Haïti : MSF renforce la capacité hospitalière dans la zone touchée par le séisme

Dans les rues de Port au Prince en Haïti en mai 2011.
Dans les rues de Port-au-Prince, en Haïti, en mai 2011. © Yann Libessart/MSF

Deux ans après le tremblement de terre, le système de santé tarde à s’organiser à Port-au-Prince et dans ses environs et l’accès aux soins d’urgence demeure difficile pour une majorité d’Haïtiens.

Le 12 janvier restera à jamais une date de recueillement collectif en Haïti. Presque tous ont perdu au moins un membre de leur famille, un ami ou un voisin lors du séisme de 2010. De nombeux survivants souffrent encore de séquelles physiques ou psychologiques. Les rues de Port-au-Prince en portent toujours les cicatrices, incarnées par des ruines non déblayées ou, à l’inverse, par des trous restés béants.

Présente dans le pays avant la catastrophe, Médecins Sans Frontières a aussi perdu 12 membres de ses équipes ce jour-là. Deux hôpitaux MSF ont été détruits : le centre traumatologique de la Trinité et la maternité Solidarité. Depuis, MSF a apporté son soutien à un hôpital du ministère de la Santé dans le quartier défavorisé de Cité-Soleil et en a construit quatre autres dans la zone affectée par le séisme afin de répondre aux urgences médicales d’un bassin de population de plus de 2 millions d’habitants.

600 lits d’hospitalisation pour les Haïtiens

Le centre de références en urgences obstétricales (CRUO) a débuté ses activités à Delmas 33 en avril dernier. Avec une capacité de 130 lits, le CRUO accueille les femmes enceintes qui présentent des complications menaçant leur vie ou celle du fœtus. Depuis son ouverture, 1 432 interventions chirurgicales ont eu lieu et 4 600 bébés y ont vu le jour, comme Esther, la fille de Belgarde, qui témoigne : « J’ai perdu mes trois premiers bébés tout de suite après l’accouchement. La dernière est née prématurée aussi, mais grâce aux soins qu’elle reçoit ici, j’ai bon espoir de rentrer bientôt à la maison avec elle. »

L’hôpital de Drouillard a ouvert ses portes le 9 mai 2011 dans les quartiers Nord de la capitale. La nouvelle structure de 208 lits a pris le relai de l’hôpital provisoire qui fonctionnait sous tentes gonflables sur le terrain de sport de l’école Saint-Louis de Gonzague depuis janvier 2010. Ses équipes traitent les urgences médicales et chirurgicales avec une prise en charge spécialisée des grands brûlés ainsi qu’un suivi en physiothérapie et en santé mentale. Chaque jour, elles reçoivent en moyenne 55 nouveaux patients et réalisent 20 interventions chirurgicales. « Le tremblement de terre n’est plus directement responsable des cas que nous voyons aujourd’hui, qui sont surtout des victimes de la route, d’accident domestique, ou de violence. En revanche, nous remarquons une vulnérabilité accrue sur le plan psychologique depuis la catastrophe : les patients ont plus de difficultés à supporter un traumatisme additionnel comme une agression ou un accident », explique le directeur médical Félix Konan-Kouassi.

L’hôpital Chatuley, situé dans la ville de Léogâne, proche de l’épicentre du séisme et détruite à plus de 80%, a vu le jour dès janvier 2010. Passé d’une installation temporaire à une structure en containers de 160 lits, il reste le seul hôpital de la zone, prenant en charge les urgences tout en offrant des soins de gynécologie-obstétrique et de pédiatrie. En 2011, le personnel médical a traité 73 741 patients, effectué 3 755 interventions chirurgicales et procédé à 4 501 accouchements.

Dans la zone industrielle de Tabarre, à l’Est de Port-au-Prince, les équipes de construction apportent les dernières finitions au Centre « Nap Kenbe » qui signifie espoir en créole. Le dernier né des hôpitaux MSF vient renforcer l’offre de soins gratuits de l’agglomération urbaine. Constitué d’un assemblage de 268 modules et d’une capacité de 108 lits, il prendra en charge les cas de chirurgies d'urgences traumatologiques et viscérales. Son ouverture est programmée pour le mois de février 2012.

MSF poursuit également ses activités médicales dans un centre de références et d’urgences à Martissant ouvert fin 2006, où sont traités en moyenne 4 370 patients chaque mois.

Rester vigilants

« Une partie des structures de santé de la capitale a disparu le 12 janvier 2010 alors qu’elles n’étaient déjà pas assez nombreuses ni totalement opérationnelles auparavant. Le tremblement de terre a en effet révélé les carences du système sanitaire et exacerbé ses insuffisances », indique Gérard Bedock, chef de mission MSF en Haïti. « Reconstruire va demander beaucoup de temps. Dans l’intervalle et dans la mesure de nos capacités, nous nous efforçons de pallier le déficit de l’offre sanitaire tout en restant réactifs face à de potentielles nouvelles urgences, comme le choléra. »

Depuis fin octobre 2010, une gigantesque épidémie de choléra frappe Haïti, avec plus d’un demi-million de malades recensés à ce jour. Selon Wendy Lai, coordinateur médical MSF : « Des centaines de milliers de personnes vivent toujours dans des camps de déplacés dans des conditions sanitaires déplorables. L’accès à l’eau potable et à l’assainissement est très limité sur l’ensemble du territoire, notamment dans les zones rurales et reculées. Une telle précarité favorise la propagation des maladies infectieuses. Si le nombre de nouveaux cas de choléra a aujourd’hui beaucoup diminué, il y en a tout de même plusieurs centaines par semaine et les risques de résurgence saisonnière demeurent très élevés. Nous devons rester extrêmement vigilants. »

 

MSF a ouvert ses premiers projets en Haïti en 1991 avec des programmes d’urgences lors de catastrophes naturelles ou de situations de crise.

Au lendemain du tremblement de terre de janvier 2010, MSF a lancé la plus grande intervention d'urgence de son histoire, apportant des soins à 358 000 personnes, réalisant 16 570 opérations chirurgicales et procédant à 15 100 accouchements sur une période de 10 mois.

Pendant l’épidémie de choléra, MSF a mis en place une opération sans précédent avec plus de 75 structures de soins et 4 000 personnels déployés sur le territoire haïtien au plus fort de la crise. Près de 170 000 malades ont été soignés entre octobre 2010 et novembre 2011. Afin d’anticiper une éventuelle nouvelle flambée épidémique, MSF a établi un plan de préparation à l’urgence permettant une réponse curative rapide et de vaste envergure.

 

Deux ans après le tremblement de terre - Données financières MSF

En millions d’euros20102011Total
Collecte pour Haïti111n/a 
Dépenses   
Ressources humaines454186
Médical15823
Construction et logistique20828
Transport et stockage22628
Autres415
Dépenses totales10664170
...dont dépenses consacrées au choléra151833

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les deux tiers des dépenses relatives aux ressources humaines correspondent aux salaires du personnel Haïtien.
Les chiffres consolidés de la collecte 2011 pour Haiti ne sont pas encore disponibles. Ils seront néanmoins nettement inférieurs à ceux de 2010 et ne couvrent pas les dépenses 2011 qui ont été complétées par les fonds propres de MSF.
Pour 2012, le budget prévisionnel de MSF pour Haïti s’élève à 34 millions d’euros.

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