RDC : suite aux combats, des dizaines de milliers de personnes ont besoin d’une aide humanitaire

Vue de la route entre Goma et Rutshuru. République démocratique du Congo. 4 novembre 2022.
Vue de la route entre Goma et Rutshuru. République démocratique du Congo. 4 novembre 2022. © Moses Sawasawa

Fin octobre, le Mouvement du 23-Mars (M23) a lancé une nouvelle offensive contre l’armée congolaise et contrôle désormais une partie du territoire de Rutshuru, dans le Nord-Kivu. Les combats ont entraîné le déplacement de plusieurs dizaines de milliers de personnes, réfugiées sur des sites informels comme à Kanyaruchinya, une localité située à une dizaine de kilomètres au nord de Goma, le chef-lieu de la province. Les équipes MSF, présentes dans l’est de la République démocratique du Congo, répondent aux besoins de ces populations qui manquent de tout.

« En l’espace de quelques jours, nous avons vu des milliers de personnes s’installer, le plus souvent sous la pluie, dans des abris construits à la hâte avec des branchages et des feuilles d’eucalyptus ramassés dans les forêts avoisinantes, explique la Dr Maria Mashako, coordinatrice médicale pour Médecins Sans Frontières. Ces familles n’ont emporté que le strict nécessaire dans leur fuite. Elles n’ont accès à rien ou presque : soins, abris, nourriture, eau, latrines. Ces besoins vitaux doivent être urgemment couverts pour limiter les impacts négatifs qu’ils pourraient avoir sur leur santé. »

La localité de Kanyaruchinya accueillait déjà des milliers de personnes déplacées, arrivées, pour certaines, suite à l’éruption volcanique survenue sur le territoire de Nyiragongo en mai 2021, pour d’autres, après les combats qui ont eu lieu ces derniers mois entre le M23 et l’armée congolaise. Alors que les conditions de vie sur le site informel de Kanyaruchinya étaient déjà extrêmement précaires, l’arrivée d’une nouvelle vague de personnes déplacées accroît significativement les besoins.

Pour assurer l'acheminement quotidien de 200 000 litres d'eau, les équipes logistiques ont été renforcées et gèrent les déplacements quotidiens de quatre camions citernes, qui approvisionnent une dizaine de points de distribution dans les localités de Kanyaruchinya et Munigi. République démocratrique du Congo. 2022.

 
 © Moses Sawasawa
Pour assurer l'acheminement quotidien de 200 000 litres d'eau, les équipes logistiques ont été renforcées et gèrent les déplacements quotidiens de quatre camions citernes, qui approvisionnent une dizaine de points de distribution dans les localités de Kanyaruchinya et Munigi. République démocratrique du Congo. 2022.   © Moses Sawasawa

Selon les autorités provinciales, le 3 novembre, au moins 74 000 personnes avaient besoin d'une aide humanitaire aux portes de Goma, à la suite des derniers déplacements massifs de population. Il est toutefois très difficile de savoir précisément combien de personnes sont arrivées ces derniers jours tant les arrivées ont été nombreuses et soudaines. « Certains sites où nous avons l’habitude de passer étaient vides il y a encore deux semaines et sont maintenant pleins à craquer. À vue d’œil, la population de Kanyaruchinya semble avoir triplé en l’espace d’un week-end », poursuit la Dr Mashako. 

Les familles nouvellement arrivées se sont installées où elles pouvaient, y compris dans les écoles, créant par défaut une cohabitation de fortune entre élèves et déplacés. « Nous avons marché pendant plus de 15 heures pour rejoindre Kanyaruchinya. Nous sommes désormais regroupés entre voisins derrière une école, sans aucune ressource », explique Jean-Claude, qui a fui les affrontements dans le territoire de Rutshuru. 

Au centre de santé de Kanyaruchinya, appuyé par MSF, les consultations sont en très nette augmentation par rapport au mois d’octobre, passant de 80 consultations par jour en moyenne à 250 aujourd’hui. Afin de répondre aux besoins médicaux croissants, MSF va renforcer son appui à l’équipe soignante du centre de santé pour lui permettre de s’agrandir et continuer à recevoir les patients 24 heures sur 24.

Un point d'eau à Kanyaruchinya. République démocratique du Congo. 2022.
 © Moses Sawasawa
Un point d'eau à Kanyaruchinya. République démocratique du Congo. 2022. © Moses Sawasawa

Depuis le mois de juillet, MSF soutient le centre de santé de Kanyaruchinya, qui fournit des soins aux personnes déplacées et à la population locale. Les infections respiratoires, la diarrhée et les infections cutanées sont les maladies les plus fréquemment prises en charge. Plus de 10 000 consultations ont été réalisées, dont plus des deux tiers auprès de personnes déplacées.

Face au manque criant d’acteurs présents au cours des derniers mois pour offrir une assistance humanitaire aux personnes déplacées dans le territoire de Nyiragongo, les équipes de MSF s’étaient également mobilisées pour approvisionner en eau plusieurs sites dans les aires de santé de Munigi et Kanyaruchinya.

« La promiscuité et les mauvaises conditions d’hygiène dans les sites de déplacés favorisent la propagation des maladies d’origine hydrique, comme le choléra, ainsi que d’autres maladies à potentiel épidémique. Depuis le week-end des 29 et 30 octobre, nous avons doublé nos distributions d’eau potable. Nous livrons désormais 200 000 litres d’eau par jour sur une dizaine de sites. Malgré cela, notre action reste limitée face à l’ampleur des besoins », explique la Dr. Mashako.

Le centre de santé de Kanyaruchinya, soutenu par MSF. République démocratique du Congo. 2022.
 © Lisa Veran/MSF
Le centre de santé de Kanyaruchinya, soutenu par MSF. République démocratique du Congo. 2022. © Lisa Veran/MSF

L’intensification des pluies ces dernières semaines accentue la précarité des conditions de vie pour les personnes déplacées et sinistrées, les exposant davantage à certaines maladies comme les infections respiratoires et le paludisme. Leur permettre d’accéder à un abri décent est donc une priorité. Le manque de nourriture est également préoccupant ; sans accès à leurs champs et sans source de revenus, la majorité des familles dépendent de l’assistance humanitaire pour se nourrir.

Les personnes déplacées, et particulièrement les femmes, sont également exposées aux risques de violence : « Depuis le début de notre intervention à Kanyaruchinya, nous avons pris en charge près de 120 victimes de violences sexuelles, dont plus de 80 % au sein de la communauté déplacée. La plupart des survivantes arrivent dans les 72h. Elles nous expliquent avoir été agressées alors qu’elles cherchaient de la nourriture ou du bois de chauffage, s’inquiète la Dr Mashako. Il est crucial que les promesses d’interventions des autres acteurs humanitaires se concrétisent rapidement pour venir en aide à toutes ces personnes démunies. »

Les équipes de MSF sont présentes également à Rutshuru, Binza, Kibirizi et Bambo, dans le territoire de Rutshuru, où elles continuent d’offrir une assistance médicale aux populations locales, tout en évaluant les besoins des personnes nouvellement déplacées. Au cours des six derniers mois, les affrontements qui opposent l’armée congolaise et le M23 avaient déjà poussé au moins 186 000 personnes à se déplacer dans la région, auxquelles viennent désormais s’ajouter des dizaines de milliers de nouveaux déplacés.

À lire aussi