Sahel : soigner les traumatismes des populations affectées par les violences au Burkina Faso

Des familles de personnes déplacées à Fada, dans l'est du Burkina Faso.
Des familles de personnes déplacées à Fada, dans l'est du Burkina Faso. © MSF

En deux ans, les attaques répétées des groupes armés dans le nord et l'est du Burkina Faso ont forcé plus d'un million de personnes à fuir leur foyer. En raison d'une intensification des violences, la moitié de ces déplacements de population ont eu lieu depuis le début de l'année. Les équipes MSF accompagnent les victimes et les témoins des affrontements en fournissant notamment des soins de santé mentale. 

Les assassinats, les enlèvements et les pillages sont désormais monnaie courante dans cette région, l'une des plus touchées par le conflit armé qui oppose les forces de sécurité nationales et les différents groupes armés. En juillet, après que des hommes armés ont tué des membres de la communauté de Fondioga, dans l'est du Burkina Faso, ainsi que des habitants des villages alentours, O.K.*, un homme âgé de 45 ans, s'est enfui avec sa famille dans la ville voisine de Matiacoli, à 25 km de là.  Il raconte : « Nous avons réalisé que si nous restions, ils tueraient tout le monde. Nous avons donc fui avec nos femmes, nos enfants et nos parents. Nous avons laissé nos biens et nos animaux derrière nous. Nous ne savons pas s'ils seront encore là quand nous rentrerons chez nous. Ici, nous n'avons rien du tout. C'est épuisant, nous sommes inquiets en permanence. »

La plupart des déplacés vivent dans des conditions précaires : l'accès à l'eau et à la nourriture sont limités, les abris ne sont pas adaptés et l'offre de soins de santé est très restreinte. Les populations vivent dans la crainte constante de nouvelles attaques. Pendant la saison des pluies, actuellement en cours, les personnes déplacées et les communautés d'accueil sont confrontées à des défis supplémentaires, comme la recrudescence des cas de paludisme et de malnutrition.  

 

 

 
 © MSF
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Depuis fin 2019, les équipes MSF ont commencé des activités liées à la santé mentale dans l'est du Burkina Faso pour soulager les souffrances psychologiques des personnes touchées par le conflit. Beaucoup de nos patients présentent des symptômes de dépression, d'anxiété ou de stress post-traumatique.

« Les personnes qui ont été témoins d'une attaque violente développent souvent un traumatisme. Ils se posent d'abord cette question : "Pourquoi est-ce que cela m'arrive à moi ?". Puis, ils se sentent coupables parce qu'ils ont survécu ou parce qu'ils n'ont pas pu sauver les autres. Ils souffrent encore davantage lorsqu'ils sont contraints de fuir leur maison », explique Issaka Dahila, psychologue chez MSF.

 

Une structure de santé soutenue par MSF à Fada, dans l'est du Burkina Faso. 2020. 

 
 © MSF
Une structure de santé soutenue par MSF à Fada, dans l'est du Burkina Faso. 2020.    © MSF

Face à la violence et au déplacement, les gens réagissent et s'adaptent de différentes manières. Certains développent des mécanismes d'adaptation grâce au soutien de la famille ou de la communauté. D'autres répriment leurs émotions et tentent de les contenir. « Nous voyons les personnes qui arrivent des jours, des semaines, voire des mois plus tard, avec des sentiments persistants comme la tristesse, la peur, le déni ou la colère. Certains disent qu'ils ne valent rien », explique le psychologue.

D'autres ont du mal à se projeter dans le futur et veulent même mettre fin à leur vie. Cet été, une jeune mère d'un garçon d'un an s'est suicidée après que des hommes ont attaqué son village et tué son mari. « La décision de mettre fin à sa vie est le résultat d'une souffrance psychologique importante qu'une personne ne peut plus contenir », poursuit Issaka Dahila.

La prévalence des troubles mentaux augmente dans les situations de conflit : environ 5 % des personnes concernées développent des troubles mentaux graves et 17 % des troubles légers ou modérés. « Pendant les premières consultations, les symptômes sont souvent de nature somatique, comme des problèmes de sommeil, des maux de tête, un rythme cardiaque plus fort, etc. En général, les personnes savent mieux identifier les problèmes physiques que les problèmes psychologiques et émotionnels », confie Issaka Dahila. 

L'équipe de santé mentale de MSF offre un certain nombre de services, dont des séances individuelles, familiales et de groupe, au cours desquelles des spécialistes se concentrent sur les mécanismes d'adaptation et le renforcement de la résilience. Pour les personnes qui ont vécu un événement traumatique, des premiers secours psychologiques – une technique conçue pour réduire l'apparition d’éventuels troubles psychologiques – sont également proposés. De juillet à septembre, 128 personnes ont participé aux consultations individuelles et 4391 aux séances de groupe.

Si la difficulté d'accès aux services psychologiques dans les zones reculées et peu sûres est déjà un défi, celui-ci est renforcé par la stigmatisation associée aux problèmes de santé mentale au Burkina Faso.

 

* Le prénom a été modifié

 

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