Congo-Brazzaville : 500 cas de polio en un mois !

Soins intensifs
Soins intensifs © Jacques Dubeau /MSF

Interview de Jacques Dubeau, médecin-réanimateur de retour de la mission de Médecins Sans Frontières à Pointe-Noire.

Une épidémie de polio d'une telle ampleur, c'est du jamais vu ?
En un mois, 500 malades ont été hospitalisés pour une polio dans le secteur de Pointe Noire. Au départ, il y avait trois hôpitaux dans la ville qui recevaient ces patients. Aujourd'hui, il n'y en a qu'un seul de référence : l'hôpital Adolphe Sicé où MSF a mis en place des services de soins spécifiques. Au pic de l'épidémie, plus de dix patients étaient admis chaque jour aux soins intensifs. Heureusement, le nombre de cas a considérablement baissé : on est à une à deux admissions par jour.

Quels sont les signes de la poliomyélite ?
Au début, les malades ne pensent pas forcément être atteints de la poliomyélite car les symptômes font penser à un syndrome grippal, avec maux de tête, fièvre, courbatures. Les congolais pensent plus à un accès de paludisme. Mais passé le troisième jour, ils se réveillent avec une paralysie des membres et sont emmenés aux urgences.

Tant de cas de poliomyélites aux urgences, c'était difficile ?
Voir beaucoup de malades mourir a été très difficile aussi bien pour le personnel de l'hôpital que pour ma collègue et moi. Etre impuissant face à l'évolution fatale de la maladie chez la moitié des patients est insupportable. Nous avons bien tenté de les placer sous ventilation artificielle mais toujours en vain. Malheureusement, les hôpitaux sur place manquent de moyens matériels de réanimation et de personnel de santé qualifiés pour faire face à ce type de prise en charge. Ce qui est particulièrement terrible avec la polio, c'est que les patients sont conscients jusqu'au bout, seuls les yeux parlent, c'est très dur.

Il n'existe donc aucun traitement pour soigner cette maladie?
Non, on ne peut que traiter ses symptômes : mettre le malade sous perfusion pour qu'il soit bien hydraté, lui administrer des antalgiques, des antibiotiques si nécessaire... Nous avons beaucoup sollicité les familles pour qu'elles mobilisent les malades afin d'éviter les escarres, les douleurs et tous les problèmes liés à l'alitement. Ces petits soins ont certainement permis à quelques-uns de passer le cap le plus difficile.

Aviez-vous déjà soigné des poliomyélitiques ?
Non. Je ne connaissais la polio qu'à travers la littérature médicale. La dernière épidémie en Europe date de 1952 ! Nous avions préparé un protocole de soins à Paris. Sur place nous l'avons adapté avec nos homologues. La réalité n'était pas celle décrite dans les manuels. Nous n'avons pas été confrontés à des encombrements broncho-pulmonaires ou des problèmes pour alimenter les patients comme on pouvait s'y attendre.

Quels soins pour les survivants?
Passé le cap de l'assistance respiratoire, il faut continuer à traiter les douleurs musculaires et les conséquences liées à l'alitement prolongé. Les six semaines qui suivent, la kinésithérapie est essentielle pour limiter les séquelles, réduire les paralysies prédominantes des membres inférieurs. MSF a ouvert deux centres de kinésithérapie. La récupération peut être spectaculaire, une personne atteinte de paralysie des quatre membres peut tout récupérer ou presque. Malheureusement ce n'est pas toujours le cas.

Quelle place pour la vaccination ?
Elle prévient mais ne soigne pas. Ce type d'épidémie pourra peut-être se reproduire n'importe où, il faut donc se préparer à réagir plus vite pour la prise en charge des malades et mettre à disposition des moyens humains et matériels plus conséquents dans les hôpitaux. 

 


 

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