RDC : MSF soutient les communautés touchées par le conflit au Sud-Kivu, des deux côtés de la ligne de front

Centre de santé de Kaboya, dans la ville de Kamanyola, au Sud-Kivu, en République Démocratique du Congo, mai 2025 
Centre de santé de Kaboya, dans la ville de Kamanyola, au Sud-Kivu, en République Démocratique du Congo, mai 2025  © Dale Koninckx/MSF

Depuis le début de l'année, l'intensification des affrontements dans la province du Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo (RDC), entre le groupe armé M23/Alliance Fleuve Congo (AFC) et l'armée congolaise (FARDC), soutenus par leurs alliés respectifs, s'est rapidement étendue jusqu'à la province voisine du Sud Kivu, aggravant la crise humanitaire. La prise de la capitale du Sud Kivu, Bukavu, par le M23/AFC en février a marqué une expansion significative de leur contrôle territorial. Médecins Sans Frontières (MSF) a déployé des équipes d'urgence pour fournir des soins vitaux aux communautés dans les villes d’Uvira et Kamanyola, situées des deux côtes de la ligne de front.  

« Nous avons tout perdu », confie Vianney*, un habitant déplacé des collines avoisinantes de Kamanyola, au Sud-Kivu, en République Démocratique du Congo (RDC). « Nos champs sont envahis par des hommes armés. J'ai peur pour la santé de mes enfants ». 

La ligne de front actuelle à Katogota, dans le Sud-Kivu, coupe en deux la route reliant les villes de Bukavu et d’Uvira, isolant les communautés de part et d'autre. Prises dans la violence des combats, elles ont dû fuir vers les collines voisines, contraintes de vivre dans des conditions précaires, sans accès à l’eau potable et aux soins de santé.  

Les équipes de MSF présentes dans les villes d’Uvira et Kamanyola, renforcent l'accès aux soins dans une région confrontée à des épidémies récurrentes, à un système de santé fragilisé et à une pénurie de fournitures médicales. 

Uvira : d'un côté de la ligne de front  

L’avancée du M23/AFC jusqu’à Katogota continue d’exercer une pression sur la ville d'Uvira, toujours sous contrôle gouvernemental. En février 2025, de fortes violences et des affrontements avaient éclaté dans Uvira, entre l'armée congolaise (FARDC) et leurs alliés présumés, les combattants Wazalendo - une coalition de groupes armés opposés au M23/AFC. Depuis le début des affrontements dans la région, Uvira abrite plus de 250 000 personnes1 déplacées avec des besoins croissants en nourriture, en soins de santé et en assistance humanitaire. 

Les équipes MSF, présentes à Uvira depuis septembre 2024 pour répondre à une épidémie de mpox, étaient sur place lors de ces affrontements en février. Les installations médicales n'ont pas été épargnées par les tirs. « Nous avons entendu des coups de feu à l'intérieur de l'hôpital. Quand les tirs ont cessé, je suis partie avec mon fils, même s’il était encore malade ; je ne me sentais pas en sécurité », raconte Aisha*, son fils de 10 mois était hospitalisé au centre de traitement mpox à l’hôpital général d’Uvira.  

Les équipes MSF ont continué à fournir du matériel médical et ont lancé des interventions d’urgences, dès que la situation sécuritaire le permettait. « C’est dans ce contexte que nous avons intensifié notre réponse pour renforcer les capacités de prises en charge des blessures de guerre, de cas de choléra, et des victimes et survivantes de violences sexuelles » explique Dr Aurora Revuelta, responsable médicale MSF à Uvira.  

Depuis février, MSF a traité, en collaboration avec le ministère de la santé, près de 400 blessés de guerre et 800 cas de choléra dans trois centres de traitement spécifiques. MSF a également réhabilité plusieurs points d'eau potable, contribuant ainsi à la prévention des maladies à potentiel épidémique.  

Kamanyola : de l’autre côté de la ligne de front 

De l’autre côté de la ligne de front, la situation est tout aussi complexe dans la ville de Kamanyola, proche de Katogota. Cette localité, sous contrôle du M23/AFC, a également vu son système de santé fragilisé par la violence.  

« Nous avons tous souffert dans les champs où nous étions déplacés. J’ai perdu deux de mes enfants car nous ne pouvions pas accéder aux soins médicaux. Nous avons dû les enterrer comme des animaux, sans pouvoir leur donner une sépulture digne », explique Jeannette*, une villageoise de 28 ans. 

Lors des premiers affrontements, la population a fui vers les collines avoisinantes pendant quelques semaines. Lorsqu'une certaine stabilité a été rétablie dans la ville, une partie de la communauté est revenue. Les combats continuent de se dérouler dans les collines aux alentours, rendant l’accès aux champs impossible. 

En réponse, MSF a lancé une intervention d’urgence à la mi-mars pour soutenir les structures médicales locales à Kamanyola. « Notre priorité était de soutenir l’hôpital général et les centres de santé environnants, qui manquaient d’intrants médicaux. Nous avons renforcé la gestion des blessés de guerre, fourni du matériel médical et mis en œuvre des activités d’assainissement pour prévenir la propagation des maladies », explique Dale Koninckx, coordinateur du projet MSF sur place.  

Grâce à l'appui de MSF, 7 500 consultations médicales gratuites ont pu être réalisées pendant huit semaines avec le ministère de la Santé, dont près de 40 % pour des enfants de moins de cinq ans, avec majoritairement des cas de paludisme, d'infections respiratoires aiguës, et de diarrhées.  

Les équipes MSF ont également travaillé à l'amélioration des conditions d’hygiène dans les structures de santé soutenues, notamment en réhabilitant des réservoirs d’eau, en vidant des fosses septiques à l’hôpital, et en raccordant plusieurs centres de santé à l’eau. Plus de 14 000 mètres cubes d’eau ont été distribués au cours de l’intervention, un effort crucial pour prévenir la propagation des maladies.  

Accès humanitaire entravé entre Kamanyola et Uvira

L’insécurité persistante sur la route reliant Bukavu, Kamanyola et Uvira, rend pratiquement impossible la circulation des organisations humanitaires entre les deux côtés de la ligne de front.  

« La situation sanitaire était déjà précaire, mais aujourd’hui, elle est devenue encore plus critique » explique Olivier Pennec, chef des programmes MSF au Sud-Kivu. « L’absence d’acteurs humanitaires, combinée aux difficultés d'accès à la région—qu'elles soient physiques, logistiques ou sécuritaires— ajoute à la complexité ». L’aide humanitaire doit désormais transiter par plusieurs pays, pour atteindre les populations de chaque côté de la ligne de front. 

Alors que l'accès aux soins de santé se détériore en raison de la diminution des acteurs humanitaires sur le terrain et du gel de l'aide étrangère des États-Unis (USAID), MSF reste l'une des rares organisations encore présentes pour fournir des soins médicaux aux communautés prises dans cette zone.  

*Les noms ont été modifiés pour préserver la sécurité des personnes. 

Notes

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