les patients ont perdu leur accès à la prophylaxie pré-exposition (PrEP) et les travailleurs de la santé ont perdu leur emploi. Nous voyons désormais des patients revenir avec des infections opportunistes à un stade avancé. » 

Malgré les progrès médicaux, le VIH continue de causer environ 1,3 million de nouvelles infections et plus de 600 000 décès chaque année. Les organisations communautaires soutenues par le Fonds mondial se sont révélées très efficaces pour améliorer les résultats en matière de prévention et de traitement. Leurs progrès ne doivent pas être compromis, alors que des solutions innovantes et efficaces étaient à l’œuvre. 

La nouvelle forme de PrEP injectable offre en effet une protection prometteuse aux personnes à haut risque d'infection par le VIH, mais, par exemple au Malawi, les efforts nationaux de déploiement à grande échelle ont été interrompus en raison de la réduction du financement américain. Les travailleurs et travailleuses du sexe dans ce pays sont confrontés à des taux de prévalence du VIH avoisinant les 60 %. 

La tuberculose cause environ 1,5 million de décès par an. Grâce aux efforts du Fonds mondial et de la Réunion de haut niveau des Nations unies sur la tuberculose, moins de cas échappent au dépistage. Mais au Soudan, MSF a constaté que le matériel de dépistage de la tuberculose restait inutilisé en raison du manque de personnel qualifié. En Biélorussie, les recherches sur la tuberculose résistante aux médicaments, soutenues par MSF et le Fonds mondial, ont récemment été interrompues en raison d'un financement insuffisant. 

Le paludisme reste la principale cause de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans dans les pays endémiques. Les équipes de MSF en République centrafricaine, au Soudan du Sud et en République démocratique du Congo signalent des pénuries fréquentes de tests diagnostiques et de médicaments, ainsi que des établissements en sous-effectif, avec des conséquences mortelles pour les jeunes patients. 

L'idée selon laquelle la mobilisation des ressources nationales peut remplacer le financement mondial de la santé n'est pas viable dans de nombreux endroits où MSF intervient. Comme le souligne le récent rapport de MSF, Deadly Gaps, le coût des soins incombe de plus en plus aux patients qui n'ont pas les moyens de se soigner. 

« Des programmes entiers ont été interrompus : en conséquence, les patients ne sont plus suivis, l'observance des traitements s'affaiblit et des données empiriques indiquent une augmentation des décès inexpliqués », a ajouté le directeur national de Youth Alive Liberia, soulignant le besoin urgent d'un soutien international durable. 

La lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme est un défi mondial, et elle est loin d'être achevée. 

Notes

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