République centrafricaine : un camp abritant 8 500 personnes déplacées est réduit en cendres

Des personnes déplacées, suite à l'incendie du camp d'Élevage, remplissent des jerricans à un point d'eau dans l'enceinte de la mosquée de Bamabri. République centrafricaine. 2021. 
Des personnes déplacées, suite à l'incendie du camp d'Élevage, remplissent des jerricans à un point d'eau dans l'enceinte de la mosquée de Bambari. République centrafricaine. 2021.  © Vivien Aristide/MSF

Environ 8 500 personnes ont été expulsées de leur camp de fortune à Bambari, en République centrafricaine (RCA), après la reprise des combats dans la région. Réfugiées dans l'enceinte d'une mosquée de la ville, elles vivent désormais dans des conditions très précaires. Le camp, dans lequel se trouvait un poste de santé MSF, a été réduit en cendres.

Le camp d'Élevage a été créé lors du conflit brutal qui a ravagé la République centrafricaine en 2013 et 2014. Situé à la périphérie de Bambari, l'une des principales villes du centre du pays, ce camp abritait des personnes issues pour la plupart de la communauté peule, qui y avaient trouvé refuge après avoir fui les combats dans le pays.

Au cours des années suivantes, alors que les périodes de violence et de calme relatif s’alternaient, le camp a commencé à ressembler à une petite ville, avec six mosquées et des centaines de magasins, de tentes et d’autres structures installées par les 8 500 habitants.

« J'ai emménagé ici en 2014, explique Mahmoud*, un ancien résident du camp. Le site était habité par des personnes qui venaient parfois de villes situées à des centaines de kilomètres de Bambari, et qui avaient fui le conflit armé. »

Aujourd'hui, il ne reste presque plus rien du camp d'Élevage et tous les habitants sont partis. Toutes les tentes ont été détruites par l'incendie, tandis que la plupart des bâtiments - des maisons d'un étage construites en terre ou en dur - sont en ruines. C’est le cas du petit poste de santé géré par MSF, dans lequel les équipes soignaient plus de 200 enfants chaque semaine. Des soins pour traiter le paludisme, la principale maladie mortelle en RCA, étaient notamment offerts aux habitants.

Nouveau cycle de violence

Depuis décembre 2020 et la reprise, en lien avec le processus électoral, d’un nouveau cycle de violences en RCA, la zone de Bambari n'a pas été épargnée par les tensions qui se sont propagées dans le pays. Les offensives lancées contre le gouvernement par une nouvelle coalition de groupes armés ainsi que les représailles et opérations de contre-offensive des forces gouvernementales ont occasionné des affrontements violents et réguliers ces derniers mois.

Des abris brûlés dans le camp d'Élevage après l'incendie qui l'a réduit en cendres au début du mois de juin 2021. Bambari. République centrafricaine.
 © Vivien Aristide/MSF
Des abris brûlés dans le camp d'Élevage après l'incendie qui l'a réduit en cendres au début du mois de juin 2021. Bambari. République centrafricaine. © Vivien Aristide/MSF

L'un de ces affrontements a eu lieu dans la nuit du vendredi 4 juin, entre les forces gouvernementales et des groupes armés à proximité du camp d'Élevage. Le lendemain, des soldats de l’armée centrafricaine sont entrés dans le camp, selon les témoignages d'anciens résidents. 

« Ils sont arrivés samedi vers 14 heures et nous ont ordonné de quitter le site immédiatement, raconte Mahmoud. Des coups de feu ont été tirés en l'air, ce qui a semé la panique et poussé les habitants à s'enfuir précipitamment. Les habitants des environs ont profité de la situation pour piller tout ce que nous avions. Ils ont pris de force nos chèvres et volé nos matelas. Peu de temps après, le site a été incendié. » 

Le dimanche 6 juin, on pouvait voir des nuages de fumée s’échapper du camp, depuis le centre-ville de Bambari, situé à plusieurs kilomètres du site.

Populations vulnérables

« Nous condamnons la destruction d'un lieu qui accueillait des personnes vulnérables et la destruction d’une structure de santé clairement identifiée, déclare Rhian Gastineau, cheffe de mission MSF en RCA. Déracinées de leurs foyers et privées de soins de santé, les personnes déplacées sont encore plus vulnérables aujourd'hui. »

La plupart des résidents d'Élevage ont cherché refuge dans la ville de Bambari, à quelques kilomètres seulement, dans l'enceinte de la mosquée notamment. À l'approche de la saison des pluies, le manque d'abris adéquats augmente le risque de contracter des maladies telles que le paludisme.

Vue de la mosquée de Bambari, dans laquelle s'est réfugiée une partie des personnes déplacées qui ont fui le camp d'Élevage. République centrafricaine. 2021. 
 © Vivien Aristide/MSF
Vue de la mosquée de Bambari, dans laquelle s'est réfugiée une partie des personnes déplacées qui ont fui le camp d'Élevage. République centrafricaine. 2021.  © Vivien Aristide/MSF

« Les conditions ici [dans l'enceinte de la mosquée] sont déplorables, déclare Mahmoud. Nous dormons par terre, sans abri, ni matelas ni moustiquaire. Il n'y a pas de nourriture, pas de latrines et pas assez d'eau potable. »

Hamida*, qui vivait avec ses 10 enfants dans le camp d'Élevage se désole de cette situation : « Après avoir été expulsés d'Élevage, nous sommes allés de mal en pis. Nous avons peur et nous avons tout perdu. Mes enfants n'ont rien à manger. Sans aide, mes enfants ne pourront plus aller à l'école. Nous ne savons pas quoi faire. »

Les équipes de MSF à Bambari ont ouvert un nouveau poste de santé dans l'enceinte de la mosquée. Elles ont également mis en place un point de collecte des déchets, donnent des conseils sur les problèmes de santé et fournissent un soutien en santé mentale pour aider les gens à faire face aux événements traumatisants de ces dernières semaines. D'autres organisations humanitaires sont également mobilisées pour apporter une assistance aux personnes déplacées, notamment en fournissant de l'eau potable et en distribuant des rations alimentaires d'urgence.

« Il est urgent que davantage de latrines soient construites et que les gens aient accès à la nourriture et à l'eau potable, explique Rhian Gastineau. Ces personnes ont été soumises à une violence continue durant le conflit. C’est essentiel de les protéger et, à long terme, de leur trouver un endroit sûr où habiter et qui soit respecté par toutes les parties impliquées dans le conflit en cours. Il est également vital de soutenir la communauté d'accueil qui subit désormais une pression supplémentaire avec l'arrivée massive de personnes. »

*Le nom des personnes déplacées a été modifié pour préserver l'anonymat.

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