MSF aujourd'hui à Gaza : Trois programmes, une prise en charge transversale

Zainab pendant sa consultation psy bande de Gaza 2010
Zainab pendant sa consultation psy, bande de Gaza, 2010 © Isabelle Merny / MSF

Soins psychologiques, soins de réhabilitation et chirurgie réparatrice sont les trois programmes actuellement menés par MSF dans la bande de Gaza. Alors que l'embargo qui pèse depuis 2007 sur la bande de Gaza continue d'affecter le système de santé local, la possible prise en charge transversale de nos patients, au sein des trois programmes, permet d'assurer un suivi médical le plus complet possible.

Zainab a sept ans. Le 24 juillet dernier, une bougie allumée suite à une coupure d'électricité a mis le feu au matelas sur lequel elle dormait. Ce sont les voisins qui l'ont sauvée. Aujourd'hui, Zainab a les deux jambes entièrement brûlées. Elle ne peut plus se tenir debout, marcher et doit porter une couche. Même s'asseoir est devenu très difficile. Zainab pleure voire hurle de douleur à la moindre manipulation. Elle est désormais suivie dans les trois programmes menés par MSF dans la bande de Gaza.

Soins psychologiques dans la ville de Gaza. Deborah, psychologue MSF, essaye de capter le regard de Zainab, mais cette dernière s'enferme dans son mutisme. On sort les crayons de couleurs. Petit à petit, l'enfant, jusque là couchée, se redresse et dessine. « C'est déjà une façon de s'exprimer. Même si elle ne parle pas, elle communique » se réjouit la thérapeute. Zainab dessine une tortue. Deborah la félicite « tu sais, dans mon pays, le Brésil, c'est le symbole de l'espoir ». La mère de Zainab se désole : « C'était une enfant gaie. Elle parlait beaucoup, tout le temps, allait à l'école, avait des amis. Elle est devenue silencieuse, apathique, n'a plus envie de rien, ne veut plus voir personne, ne veut plus jouer. Elle mange peu, elle a maigri, elle s'arrache les cheveux, elle appelle la nuit, elle est très angoissée. Je suis seule avec mes enfants, je n'ai pas de travail, pas de moyens, je ne peux pas lui offrir grand chose ». Deborah la réconforte « elle a surtout besoin d'attention. Ca ira mieux, bientôt ». Mère et enfant seront suivies individuellement par notre psychologue. Comme souvent, c'est en soignant l'enfant que MSF a pu aussi suivre sa famille car, d'eux-mêmes, les adultes ont plus de mal à demander un soutien psychologique.

Dispensaire de soins de réhabilitation dans la ville de Gaza. Suite à son accident, Zainab a passé plusieurs jours en soins intensifs puis dans le service des grands brûlés de l'hôpital Al Shifa. De là, elle a été référée au dispensaire de soins de réhabilitation MSF où elle vient trois fois par semaine pour changer ses pansements. Pour le moment, les équipes ont décidé de cesser les séances de kinésithérapie : trop douloureuses. Dans nos dispensaires, 20% des patients sont victimes de brûlures directement imputables au conflit ou bien occasionnées lors d'accidents domestiques. Ce sont souvent des enfants, des victimes indirectes de l'embargo. En effet, plus d'un an et demi après l'offensive militaire israélienne « Plomb durci », l'unique centrale électrique de Gaza tourne au ralenti, car l'approvisionnement en fuel de la bande de Gaza est restreint. Les coupures de courant sont quotidiennes et peuvent durer huit à douze heures par jour. En conséquence, la population s'équipe avec les moyens du bord : groupes électrogènes, bouteilles de gaz de contrebande, bougies, lampes à pétrole... Autant de sources d'accidents graves. La plupart des brûlés, comme Zainab, ont souvent besoin d'une opération de chirurgie réparatrice.

Chirurgie réparatrice à l'hôpital Nasser, Khan-Younis, dans le sud de la bande de Gaza. Début août, en collaboration avec les équipes médicales locales, MSF a ouvert un programme de chirurgie réparatrice. L'objectif est de diminuer la liste des patients, soufrant de complications fonctionnelles de leurs blessures, en attente d'une chirurgie. Plus de 500 personnes doivent patienter entre 12 et 18 mois avant de pouvoir être opérées. Début septembre, Zainab a bénéficié d'une greffe de peau. Quinze jours plus tard, les équipes lui ont retiré ses agrafes. Zainab était tellement anxieuse que Maria, l'anesthésiste MSF, a opté pour une anesthésie générale plutôt que locale.

Malgré son récent allègement, l'embargo qui pèse sur la bande de Gaza continue d'affecter le système de santé gazaouï : besoins médicaux spécifiques mal-pourvus, accès aux soins limité, qualité de la prise en charge médicale amoindrie. Patients et personnels de santé en sont les premiers affectés. La circulation des personnes étant limitée, le personnel de santé palestinien ne peut pas bénéficier de formations à l'étranger. Un autre des objectifs du programme chirurgical de MSF est ainsi de favoriser un transfert de compétences vers les équipes médicales locales. A l'équipe hospitalière de Nasser sont venus s'ajouter trois expatriés MSF : un chirurgien plastique, un anesthésiste et un infirmier de bloc. Trois jours de la semaine sont dédiés aux opérations (greffes de peau, débridement de cicatrices, soin de brûlures). Les deux autres jours étant consacrés aux consultations pré et post-opératoires. Deux mois après l'ouverture de ce programme, 185 consultations et 51 opérations chirurgicales avaient été menées.

 

Dossier spécial

Plus d'infos notre dossier "Soigner depuis 10 ans à Gaza".

À lire aussi