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Migrants : « La criminalisation des initiatives de sauvetage en mer fait partie intégrante de la réponse des pays européens »

Un jeune garçon est transféré sur le Prudence au large des côtes libyennes le 9 juin 2017.
Un jeune garçon est transféré sur le Prudence au large des côtes libyennes, le 9 juin 2017. © Andrew McConnell/Panos Pictures

Le code de conduite proposé aux ONG par les autorités italiennes est le reflet d’une politique sacrificielle, qui assume des milliers de morts en mer. Entretien avec le Dr. Mego Terzian, Président de MSF.

Que représente le code de conduite proposé par les autorités italiennes ?

Il faut remettre cette initiative dans le contexte politique médiatique et juridique qui prévaut en Italie. Le gouvernement doit faire face à la pression de l’opinion publique, et a alerté à plusieurs reprises que ses capacités d’accueil sont dépassées. Il y a un an déjà, les italiens proposaient la création de « hotspots flottants » pour éviter le débarquement des migrants en Italie. Fin juin, ils menaçaient d’interdire aux ONG étrangères l’accès aux ports italiens.

Les autres pays européens aussi font pression sur l’Italie pour qu’elle remplisse davantage son rôle de premier rempart face au flux de migrants. Et le discours xénophobe trouve de plus en plus de relais, y compris au sein des partis politiques modérés italiens. Par ailleurs l’initiative de Génération identitaire, qui a affrété un bateau destiné à entraver les activités de secours en mer, aurait été difficile à imaginer il y a encore quelques mois.

Dans ce contexte, la proposition d’un code de conduite des ONG relève surtout d’une tentative des autorités italiennes de montrer qu’elles reprennent le contrôle sur une situation qui les dépasse, et les soumet à des pressions venant de tous les côtés.

Quels sont les arguments donnés par les autorités italiennes pour justifier les mesures contenues dans le code de conduite ?

Il n’y en a pas vraiment. Ce texte est censé répondre à des problèmes qui ne sont pas clairement posés. Au contraire, certaines mesures – comme l’interdiction de transférer les migrants d’un bateau à un autre ou l’implication d’autres centres de coordination des secours que celui de Rome – pourraient dérégler un dispositif qui, dans son ensemble, s’est révélé plutôt efficace. Le principal problème de ce dispositif est plutôt d’être insuffisant, car le nombre de noyés n’a cessé d’augmenter ces dernières années – d’environ 1 500 en 2011 jusqu’à plus de 5 000 en 2016.

Rappelons avant tout que si une petite dizaine d’ONG mène aujourd’hui des activités en Méditerranée, c’est parce que des gens se noient par milliers. Ces ONG n’effectuent d’ailleurs que 30% environ de l’ensemble des sauvetages en Méditerranée. Et tous les navires avec lesquels MSF effectue du sauvetage en mer travaillent en étroite collaboration avec le centre de coordination du sauvetage en mer (ou Maritime Rescue Coordination Centre - MRCC) italien et dans le cadre des normes internationales en la matière. 

L’intention de ce code, censé encadrer le travail des ONG intervenant dans les opérations de recherche et sauvetage en mer, est au mieux de faire diversion, au pire de réduire l’ampleur et l’efficacité de leurs activités. Il répond à la pression que subit l’Italie de la part des autres pays européens. Si les mesures qu’il préconise sont appliquées, le code de conduite provoquera probablement des morts.

LONG FORMAT

Une goutte d'eau dans la mer - Un long format, par MSF

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Cette politique d’entrave est-elle spécifique aux secours en Méditerranée ?

Non, elle existe ailleurs en Europe. La dissuasion des migrants et la criminalisation des aidants, des initiatives de sauvetage en mer et de solidarité, font déjà partie intégrante de la réponse des pays européens. En France, cela se traduit par l’acharnement dont font preuve les autorités vis-à-vis des initiatives de solidarité – comme dans le cas de Cédric Herrou par exemple, dans la vallée de la Roya, ou encore dans le Calaisis.

C’est une politique hostile, inhospitalière et sacrificielle, car elle produit sciemment des centaines de morts en mer, et des milliers de personnes errant dans des conditions de vie indignes et précaires en Europe.

A ceci s’ajoutent les politiques d’éloignement et de refoulement, visant à tenir les migrants le plus loin possible des frontières européennes. De nouvelles initiatives voient le jour dans ce domaine. C’est ainsi que le 2 août, le parlement italien a voté le déploiement d’une mission navale dans les eaux territoriales libyennes, afin d’aider à l’interception et au renvoi des migrants sur les côtes libyennes ; et les autorités françaises envisageraient, avec d’autres, de créer des hotspots sur place.

C’est dans ce contexte que se situe la polémique en cours autour du code de conduite italien : ceux qui en appellent à la bonne conduite des ONG sont les mêmes qui cautionnent l’utilisation routinière de gaz lacrymogènes sur les migrants à Calais, qui soutiennent l’envoi de navires militaires pour faire face à des rafiots chargés de migrants, et qui veulent présenter la Libye comme un endroit préférable au sol européen pour les migrants et les réfugiés, alors que les équipes MSF qui travaillent dans une douzaine de centres de détention témoignent de la situation catastrophique dans laquelle ils se trouvent.

Quelle est la solution alors ?

La gestion de ces flux migratoires est une réalité complexe. Il ne s’agit pas de chercher une mesure simple qui mettrait tout le monde d’accord.

Il ne s’agit pas non plus de remettre en cause l’existence des frontières, et ce sont bien les Etats qui ont le pouvoir de contrôler qui rentre - et qui reste - sur leur territoire. Mais il y a d’autres façons d’assurer ce contrôle que celles qui assument la mort de centaines de personnes en mer.

Il faut commencer par appliquer les mécanismes juridiques existants, définis par la loi de la mer et notamment par la convention de 1951 sur le statut des réfugiés, qui interdisent le refoulement.   Nous assistons aussi aujourd’hui à la difficulté de garantir un statut de protection aux mineurs réfugiés, par exemple dans le cas de ces mineurs dont l’Etat français ne sait – veut ? – pas  s’occuper, à Paris et ailleurs.

Enfin, les dispositifs juridiques doivent s’accompagner d’une politique migratoire coordonnée et fondée sur l’organisation de la mobilité à l’échelle internationale. Ceci en dépit de la pression d’opinions publiques qui semblent chaque jour plus hostiles à l’accueil des migrants. Ce n’est pas de rappels disciplinaires que les ONG ont besoin, mais d’un cadre plus propice à la survie et à un accueil plus juste et plus digne, dont elles pourraient alors faciliter la mise en œuvre.

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