Gaza - Des patients MSF témoignent

Nour avec notre psychologue.
Nour avec notre psychologue. © Valerie Babize / MSF

Nour, Naël et Naïma souffraient de blessures mal prises en charge, douloureuses et handicapantes. Ils ont intégré nos programmes de soins post-opératoires.

Nour allait chercher du bois avec son père, près de la frontière israélienne, dans une ancienne colonie. Leur charrette a essuyé des tirs de l’armée israélienne. Nour a perdu l’usage de trois de ses membres. Elle a été traitée à Gaza et en Israël. Elle fait désormais partie du programme MSF. Elle reçoit les soins essentiels que sa famille ne pouvait pas payer. Nour est suivie, chaque semaine, par notre psychologue.

Naël, 14 ans. « J’étais dans la rue , à quelques mètres de chez moi. C’était le 26 septembre. Des amis m’ont proposé de jouer au foot. La partie a commencé. Nous étions une vingtaine de tous âges. J’ai à peine eu le temps de voir trois résistants masqués et armés passer près de nous.

J’ai alors ressenti la force d'une explosion, mon corps se soulever et retomber. Deux de mes amis gisaient allongés à mes côtés, morts. Les autres étaient blessés. Je suis resté conscient. Je me rappelle des moindres détails, de tout ce qui s'est passé. Mon cousin est arrivé aussitôt. Il pensait que j’allais mourir.

J’ai été mutilé par l'explosion, j’ai perdu mes jambes et mon bras. Mon frère m’a amené à l’hôpital avec la voiture des voisins. J’ai été ballotté d’un hôpital à un autre. Après trois semaines d’hospitalisation, on m’a dit qu’on ne pouvait plus rien faire pour moi. En quittant l'hôpital, je ne savais pas de quoi j’avais besoin exactement. J’ai alors rencontré MSF qui s’est occupé quotidiennement de mes pansements et j’ai commencé des séances de kinésithérapie afin que mes muscles ne s’affaiblissent pas. Une psychologue me suit régulièrement car j’ai des flashs back réguliers et je n’arrive plus à dormir la nuit.

J'étais danseur de Dabka, la danse traditionnelle palestinienne. Cela faisait cinq ans que je dansais tous les jours. Je faisais partie d’un groupe et je devais partir en tournée à l’étranger. Depuis deux semaines, je retourne à l’école, en chaise roulante. Ma classe est facile d’accès. J’aimerais être ingénieur en informatique. »

Naïma, 43 ans, blessée dans un hôpital. « J’étais à la maison lorsque j’ai appris qu’il venait d’y avoir un gros clash avec des tirs, des missiles et des bombes et que mon neveu était mort. J’ai eu très peur et j’étais perdue. Je suis allée voir mon frère afin de savoir si c’était vrai. Nous sommes allés sur le lieu de l’accident, nous avons vu du sang et nous nous sommes aussitôt rendus à l’hôpital.

J'ai pris une grande respiration et je suis rentrée. A l’intérieur, la police demandait « qui est ce ? » en désignant mon neveu allongé sur le lit. Toutes les femmes ont alors accouru et fait face à la police. J’implorais : « s’il vous plait, que lui voulez-vous ? S’il vous plait, laisser le vivre, s’il vous plait ! ». Alors que nous leur parlions, ils tiraient dans l’hôpital. Il y avait des pleurs, des cris.

Ils ont commencé à nous pousser. J’ai reçu une première balle au pied gauche. Comme nous résistions, ils sont allés chercher du renfort. Ils ont attrapé une chaise en métal et m'ont frappé à la jambe droite. Puis, ils ont pris une grenade et l’ont dégoupillée. Elle a explosé. Les tirs pleuvaient. Ils ne cessaient de répéter qu’ils allaient le tuer. Je n’arrivais plus à respirer, comme si mes poumons brûlaient, je toussais, mais je criais encore. Un homme m’a alors tiré une deuxième balle au pied. J’ai perdu connaissance. Toute la famille s'est précipitée pour protéger mon neveu. Sa mère a elle aussi reçu une balle dans la jambe, sa tante dans l’épaule gauche, une autre tante dans le bras et la poitrine. Mon mari a été touché au pied et à la cuisse. Je suis la plus sévèrement blessée.

On a voulu m’envoyer vers un autre hôpital mais c’était trop compliqué. L’urgence a été de retirer les balles le jour même, puis j’ai attendu deux jours pour être un peu plus soignée et j’ai été renvoyée chez moi. On m’a dit que j’aurais une nouvelle opération chirurgicale une semaine plus tard, mais je l’attends toujours. On m’a dit qu’il n’y avait pas de place en raison du grand nombre de blessés. Le médecin m’a prévenue que les fragments de grenade pouvaient causer des infections, qu’il fallait couvrir ma plaie, mais comme je n’ai pas d’argent je n’ai pas pu être soignée. C’est là que j’ai rencontré MSF.»

Naïma avait une fracture du pied et des douleurs neurologiques continuelles. Quand elle s’asseyait, elle levait systématiquement sa jambe douloureuse à l'horizontale et était incapable de fléchir le pied. A la clinique MSF, ses plaies ont été régulièrement nettoyées et le kinésithérapeute l’a accompagnée pendant près de 6 mois. Ses mouvements ont progressivement retrouvé leur fluidité. Aujourd’hui, elle marche avec des béquilles, ses plaies sont cicatrisées, sa fracture est toujours vive mais elle peut se déplacer. Le travail continue.

À lire aussi