Ukraine : dans des villages meurtris par la guerre, des volontaires s'engagent pour assurer la continuité des soins

Une consulation lors d'une clinique mobile MSF dans le village de Pervomaiske. Ukraine. 2023
Une consulation lors d'une clinique mobile MSF dans le village de Pervomaiske. Ukraine. 2023 © Laurel Chor

À l’aide de cliniques mobiles, les équipes MSF travaillent dans de nombreuses localités du sud-est de l'Ukraine, longtemps inaccessibles en raison de l’occupation russe ou de leur proximité avec la ligne de front. Sur place, les destructions, notamment des structures de santé, sont massives. Les équipes MSF s’appuient sur un réseau de volontaires locaux pour apporter des soins à une population qui en a été privée pendant des mois. Récits de vie dans trois villages frappés de plein fouet par la guerre.

Les forces russes n'ont jamais pris le contrôle de ce petit village qui comptait quelque 2 000 habitants avant mars 2022. Puis, une pluie deroquettes s’est mise à tomber à tomber chaque jour sur Posad-Pokrovske. « Nous avons pris quelques valises et nos chiens, et nous sommes allés à Mykolaïv », raconte Valeriy, le mari de Natalia. Le couple n'est revenu à Posad-Pokrovske qu'en novembre, peu de temps après la contre-offensive qui a permis aux forces armées ukrainiennes de reprendre le contrôle de la région de Kherson.

Centres de santé détruits

Les forces russes n'ont jamais pris le contrôle de ce petit village qui comptait quelque 2 000 habitants avant mars 2022. Puis, les roquettes se sont mises à tomber chaque jour sur Posad-Pokrovske. « Nous avons pris quelques valises et nos chiens, et nous sommes allés à Mykolaïv », raconte Valeriy, le mari de Natalia. Le couple n'est revenu à Posad-Pokrovske qu'en novembre, peu de temps après la contre-offensive qui a permis aux forces armées ukrainiennes de reprendre le contrôle de la région de Kherson.

Vue du centre de santé du village de Posad-Pokrovske. Ukraine. Février 2023. 
 © Laurel Chor
Vue du centre de santé du village de Posad-Pokrovske. Ukraine. Février 2023.  © Laurel Chor

Le 17 novembre, une équipe de Médecins Sans Frontières s’est rendue dans le village pour la première fois. Sur place, elle n’a trouvé qu’une vingtaine de personnes et aucun bâtiment public en état d’accueillir une clinique mobile. Le seul établissement de santé avait été frappé par les bombardements, et les rares salles qui tenaient encore debout étaient inutilisables. « C’était impossible d’organiser les consultations dans le bâtiment, explique Robin Ehret, coordinateur de projet MSF. Auparavant, c’était une clinique, mais les lieux n’avaient pas été sécurisés. Elle était détruite et nous ne savions pas s’il y avait encore des munitions non explosées à l’intérieur. »

Natalia et Valeriy dans leur maison du village de Posad-Pokrovske. Ukraine. Février 2023.
 © Laurel Chor
Natalia et Valeriy dans leur maison du village de Posad-Pokrovske. Ukraine. Février 2023. © Laurel Chor

Une habitante leur a alors donné les coordonnées de Natalia, en pensant qu’elle pourrait accueillir les consultations médicales et de santé mentale chez elle. « Il n'y avait pas de réseau, il était donc très difficile pour nous de la contacter, se souvient Robin Ehret. À un moment donné, nous avons réussi à la joindre brièvement. Elle nous a dit qu'elle allait mettre le feu à des pneus de voiture pour que nous puissions identifier sa position. Sans bénévoles locaux, nous ne pourrions pas mener nos activités comme nous le faisons. » C’est ainsi que les équipes MSF ont pu organiser leurs consultations dans la chambre de Natalia et Valeryi.

Continuité des soins

Un peu plus au nord-est, dans la localité de Myroliubviak, c’est grâce à l’engagement de quelques personnes que l’accès aux soins a pu être maintenu. Lorsque les forces armées russes ont pris le village au printemps dernier, Tetiana et sa famille ont décidé de rester. Ils avaient peur d’être bombardés s’ils rejoignaient un convoi d’évacuation. La jeune femme de 28 ans, alors secrétaire médicale dans la clinique locale, a continué à travailler avec un médecin généraliste, une aide-soignante et un chauffeur.

Une infirmière du village de Pervomaiske montre aux équipes MSF les images de son tracteur en feu après un bombardement. Ukraine. Février 2023.
 © Laurel Chor
Une infirmière du village de Pervomaiske montre aux équipes MSF les images de son tracteur en feu après un bombardement. Ukraine. Février 2023. © Laurel Chor

Pendant des mois, elle a assuré des tâches qui allaient bien au-delà de ses fonctions. « J’ai dû réaliser des injections intramusculaires et j’ai même retiré des points de suture. J’avais peur, mais nous devions aider ces personnes », explique Tetiana. Quant aux médicaments, ils étaient quasiment inaccessibles durant cette période. « [Les soldats russes] les vendaient dans la rue, mais les gens n'avaient pas les moyens d'en acheter », déplore-t-elle.

Le centre de santé (à gauche) du village de Myroliubivka dans lequel Tetiana (à droite) travaille. Ukraine. Février 2023.
 © Laurel Chor
Le centre de santé (à gauche) du village de Myroliubivka dans lequel Tetiana (à droite) travaille. Ukraine. Février 2023. © Laurel Chor

Le retour de l’aide humanitaire

Début novembre, les forces ukrainiennes ont repris le village de Tetiana. Peu de temps après, une équipe MSF est arrivée à Myroliubivka pour fournir des consultations et distribuer des médicaments gratuitement. Aujourd'hui, Tetiana et ses collègues aident les équipes MSF à organiser les cliniques mobiles. Ils informent les habitants des prochaines visites MSF. « Nous publions des messages sur les réseaux sociaux, explique Tetiana. Nous faisons aussi passer le message dans la rue. C'est comme ça qu'on arrive à faire venir les gens. »

Les équipes MSF se rendent également toutes les trois semaines dans le village d’Iryna, Blahodatne, occupé par les forces armées russes pendant des mois. « Pendant toute cette période, le village n’a reçu aucune aide humanitaire, à part quelques petites choses au tout début, explique Iryna. De plus, nous n’avons pas eu d’électricité entre le 15 mars 2022 et le 16 janvier 2023. »

L'hôtel de ville de Blahodatne (à gauche) et une bénévole dans le centre des volontaires du village (à droite). Ukraine. Février 2023.
 © Laurel Chor
L'hôtel de ville de Blahodatne (à gauche) et une bénévole dans le centre des volontaires du village (à droite). Ukraine. Février 2023. © Laurel Chor

Iryna faisait partie des quelque 170 habitants sur 800 qui n’avaient pas pu ou voulu quitter leur village. Passé un certain temps, elle avait tout de même insisté pour que ses enfants rejoignent une autre ville. « Ma petite-fille est née le 1er janvier 2022, raconte Iryna. Nous avons dû l’emmener plusieurs fois avec nous dans la cave, à cause des menaces de bombardement. Un bébé de deux mois dans une cave… Je leur ai dit de partir. L'une des maisons du village a été frappée deux fois à 40 jours d’écart. La première fois, le mari est mort. La deuxième fois, c’est sa femme. »

Iryna dans son village en février 2023. Ukraine.
 © Laurel Chor
Iryna dans son village en février 2023. Ukraine. © Laurel Chor

En l’absence de médecin, les volontaires du village, dont faisait partie Iryna, se sont organisés pour tenter de récupérer des médicaments et faire soigner les blessés. « Les seuls colis qu’on recevait provenaient de personnes qui avaient quitté le village et avaient réussi à nous envoyer quelque chose, explique-t-elle. On ne savait pas quand les bombardements pouvaient commencer, alors pour pouvoir me déplacer rapidement, j’utilisais un vélo. »

En novembre 2022, le médecin de famille d’Iryna, qui habitait dans une autre ville, a réussi à entrer en contact avec MSF et l’a appelée. « Il m’a dit que des équipes MSF allaient venir dans notre région, et qu’il allait leur donner mon numéro de téléphone, explique-t-elle. Il fallait que je leur fasse visiter le village et que je leur dise où se trouvent les personnes malades. Les habitants commencent à revenir. Nous sommes 350 désormais. Et MSF apporte des médicaments et nous fournit de l’aide. C’est parfait. »

À lire aussi