RD Congo - Rutshuru, la chirurgie en urgence

RD Congo Nord Kivu hôpital de Rutshuru novembre 2009.
RD Congo, Nord Kivu, hôpital de Rutshuru, novembre 2009. © Patrick Herard / MSF

Avec ses deux blocs opératoires, le service chirurgie est constamment sous pression. Les équipes ne prennent en charge que des urgences et font en moyenne 98 interventions par semaine.

Ici à l'hôpital de Rutshuru, on fait de tout : césarienne, fracture ouverte, péritonite, rupture utérine, plaie abdominale par balle, éclatement de la rate...

Claude, chirurgien congolais qui travaille depuis deux ans avec MSF à Rutshuru, ne peut énumérer toutes les opérations réalisées tant elles sont nombreuses et variées.

A raison de 98 actes en moyenne par semaine, le service chirurgie est constamment sous pression et ne prend en charge que des urgences. Car la province congolaise du Nord Kivu où se trouve Rutshuru est en proie à un conflit armé qui provoque d'incessants mouvements de populations.

MSF a donc aménagé un deuxième bloc opératoire où sont aussi faits les pansements pour les brûlés et qui dispose exactement du même équipement que le premier bloc : un extracteur d'oxygène, un appareil d'anesthésie avec un vaporisateur d'halothane (gaz d'anesthésie), un respirateur Monal, un moniteur multi-fonctions (pour la surveillance du pouls, de la tension artérielle et de la concentration en oxygène et en gaz carbonique), un ventilateur, une seringue électrique...

Trois équipes chirurgicales tournent sur les deux blocs.

On travaille sept jours sur sept, explique Claude. Nous sommes de garde une nuit sur trois et c'est très rare de ne rien faire pendant une garde. Dans la journée, cela n'arrête pas. Les circuits fonctionnent bien, ajoute Ian, un chirurgien tchèque, on n'attend pas entre deux interventions.

Autre raison pour laquelle ce programme chirurgie est placé sous le signe de la diversité, les chirurgiens viennent d'endroits très différents de la planète : République démocratique du Congo, Canada, Allemagne, Inde, Tchéquie, France, Géorgie, USA...

Mais ils sont tous francophones. Car même s'ils ont des pratiques différentes, les Américains par exemple n'ont pas l'habitude de poser des drains comme les Français, ils doivent se faire comprendre. Et doivent aussi s'adapter.

Chirurgiens comme anesthésistes appliquent les protocoles MSF.

Il y a des chirurgiens avec une spécialité très pointue qui ne savent pas faire une césarienne, mais s'ils ont fait un cursus normal, ils s'y retrouvent vite et on s'entraide, note Claude, le responsable du service.

La spécialisation est de fait dans l'air du temps.

C'est la tendance actuelle, reconnaît Michael, alors que les gens un peu vieux comme moi ont fait des choses très variées !

Habituellement Michael officie dans le bloc opératoire d'un hôpital de l'Oregon aux Etats-Unis. Depuis sa première mission en Ethiopie en 2001, il part tous les deux ans avec MSF. Et pour se libérer un mois, la durée habituelle des missions en chirurgie, il se met en congé et apprécie beaucoup ces "vacances".

Quant au personnel congolais, qu'il soit chirurgiens, médecins anesthésistes, infirmiers anesthésistes ou infirmiers de bloc, ils ont une grande capacité d'adaptation et savent faire face aux situations critiques. Fin 2008, quand les rebelles du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) ont lancé une vaste offensive contre l'armée congolaise, l'équipe chirurgicale était restée sur place et avait fait face à un véritable afflux de blessés.

Alors qu'en temps normal, raconte Paul, infirmier anesthésiste, nous avons une quinzaine de blessés par balle par mois, nous avions reçu, un jour, 40 blessés en l'espace de deux heures. Un autre jour en octobre 2008, nous avons eu 85 blessés dans la journée.

Aujourd'hui les rebelles n'occupent plus la ville de Rutshuru, les lignes de front se sont brouillées. Mais si le conflit a changé de nature, la population doit toujours faire face à de nombreuses exactions. Et les combats se déroulent plus loin entre l'armée congolaise et les rebelles des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda).

Mais périodiquement il arrive des blessés par balle. En octobre dernier, il y en a eu 30. L'équipe applique alors un principe de base de chirurgie de guerre : le débridement extensif des plaies.

Pour que la plaie ne s'infecte pas, on laisse ouvert cinq jours et puis on ferme, explique Richard, médecin anesthésiste.

En dehors de cela, les césariennes représentent une part importante de l'activité, près du tiers des interventions chirurgicales. Les femmes viennent d'ailleurs parfois de loin avec le système d'ambulance mis en place par MSF. Si l'infirmier d'un centre de santé voit qu'il ne peut prendre en charge un ou une patiente, il alerte MSF qui envoie une ambulance.

Mais il est aussi possible de prendre les devants. Les femmes qui ont des grossesses avec complications peuvent être hébergées dans le village des mamans, un coin à part dans l'hôpital où elles attendent tranquillement le jour de l'accouchement.

En fonction des disponibilités, une gynéco-obstétricienne est de temps à autre présente, ce qui permet d'alléger la charge de travail des chirurgiens. Car ils doivent aussi naturellement suivre les patients après leur opération : les 24 patients en orthopédie, les quelque 50 patients répartis dans les deux salles de chirurgie dont il faut surveiller la cicatrisation des plaies, les greffes de peau, la mobilité des membres... ainsi que les neuf patients de la toute récente unité des brûlés.

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