Tchad : une campagne innovante pour mieux protéger les enfants contre le paludisme

Tchad : une campagne innovante pour mieux protéger les enfants contre le paludisme
À Moissala, des familles attendent que leurs enfants soient vaccinés contre le paludisme et puissent recevoir une chimioprévention saisonnière. © Léa Gillabert/MSF

À Moïssala, dans la région du Mandoul dans le sud du pays, les autorités sanitaires tchadiennes et les équipes de Médecins Sans Frontières conduisent cette année une campagne de prévention du paludisme innovante. Le vaccin contre le paludisme R21/Matrix-M™ a désormais été ajouté à la campagne saisonnière de prévention du paludisme menée chaque année. L’objectif est double : mieux protéger les enfants et, à travers une étude comparative, déterminer l’approche la plus efficace pour déployer ces nouvelles armes de la lutte contre le paludisme à grande échelle dans les zones à forte transmission saisonnière.

La mortalité liée au paludisme a reculé de près de 50% au début des années 2000, notamment grâce à des tests de diagnostic plus rapides, une meilleure disponibilité des traitements ainsi qu’au développement de programmes de prévention, dont la chimioprévention du paludisme saisonnier (CPS) et l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticides. Cependant, la mortalité demeure extrêmement élevée en Afrique, principalement chez les jeunes enfants. Selon le dernier rapport sur le paludisme de l’OMS, près de 600 000 décès ont été causés par le paludisme en 2023, l'Afrique restant la région la plus touchée, enregistrant 95 % des décès. Parmi les victimes, 76% sont des enfants de moins de cinq ans. Comme le rappelle le Dr Kouchakbe Manikassé, directeur de l’hôpital de Moïssala, « les formes graves de paludisme peuvent conduire à des états critiques, anémies, coma, convulsions, complications respiratoires, hépatiques et rénales, avec à long terme de possibles impacts sur le développement cognitif ». L’unité pédiatrique de cet hôpital de district voit « le nombre d’enfants ayant besoin de soins hospitaliers multiplié par quatre ou cinq chaque année au moment du pic saisonnier » qui s’étend de juin à octobre.

L’arrivée de deux vaccins antipaludiques, recommandés par l’OMS depuis fin 2023, a apporté des perspectives prometteuses face à ce fléau. Les vaccins RTS,S et R21 sont aujourd’hui intégrés à la lutte contre le paludisme d’une vingtaine de pays d’Afrique, dont le Tchad. Ils sont administrés en quatre doses aux enfants à partir de cinq mois et agissent contre le P. falciparum, le parasite du paludisme le plus répandu et le plus meurtrier. Lors des essais cliniques, les deux vaccins ont permis de réduire de plus de 50% le nombre de cas de paludisme au cours de la première année suivant la vaccination. Le vaccin R21 a même réduit de 75% le nombre de cas détectés par les tests rapides dans les zones à forte transmission saisonnière du paludisme où une chimioprévention du paludisme était assurée, selon l’OMS. Selon Élodie Aché, mère de deux enfants, âgés respectivement de cinq mois et de deux ans, ce nouveau vaccin « est un très bon système ». Elle raconte : « Plusieurs membres de ma famille ont eu le paludisme, dont mes deux enfants. Les enfants atteints du paludisme font des convulsions et nous devons aller au centre de santé pour les soigner ». Comment déployer le vaccin à plus grande échelle en conditions réelles représente aujourd’hui un enjeu majeur.

C’est pour tenter d’y faire face que les autorités sanitaires tchadiennes et MSF mènent une étude à Moïssala. En associant l’administration du vaccin R21 à la CPS cette année, les équipes comparent cette stratégie par rapport à l’intégration de R21 dans le programme de vaccination de routine (PEV). L’objectif est d’évaluer l’efficacité en termes de réduction du nombre de cas, mais aussi d’évaluer la couverture vaccinale, le respect du schéma vaccinal, l’acceptabilité, la faisabilité opérationnelle et le rapport coût-efficacité de ces deux approches. Pour le Dr San-Maurice OUATTARA, épidémiologiste MSF (Epicentre), « combiner CPS et vaccination en une seule campagne pourrait permettre d’améliorer la couverture de la troisième dose ainsi que celle de rappel en offrant une protection optimale durant la saison des pluies ».

Si la vaccination peut changer la donne, les autres activités de prévention et l’accès à un diagnostic et des soins rapides demeurent essentiels dans la lutte contre le paludisme. La campagne CPS et vaccination se déroule à Moïssala de juin à octobre. L’année dernière, elle avait touché 145 000 enfants.

Notes

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