Soudan du Sud : 10 ans d’indépendance et de violences quasi ininterrompues

Un gardien à l'hôpital d'Aweil dans lequel les équipes MSF travaillent.
Un gardien à l'hôpital d'Aweil dans lequel les équipes de MSF travaillent. © Peter Bauza

Malgré un cessez-le-feu et un accord de partage du pouvoir mis en place en février 2020, les populations du Soudan du Sud, lequel vient de célébrer les dix ans de son indépendance, sont toujours en proie à des niveaux de violence extrêmes. Les équipes MSF, qui travaillaient déjà dans ces zones, ont été témoins, et parfois victimes, des deux décennies de conflit qui ont précédé l’indépendance, avant que la guerre civile n’éclate de nouveau en 2013.

Malgré les urgences humanitaires qui touchaient de nombreuses régions du Soudan, les affrontements intercommunautaires récurrents et la reprise du conflit dans des zones frontalières, l'indépendance du Soudan du Sud a d’abord ouvert une courte période de relative accalmie. Pourtant, moins de deux ans après l’indépendance, la guerre civile s’est propagée dans tout le pays à la faveur des affrontements entre deux groupes armés qui se partageaient le pouvoir jusque-là, ravivant ainsi les tensions intercommunautaires.

Espoirs évanouis

« Après ces 22 ans de guerre civile, l'indépendance a été déclarée en 2011. Toute la population était dans la joie. Nous étions heureux parce qu'un nouveau pays était né... mais tout cet espoir et ces rêves se sont soudainement évanouis », un membre du personnel MSF, Yambio, août 2019.

Violence extrême

Ce conflit, qui a duré plus de six ans, a entraîné près de 400 000 décès, dont beaucoup sont le résultat de ciblages ethniques de civils, notamment d'enfants et de personnes âgées. Les cas de violences sexuelles se sont multipliés, avec des attaques systématiques à motivation ethnique et politique.

Certaines des violences les plus extrêmes ont été menées dans des lieux de refuge et de sanctuaire, notamment des hôpitaux publics, où des patients et des personnes cherchant un abri ont été tués lors de séries d'attaques brutales. Des millions de personnes ont été déplacées, souvent à plusieurs reprises, à l'intérieur et à l'extérieur du Soudan du Sud. Cela comprend des centaines de milliers de personnes qui se sont installées dans des sites de protection des civils (PoC), à l'intérieur des bases de la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (MINUSS).

Violence contre les structures et le personnel MSF

Depuis 2011, 56 attaques ont été commises contre des structures ou des activités gérées par MSF. 24 membres du personnel sud-soudanais de MSF ont été tués, dont cinq alors qu'ils étaient en service. Tous les patients, le personnel de MSF et les communautés où les équipes interviennent ont été touchés directement et indirectement par les conflits et la violence.

© Peter Bauza

Dans tout le pays, les populations ont été sujettes à la destruction, au déplacement, à la maladie et à la mort. La violence perturbe l'accès aux soins de santé, y compris à la vaccination de routine, tout en augmentant le risque de transmission de maladies et d'insécurité alimentaire.

MSF a été témoin des échecs répétés pour garantir des conditions de vie dignes aux personnes hébergées dans les camps de réfugiés, les sites de protection des civils ou de personnes déplacées. Ces personnes, qui ont fui le conflit et les massacres, ont, à maintes reprises, été forcées de vivre dans des conditions déplorables.

Le camp de protection des civils de Bentiu en septembre 2017. Environ 115 000 personnes déplacées par la guerre vivent désormais sur ce site.
 © Peter Bauza
Le camp de protection des civils de Bentiu en septembre 2017. Environ 115 000 personnes déplacées par la guerre vivent désormais sur ce site. © Peter Bauza

Les équipes MSF ont parfois enregistré trois à cinq décès d’enfants par jour, dus à des maladies évitables, comme le paludisme, dans différents camps de réfugiés et sites de protection des civils, ou quand des maladies comme la rougeole, l’hépatite C ou le choléra se sont propagées dans les populations de certaines régions.

Santé mentale

Des millions de personnes au Soudan du Sud ont été exposées à plusieurs reprises à des événements traumatisants. MSF a été témoin d'une augmentation des tentatives de suicide et a travaillé avec des patients aux prises avec un trouble de stress post-traumatique.

Vivre dans la peur

« La chose la plus difficile en tant que Sud-Soudanais, c'est la peur. Les gens dorment dans la peur. Donc cela crée beaucoup de traumatismes parce que les gens ne sont pas libres malgré l’indépendance », un membre du personnel MSF, Mundri, août 2019.

L'impact des conflits prolongés et des crises humanitaires répétées au Soudan du Sud est aggravé par un système de santé faible, chroniquement sous-financé, détruit dans de nombreuses régions et largement négligé dans d'autres.

En 2020, sur environ 2 300 établissements de santé, plus de 1 300 étaient non fonctionnels. Moins de la moitié (44 %) de la population totale et seulement 32 % des personnes déplacées à l'intérieur du pays vivent à moins de cinq kilomètres d'un établissement de santé fonctionnel.

Crises humanitaires persistantes

Malgré un accord de paix en 2018 qui a mis fin à cinq ans de guerre civile et la formation d'un gouvernement unifié au début de l'année 2020, la situation reste instable dans de nombreuses régions. En 2019, le Soudan du Sud a connu une résurgence de conflits internes et de combats entre factions, qui se sont  intensifiés en 2020 et 2021.

Aujourd'hui, 8,3 millions de personnes, soit plus des deux tiers de la population – auraient un besoin urgent d'assistance et de protection humanitaires. Près de 2,2 millions de Sud-Soudanais se sont réfugiés dans les pays voisins. Plus de 1,6 million de personnes sont encore déplacées à l'intérieur du pays. Le Soudan du Sud reste l'un des pays d’action prioritaire pour MSF.

 

À lire aussi