Panama : en 2023, un demi-million de migrants a risqué sa vie dans la traversée du Darien

Migrants in transit in Ecuador, Colombia and Panama
De janvier à novembre 2023, près d'un demi-million de migrants ont franchi la région du Darien, entre la Colombie et le Panama pour tenter de rejoindre l’Amérique du Nord au péril de leur vie.Panama. Août 2023. © Juan Carlos Tomasi/MSF

Fuyant la violence, l’insécurité ou la misère, des centaines de milliers de personnes tentent chaque année de traverser la région du Darien, une jungle tropicale dense qui sépare la Colombie du Panama, pour atteindre l’Amérique du Nord. Nombreuses sont celles qui y perdent leur vie.

Afin d’atteindre la périlleuse région du Darien, la famille Bastidas a passé 25 jours à marcher sous un soleil brûlant sur des routes sans fin, à grimper sur des camions en mouvement, et à dormir dans la rue. Originaires du Venezuela et résidant dernièrement en Équateur, Keiber Bastidas, sa femme et leurs deux enfants n’avaient pourtant pas d’autres options pour sortir de la misère. 

Chaque année, le nombre de personnes empruntant cette route migratoire qui relie l’Amérique du Sud à l’Amérique centrale bat le record de l’année précédente. En 2021, ils étaient 133 000 ; en 2022, 248 000 ; et cette année, 500 000 migrants ont déjà fait le voyage, dont des enfants, des femmes enceintes et des personnes âgées. Malgré leur vulnérabilité et les dangers de la traversée, ils ne reçoivent aucune protection ni assistance.

« Le nombre de migrants qui ont traversé la région du Darien cette année seulement équivaut à un dixième de la population du Panama, explique Luis Eguiluz, Chef de mission MSF en Colombie et au Panama. Il s’agit d’une crise à laquelle on n’a pas accordé suffisamment d’attention au niveau mondial et régional. Des itinéraires sûrs n’ont pas été garantis aux migrants et des ressources suffisantes n’ont pas non plus été allouées aux organisations qui les aident. »

Les refuges disponibles en Colombie ne peuvent accueillir que 2 % des migrants environ. Les trois-quarts dorment dans la rue, ou dans des parcs publics, et n’ont pas suffisamment accès à l’eau potable, selon le bureau du procureur général colombien. Une fois que les migrants quittent la Colombie pour traverser la région du Darien, les dangers de la route se multiplient. La plupart des décès sont alors dus à des chutes lors d’escalades, à des noyades lors de traversées de rivières ou au résultat de la violence infligée par des gangs criminels qui parcourent la région.

« La jungle de Darien est la pire chose que j'ai vécue dans ma vie. Je ne le souhaite à personne. Il nous a fallu cinq jours pour traverser, car nous étions avec nos enfants. Nous avons escaladé des falaises et tous nos doigts sont couverts de plaies sanglantes. Un homme est mort dans une cascade peu après notre passage, juste là où nous étions passés. »

Témoignage de Keiber Bastidas, migrant vénézuelien.

 

© Natalia Romero Peñuela/MSF

Des centaines de migrants du Venezuela et d’Haïti entrent chaque jour dans le sud de la Colombie. Ils sont rejoints par des migrants venus d’Équateur et du Pérou, ainsi que par des personnes venant de pays encore plus lointains comme l’Afghanistan ou le Burkina Faso, arrivés par voie maritime. L'assistance qu'ils reçoivent lors de leur voyage est extrêmement limitée. C’est pourquoi, les équipes mobiles de MSF parcourent les principales routes de transit des migrants à travers la Colombie pour leur prodiguer des soins médicaux.

De janvier à octobre 2023, MSF a assuré 51 500 consultations médicales à Darien, au Panama.
 © Juan Carlos Tomasi/MSF
De janvier à octobre 2023, MSF a assuré 51 500 consultations médicales à Darien, au Panama. © Juan Carlos Tomasi/MSF

« Des femmes enceintes sont retrouvées mortes, flottantes dans l'eau, raconte Emilady Rodríguez, une Vénézuélienne voyageant avec ses deux filles âgées de sept et dix ans. Un homme de mon groupe est décédé d’une crise cardiaque sur la route et nous avons dû abandonner son corps. Il y a aussi beaucoup de vols dans cette jungle. Ils kidnappent des gens, réclament 100 dollars par personne et si une femme ne paie pas, ils la violent. »

À lire aussi