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Rohingyas : après deux ans d’exil au Bangladesh, quel avenir pour les réfugiés?

Rohingyas: après deux ans d’exil au Bangladesh, quel avenir pour les réfugiés?
Les camps de réfugiés rohingyas de Cox's Bazar, au Bangladesh. © Vincenzo Livieri

Près d’un million de réfugiés rohingyas vivent au Bangladesh, deux ans après le début des violences contre cette communauté au Myanmar. Médecins Sans Frontières apporte une assistance aux réfugiés vivant dans les camps de Cox’s Bazar, où la situation sanitaire et les conditions de vie restent précaires. 

Il y a deux ans, Rashida a survécu à un viol et assisté au meurtre de son nouveau-né, avant de fuir au Myanmar. Elle a traversé la frontière avec le Bangladesh et est arrivée dans les camps de Cox’s Bazar, qui abritent des milliers de réfugiés rohingyas.

Deux ans après, elle reste hantée par les violences de son passé, et les conditions de vie sinistres dans le camp ne l’aident pas à retrouver une vie normale. « Chaque jour, je me demande comment je vais faire pour survivre, et jusqu’à quand. Quand est-ce que je pourrais revivre dans ma maison ? » s’interroge cette jeune femme de 27 ans, assise sur le sol en ciment de sa hutte de bambou, recouverte de bâches en plastique.

En 2017, nous avions déjà interviewé Rashida, alors qu’elle venait d’arriver à Cox’s Bazar. À l’époque, la blessure au cou qui lui avait été infligée à l’arme blanche durant son viol dans le village de Tula Toli était encore visible. Elle n’avait pas pu retenir ses larmes lorsqu’elle avait raconté comment les forces de sécurité birmanes avaient attaqué son village et fracassé sous ses yeux le crâne de son fils d’un mois. Elle avait également décrit la façon dont elle était restée allongée, faisant croire qu’elle était morte, après avoir été attaquée au couteau. Autour d’elle gisaient les corps d’autres villageois, rohingyas eux-aussi, tués le même jour.
 

Portrait de Rashida.
 © Mohammad Ghannam/MSF
Portrait de Rashida. © Mohammad Ghannam/MSF

Quand Rashida est arrivée à Cox’s Bazar, elle était marquée physiquement et psychologiquement par cette attaque. Mais elle était également soulagée de s’en être sortie et d’avoir retrouvé son mari après avoir été séparés dans leur fuite. 

« Je me souviens encore de ce que j’ai ressenti quand j’ai retrouvé Mohammad, j’ai eu le sentiment de revenir à la vie, raconte Rashida. Sa principale source de bonheur, aujourd’hui, c’est sa fille de dix mois, Harisah, qui est née dans le camp. Je veux lui offrir une vie meilleure, elle me donne tellement de bonheur », explique-t-elle.

Les conditions de vie dans le camp sont difficiles, et la situation sanitaire y est préoccupante. Alors que nous discutons, Harisah et son père Mohammad ont tous deux de la fièvre. 
 

© Robin Hammond/NOOR
© Robin Hammond/NOOR

Rashida a construit un berceau pour Harisah, suspendu au plafond. « Je vais essayer d’en faire une femme forte et éduquée. Je ne sais pas où ce sera, ici ou au Myanmar, mais je veux qu’elle devienne quelqu’un », poursuit-elle. 

Mais pour le moment, Rashida doit lutter contre ses souvenirs. « Tous les jours, je me remémore ce qu’ils m’ont fait au Myanmar, explique-t-elle, ajoutant avoir le sentiment de vivre dans un monde rempli de contradictions. Je ne sais pas si je dois être contente de vivre ici, en sécurité, ou énervée d’être juste tolérée de façon temporaire. Je veux retourner au Myanmar pour pouvoir reprendre mon destin en main, mais je sais aussi que si je rentre aujourd’hui, je risque de me faire tuer. »

Des vies suspendues

D’autres résidents du camp, comme Abdul Salam, 17 ans, ont le sentiment que le sort s’acharne contre eux. Ses parents, ses trois sœurs et ses deux frères ont été tués dans le massacre de son village, Saa Pran, dans le district de Rosidong au Myanmar.

Bangladesh : dans les camps surpeuplés de Cox's Bazar

Abdul Salam se rend bien compte qu’il doit trouver du travail pour tenter de gagner sa vie. « J’ai essayé d’ouvrir un petit magasin, mais les pluies diluviennes du mois de Ramadan [juin 2019] l’ont détruit, et j’ai perdu la plupart de mes affaires. »

Pendant un temps, le jeune homme s’est pris à rêver de retourner dans son village pour travailler dans la ferme de son père. Pourtant, quand il se remémore la tuerie à laquelle il a assisté il y a deux ans, il se rend compte de la folie de son rêve. « Je ne peux pas quitter le camp, et j’imagine que je ne peux pas m’en plaindre parce que ce n’est pas mon pays… Si le Bangladesh ne nous avait pas accueillis, nous serions tous morts. »

Comme Abdul Salam, Abdallah se sent aujourd’hui privé de tout avenir. Le jeune réfugié rohingya de 24 ans a fini ses études au Myanmar en 2012, mais à cause d’une interdiction imposée par les autorités du Bangladesh aux Rohingyas, il n’a pas pu reprendre ses études. « Je veux pouvoir travailler et servir ma communauté, mais personne ne me le permet. Je me sens emprisonné », confie le jeune homme.

Une famille de réfugiés rohingyas dans l'un des camps de Cox's Bazar au Bangladesh.
 © Robin Hammond/NOOR
Une famille de réfugiés rohingyas dans l'un des camps de Cox's Bazar au Bangladesh. © Robin Hammond/NOOR

Pas d'opportunités - ni au Myanmar, ni au Bangladesh

Ro Yassin était quant à lui professeur d’anglais, de physique et de chimie dans son village de Kyet Yeo Pyin, dans la province de Maungdaw au Myanmar, avant de fuir au Bangladesh en 2017. Il enseigne désormais dans l’une des écoles du camp. 

« Il y a des milliers d’enfants ici qui ont besoin d’aller à l'école. Ce que nous avons à l’heure actuelle, ce sont soit des écoles religieuses, soit des écoles qui enseignent un niveau de langue très basique. Pourtant, il est important pour ces enfants d'être éduqués pour devenir une génération forte et avertie, qui ne dépend pas des autres », explique-t-il.

Yassin travaille également de façon bénévole pour de nombreuses ONG, et enseigne l’anglais aux enfants autour de lui. La situation des Rohingyas dans les camps le préoccupe beaucoup. « Si on nous offre des opportunités, alors on pourra vivre correctement, comme n’importe quel peuple. On ne les a pas - pas au Bangladesh, ni au Myanmar », conclut Yassin. 

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