Faire face aux traumatismes de la guerre : témoignages d’Ukraine
Depuis février 2022, le conflit en Ukraine a entraîné une augmentation du nombre de blessés nécessitant des soins complexes et un soutien psychologique à long terme. En réponse à ces différents besoins, MSF a déployé des programmes de rééducation et de santé mentale. Récits de patients accompagnés par les équipes MSF.
En Ukraine, les personnes souffrant de blessures causées par des explosions, des éclats d’obus ou d'amputations, ont toutes besoin de soins intensifs et spécialisés. En mars 2023, MSF a lancé un projet de rééducation précoce à l'hôpital de Tcherkassy, dans le centre du pays, pour leur fournir ce suivi adapté. Les équipes MSF y offrent de la physiothérapie, un soutien psychologique et des soins infirmiers.
À Vinnytsia, MSF a ouvert un centre spécialisé pour des personnes présentant des symptômes de syndrome de stress post-traumatique lié à la guerre. Des séances psychologiques individuelles, ainsi que des séances pour les membres des réseaux de soutien des patients y sont proposées. Les équipes MSF enseignent aux patients des techniques pour les aider à réduire les symptômes, améliorer leurs capacités d'adaptation et atténuer les conséquences du stress traumatique.
Ils sont aujourd’hui des milliers à être confrontés aux traumatismes de la guerre et à tenter de se reconstruire à la fois physiquement et psychologiquement. C’est le cas de Dima, d’Inna, de Tetianna, de Dmytro et de Petro, tous suivis dans le cadre de nos projets.
Dima
Dima a été blessé par un fragment d’obus qui s’est logé dans son corps. « Cela m'a momentanément paralysé, du bas de la colonne vertébrale jusqu'aux extrémités. J'ai cru que ma moelle épinière était touchée et que je ne pourrais plus marcher. J'ai pensé que c'était la fin. Alors que j'étais étendu au sol, j'entendais les drones ennemis au-dessus de ma tête. Je suis resté immobile et j'ai fait semblant d'être mort. Je les ai entendus partir. Puis j'ai commencé à crier de douleur. Je pensais que j'allais me vider de mon sang », raconte-t-il.
Lorsque Dima, 20 ans, a repris conscience à l'hôpital, il a téléphoné à sa mère pour lui dire qu’il allait bien, qu'il n'avait que quelques égratignures mais ce n'était pas la réalité. « J'avais un gros trou dans la jambe, l'oreille et le bras », dit-il. Dima n'arrive pas à dormir : « Mes cauchemars sont toujours les mêmes. Ils me ramènent de l'hôpital aux tranchées, puis je me retrouve au-dessus de tout ça. Je suis le drone qui largue le projectile qui me blesse. »
Inna et Tetiana
Le mari d’Inna, 42 ans, et le fils de Tetiana, 48 ans, sont tous deux prisonniers de guerre en Russie. Ils ont été capturés le même jour en mai 2022. Valerii, le fils de Tetiana, a aujourd'hui 27 ans. Inna a du mal à se souvenir de l'âge de son mari. Elle explique que c'est parce que « nous ne fêtons plus les anniversaires. Quand ils ont été capturés, tout s'est arrêté ».
Ni Inna ni Tetiana n'ont eu de contact direct avec leurs proches depuis trois ans. À chaque échange de prisonniers, elles espèrent qu’ils seront parmi les libérés.
Tatiana
Tatiana, 66 ans, a perdu son fils Maksym, tué sur le front à Donetsk en 2022. « Il est impossible de décrire le poids de la douleur que je porte. Je pense à lui tous les jours, quand je me réveille et quand je m'endors. Parfois, quand je marche, je vois un jeune homme qui lui ressemble, grand, doux et fort », déclare-t-elle.
Tatiana est née en Russie et est arrivée en Ukraine en 1974. Tout comme le reste de sa famille, elle a travaillé dans les chemins de fer pendant 40 ans. « C'est là que j'ai rencontré mon mari. Nous voulions que Maksym rejoigne lui aussi les chemins de fer, mais depuis son enfance, il rêvait de s'engager dans l'armée. Quand il était petit, Maksym jouait à « Zarnytsia » (un ancien jeu de guerre soviétique) dans les bois. C'est ainsi qu'il restera dans ma mémoire : courant dans les bois... Il existe une photo de son cadavre prise par son commandant. Je ne l'ai toujours pas regardée. Je ne peux pas. Je veux me souvenir de lui tel qu'il était, vivant », explique-t-elle.
Dmytro et Petro
Petro, 40 ans, et son frère aîné, Dmytro, 43 ans, ont été blessés lors de l’explosion d’un drone. Ils se remettent actuellement de leurs blessures dans le même hôpital, dans des services différents. « Après l’explosion, j'ai entendu la voix de mon frère et je me suis calmé. Tout s'est probablement passé très vite, mais j'avais l'impression que le temps s'était arrêté. Quand j'ai réalisé que Petro était gravement blessé aux quatre membres et qu'il perdait beaucoup de sang, j'ai su que je devais lui prodiguer des soins médicaux, sinon il mourrait. Je suis sur le front depuis longtemps. J'ai fait beaucoup de garrots », explique Dmytro.
Les deux frères se rétablissent progressivement mais d’après ses médecins, Petro ne retrouvera jamais l’usage complet de ses mains.