Iran : auprès des populations marginalisées de Sud-Téhéran

Activités de MSF dans le Sud de Téhéran en Iran
Clinique MSF dans le Sud de Téhéran, en Iran. © MSF

Découvrez le journal de bord d’Estelle Thomas, coordinatrice de projet, dans le centre MSF de Sud-Téhéran. Nos équipes y offrent des soins aux personnes marginalisées, comme les sans-abris, les toxicomanes et d’autres communautés vulnérables. 

« Il est 7h15, les premiers patients commencent à arriver dans notre centre qui ouvre à 8 heures. Ce ne sont pas vraiment des gens du matin, mais ils arrivent tôt pour trouver un peu de chaleur – celle du poêle et celle du personnel MSF déjà présent – après avoir passé la nuit dans la rue, dans le froid.

Ici à Sud-Téhéran, la plupart des patients sont sans-abris et la majorité d’entre eux sont toxicomanes. Certains se sont retrouvés dans la rue à cause de la drogue ; d’autres ont commencé à prendre de la drogue parce qu’ils n’avaient nulle part où aller. Tous connaissent une situation difficile et aucun n’a de travail régulier, si ce n’est ramasser et vendre des objets ramassés dans les poubelles ou faire des petits boulots généralement illégaux.

Quelques patients ont de la famille, d’autres non, mais tous sont exclus de la société à cause de leur mode de vie. Parfois ils peuvent trouver une place dans un abri pour la nuit, mais le plus souvent ils dorment dans la rue ou alors ils trouvent un endroit tranquille où ils peuvent prendre de la drogue depuis la fin de l’après-midi jusqu’au lendemain matin. Il y a de nombreux endroits de ce genre, la plupart se trouvent dans des parcs, mais on en voit aussi sur les trottoirs et dans des rues autour de la gare routière du Sud.

Clinique MSF Sud de Téhéran, en Iran.
 © MSF
Clinique MSF Sud de Téhéran, en Iran. © MSF

Selon des estimations de l’agence iranienne Drug Control Headquarters, 3,5 % de la population, soit trois millions de personnes sur une population totale de 84 millions en Iran, est toxicomane. Dans le quartier où se trouve le centre de soins MSF à Sud-Téhéran, un vieux quartier pauvre et surpeuplé, l’héroïne et la méthamphétamine sont les principales drogues consommées, généralement fumées ou inhalées. Peu de gens se font des injections, ce qui réduit le risque de transmission de maladies infectieuses par des aiguilles souillées.

De même que les sans-abris, les prostituées et les membres de la minorité ethnique des Ghorbati, les toxicomanes en Iran sont stigmatisés, ce qui peut signifier un accès aux soins difficile. Pour toutes ces populations vulnérables, MSF dispense gratuitement dans son centre de Sud-Téhéran des soins médicaux de base, y compris un soutien psychologique.

Aujourd’hui, Mohammad, 40 ans, vient au centre pour la première fois. Alors qu’il avait tout juste 15 ans, Mohammad quittait sa famille pour trouver du travail à Téhéran. Faute d’en avoir trouvé et d’avoir des parents en ville pour l’aider, il s’est rapidement retrouvé à consommer de la drogue. Il souffre fréquemment d’hallucinations causées par la drogue et il dort dans des parcs de la ville, là où il a rencontré l’équipe mobile de MSF.

Après avoir vu le Dr. Aïda en consultation et Mariam, l’éducatrice santé, Mohammad se fait maintenant dépister pour des maladies infectieuses : VIH, hépatite B et C, syphilis et tuberculose. Les patients dont le test pour l’hépatite C est positif peuvent recevoir gratuitement un traitement ainsi qu’un soutien au centre tandis que ceux dont le test pour le VIH ou la tuberculose est positif sont référés dans des programmes nationaux de prise en charge.

Comme le test de Mohammad pour l’hépatite C est positif, il retourne voir le Dr. Aïda et Mariam qui lui expliquent que la maladie peut être soignée avec un traitement approprié et qu’il recevra l’aide de toute l’équipe MSF – médecins, infirmières, psychologues, travailleurs sociaux et agents communautaires – pour prendre son traitement comme il faut et traiter ses hallucinations. Il est présenté à Neda, une agent communautaire, qui restera en contact étroit avec lui pour lui rappeler ses rendez-vous au centre et l’aider tout au long du traitement.

Quand les médecins voient des patients qui ont des problèmes médicaux et psychosociaux compliqués, par exemple des patients présentant des pathologies cardiaques ou des troubles psychiatriques, ils les réfèrent pour qu’ils reçoivent des soins spécialisés dans un autre endroit. Il peut s’agir d’une consultation avec un spécialiste, d’analyses complémentaires dans un laboratoire ou d’une hospitalisation. Les patients qui ont besoin d’aller à l’hôpital sont aidés par un travailleur social qui peut faciliter leur hospitalisation car la plupart d’entre eux n’ont pas l’habitude de recevoir des soins à l’hôpital et peuvent être refusés.

Clinique MSF au Sud de Téhéran, en Iran.
 © MSF
Clinique MSF au Sud de Téhéran, en Iran. © MSF

L’équipe MSF comprend 15 agents communautaires, éducateurs de santé et pairs aidants, comme Mariam et Neda. Faisant partie de la communauté de Sud-Téhéran, ils savent où l’on peut trouver les toxicomanes, les sans-abris et les prostituées et ils comprennent leur mode de fonctionnement. Ils peuvent toucher les personnes vulnérables qui risquent d’avoir besoin de soins médicaux, en leur parlant des services offerts par MSF et en les orientant vers notre centre et nos équipes mobiles qui vont plusieurs fois par semaine dans la ville et sa périphérie.

Cette équipe de 15 personnes apprend aussi aux personnes les risques de transmission des maladies infectieuses et apporte un soutien quotidien aux patients. Avec les travailleurs sociaux, elles font le lien avec les familles, les abris ou d’autres organisations caritatives ; elles accompagnent les patients qui doivent être référés et ceux qui viennent au centre MSF pour la première fois.

A 16h30, le centre MSF ferme ses portes. Notre équipe mobile continue de travailler plus tard car les toxicomanes se rassemblent généralement en fin d’après-midi. Finalement nos patients se dispersent, bon nombre d’entre eux passent la nuit dans des parcs et des rues en ville. Peut-être commenceront-ils la journée du lendemain en venant tôt au centre MSF car ils savent qu’ici au moins ils sont assurés de trouver un accueil chaleureux. »

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