Rougeole - Vacciner en urgence lors d'une épidémie

Campagne de vaccination à Kebkabiya Soudan Nord Darfour octobre 2004.
Campagne de vaccination à Kebkabiya, Soudan, Nord Darfour, octobre 2004. © Kris Torgeson

Quatre études sur des interventions de MSF entre 2002 et 2005 montrent la pertinence d'une campagne de vaccination pendant une épidémie de rougeole. Pourtant, l'Organisation mondiale de la Santé ne recommande toujours pas la vaccination de masse en situation épidémique. Et sur le terrain, il est souvent difficile de convaincre les autorités sanitaires de l'importance d'une telle opération.

Les récents progrès obtenus dans la lutte contre la rougeole ne peuvent faire oublier que cette maladie reste l'une des principales causes de décès chez l'enfant en Afrique. Malgré l'amélioration de la couverture vaccinale dans certains pays, des épidémies de rougeole surviennent toujours. A chaque fois, des milliers d'enfants tombent malades et une forte proportion d'entre eux meurt.

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) soutient les campagnes de vaccination routinières mais ne recommande toujours pas de vacciner massivement une fois l'épidémie déclenchée. Or les interventions de MSF, documentées par les travaux d'Epicentre, montrent que les campagnes de vaccination permettent de protéger les personnes les plus à risque, de diminuer le nombre de décès et de limiter l'expansion de l'épidémie.

« Une épidémie de rougeole a frappé la région de Katsina, au Nigeria, en 2005, rappelle Thierry Allafort, responsable des urgences à MSF. Nous estimons que le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans était trois fois supérieur au seuil critique communément admis. Les enfants meurent aussi des complications liées à la rougeole, jusqu'à un an après la maladie : à Katsina, la moitié des enfants pris en charge pour malnutrition sévère avaient été atteints par la rougeole. » Cet exemple illustre bien la gravité des conséquences de la rougeole.
Or il existe un vaccin efficace quelques jours après l'injection. « La priorité pendant les épidémies est de soigner les malades et d'éviter les complications, explique Thierry. En deuxième priorité, il faut absolument vacciner les enfants. » Même tardivement, puisque les épidémies peuvent être longues. Une épidémie à Kinshasa, en République Démocratique du Congo, a duré plus de 40 semaines entre 2002 et 2003.

Mieux vaut tard que jamais
Mais les équipes menant une intervention d'urgence sur une épidémie de rougeole se heurtent très souvent à l'opposition des autorités sanitaires. Cela entraîne au mieux des retards et, au pire, l'impossibilité de mener ces campagnes. Au Nigeria, MSF n'a pas obtenu l'autorisation de vacciner. Au Niger en 2004 et au Tchad en 2005, plus de 150 000 enfants de moins de cinq ans ont été vaccinés, dans chacun des pays, durant l'épidémie. Mais les vaccinations ont été tardives. Au Tchad, à N'Djamena, MSF a proposé une campagne de vaccination six semaines puis à nouveau treize semaines après le début de l'épidémie. Mais ce n'est qu'à la dix-neuvième semaine que l'autorisation a enfin été délivrée.
Même tardives, ces campagnes ont été efficaces puisqu'elles ont été suivies d'une baisse du nombre de cas de rougeole. Par exemple, au Niger en 2004, un début d'intervention au 160ème jour (soit plus de cinq mois) après le début de l'épidémie a permis d'éviter au moins 800 cas (8%) selon nos études. On ne peut qu'imaginer combien de cas auraient pu être évités si la campagne de vaccination avait pu se tenir plus tôt... « Il faut intervenir le plus tôt possible », résume le docteur Philippe Guérin, d'Epicentre.

Convaincre l'OMS
Les discussions à ce sujet entamées avec l'OMS depuis plus d'un an n'ont toujours pas abouti. Le changement des recommandations attendu à la fin de l'été, n'a pas eu lieu. Un groupe d'experts indépendants a pourtant recommandé ce type d'intervention, pertinente d'un point de vue médical, mais aussi économique. Le vaccin contre la rougeole coûte 23 centimes d'euro la dose, une somme dérisoire par rapport au coût de traitement à l'hôpital d'un enfant atteint d'une complication grave liée à la rougeole. Sans lever tous les obstacles à la réalisation de telles campagnes, le changement de politique de l'OMS contribuerait au moins à convaincre les autorités sanitaires nationales de l'importance de ce volet dans une intervention d'urgence. Alors, pourquoi attendre ?

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