Mexique : les migrants davantage exposés aux violences extrêmes depuis les nouvelles politiques d'immigration américaines

Un groupe de personnes migrantes escorté par des policiers, sur la route reliant les villes de La Venta et Juchitán, dans le sud du Mexique. Octobre 2024
Un groupe de personnes migrantes escorté par des policiers, sur la route reliant les villes de La Venta et Juchitán, dans le sud du Mexique. Octobre 2024   © Adri Salido

Le nombre de consultations en santé mentale au centre de soins de Médecins Sans Frontières (MSF) à Mexico City a augmenté de 36% au premier trimestre 2025. La violence continue de divers groupes armés sur la route migratoire d'Amérique centrale ainsi que les nouvelles politiques d'immigration restrictives des États-Unis et d’autres gouvernements de la région sont les principaux facteurs à l'origine de cette augmentation. Face à la recrudescence des besoins, MSF exhorte les autorités et les ONG à renforcer leur assistance aux personnes victimes de violences, cherchant à se mettre à l’abri.  

Au cours du premier trimestre 2025, les équipes de MSF ont dispensé 485 consultations individuelles de santé mentale à des migrants en transit ou bloqués au Mexique et à des citoyens mexicains. À titre de comparaison, en 2024, entre 300 et 350 consultations avaient lieu chaque trimestre. Entre janvier et mars 2025, 48% des patients présentaient un syndrome de stress post-traumatique, 39% un trouble dépressif et 7% des réactions de stress aigu, des troubles liés au deuil ou à l’anxiété.

« Depuis la fin du mois de janvier, nous avons pris en charge des personnes souffrant de graves problèmes de santé mentale, attribuables en grande partie aux conséquences des politiques d'immigration restrictives récemment mises en œuvre par les États-Unis et d'autres gouvernements de la région », a déclaré Joaquim Guinart, coordinateur du centre de soins intégrés de MSF.  

Le président américain Donald Trump a pris une série de mesures en janvier, notamment la déclaration d'une urgence nationale à la frontière sud des États-Unis, qui a eu pour effet de militariser le contrôle de l’immigration et la suspension temporaire de l'admission des réfugiés aux États-Unis. 

Avant même la publication de ces décrets, la nouvelle administration américaine a fait fermer l'application CBP One qui, malgré ses défauts, était le seul moyen de demander l'asile à la frontière sud des États-Unis. L'impact de ces restrictions est encore aggravé par les réductions de financement des programmes humanitaires, qui affectent gravement l'accès aux abris et aux soins pour les personnes migrantes.

« Ces changements abrupts ont laissé de nombreuses personnes dans un vide juridique, sans possibilité de demander l'asile et sans accès aux services essentiels ou à la protection », explique Joaquim Guinart 

Ensemble, ces mesures réduisent l'accès à l'asile et augmentent les risques pour les personnes migrantes en les poussant à emprunter des itinéraires de plus en plus dangereux et en les piégeant dans des lieux peu sûrs où elles courent un risque accru d'enlèvement, d'extorsion et de violence sexuelle. 

Le centre de soins de MSF à Mexico City a ouvert ses portes en 2016 pour offrir une prise en charge complète aux survivants de violences extrêmes et de torture, notamment des soins médicaux, psychologiques, de kinésithérapie et d’autres services. Le centre accueille en permanence entre 30 et 50 patients qui sont suivis pour une durée moyenne de trois à six mois. En 2024, les équipes de MSF avaient identifié 4 500 victimes de violence. Parmi elles, 186 ont bénéficié d'une prise en charge complète, tandis que les autres ont reçu des soins auprès de cliniques mobiles ou fixes de MSF, ou ont été référées à d’autres organisations.

Bien que la plupart des personnes admises soient en migration, depuis le dernier trimestre 2024, le centre de soins de MSF a également reçu des patients mexicains, pour la plupart déplacés par la violence qui sévit dans diverses régions du pays. Les équipes de MSF ont constaté une augmentation de 50% des admissions pendant cette période, passant de 40 en moyenne, à 64.  

« Au centre de soins intégrés, les femmes et les enfants constituent la majeure partie de nos patients. Nous nous occupons également de nombreuses personnes LGBTQIA+ », explique Joaquim Guinart. « La violence laisse de profondes cicatrices, causant non seulement des dommages physiques, mais aussi de graves troubles psychologiques. » 

« Les difficultés d'accès aux soins rendent le rétablissement beaucoup plus difficile pour de nombreuses personnes touchées par la violence extrême », explique Henry Rodríguez, coordinateur général de MSF au Mexique. « En ces temps contraints de réduction de l'aide humanitaire, il est essentiel de reconnaître l'importance de la coopération entre les entités publiques et les ONG afin d'orienter ces personnes vers le peu de services disponibles. »  

Entre janvier 2024 et février 2025, les équipes de MSF au Mexique, au Guatemala, au Honduras, au Costa Rica et au Panama ont soigné près de 3 000 survivants de violences sexuelles et ont fourni plus de 20 000 consultations individuelles en santé mentale, dont beaucoup ont été précipitées par la violence, le déplacement et les difficultés du processus de migration. 

Notes

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